LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Présidentielle sénégalaise : 14 contre Wade

Publié le vendredi 23 février 2007 à 07h16min

PARTAGER :                          

C’est connu, ce dimanche 25 février, les Sénégalais sont appelés aux urnes. Car après sept ans à la tête du Sénégal, Wade remet son fauteuil en jeu ce jour-là. Déjà les 17 et 18 février dernier, ils étaient 24 479 militaires et paramilitaires à accomplir leur devoir de citoyen. Même pour le Sénégal, qui passe pour être une des locomotives du continent en matière de démocratie, c’était la toute première fois que militaires et paramilitaires votaient.

Lors de ce scrutin de 2007, quinze (15) candidats dont le Président sortant, Abdoulaye Wade, seront en lice pour l’élection présidentielle, dont la campagne, de trois semaines, a démarré, on se souvient, le dimanche 4 février. Enjeu principal de cette présidentielle : les Sénégalais vont-ils renouveler leur confiance au Président Wade, arrivé au pouvoir en 2000, soutenu à bout de bras, quasiment, par toute l’Opposition de l’époque, à la faveur d’une élection qualifiée alors d’historique ?

En dépit de son âge avancé (81 ans), que mettent en exergue certains de ses adversaires, ses partisans entendent lui accorder un second mandat, le temps pour lui d’achever ses "grands chantiers" et de pouvoir tenir toutes ses promesses de 2000.

Aujourd’hui, nous vous présentons les 15 personnalités, qui ont, chacune, déboursé 25 millions FCFA à titre de caution, pour faire acte de candidature. Pour dire vrai, sur ces 15 candidats, il y a, d’un côté, ceux que la presse sénégalaise présente comme les "grosses pointures", et, de l’autre, ceux qualifiés de "petits candidats".

Les grosses pointures

Abdoulaye Wade

Il est né le 29 mai 1926 à Saint-Louis. Dès 1954, il avait déjà obtenu son certificat d’études supérieures de mathématiques, physique et chimie à la Faculté de sciences de Besançon. Il est aussi un homme de droit, car avocat, et il est titulaire d’une agrégation en droit comparé. Pour ceux qui le connaissent, Wade est une personnalité complexe, iconoclaste, imprévisible et difficile à caser dans une quelconque typologie.

Il est, à ce titre, l’homme politique le plus constant et le plus déroutant à la fois dans le microcosme politique sénégalais. C’est dire que c’est un individu foncièrement atypique. Combatif et teigneux malgré le poids de l’âge, Wade n’a, jusqu’à présent, jamais été à court d’idées mobilisatrices de l’opinion, qu’on les partage ou les réfute.

Ses idées sont toujours susceptibles de séduire ou de désarçonner, de choquer ou d’envoûter aussi bien ses partisans que ses adversaires, mais elles ne laissent personne indifférent. L’homme est tenace et jouit d’une rare intelligence dans le domaine politique ainsi que d’une désopilante propension à dire ou à faire tout le contraire de ce que, logiquement et légitimement, on doit attendre de lui.

En sept ans, que d’écrits sur l’homme et sa gestion de la chose publique : ses pratiques, son populisme notamment lorsqu’il tort le cou aux conventions sociales (ce qui frise souvent le cynisme), ses violents coups sur la Constitution. Avec Abdoulaye Wade, disent certains politistes, le désenchantement a beaucoup gagné les esprits et les cœurs.

Mais quoi qu’il en soit, l’homme fascine toujours. Il est accessible, sans trop de protocole, drôle, avec beaucoup de spontanéité et d’impulsivité, et scrute son interlocuteur avec beaucoup de méfiance. Selon certains observateurs, Abdoulaye Wade traîne un boulet avec un bilan qui n’est ni bon ni mauvais, mais faible.

En 2000, estiment-ils, l’attente des Sénégalais était considérable. Aujourd’hui, la déception est au rendez-vous parce que Wade n’a pas su s’inspirer des leçons de l’histoire. En tenant compte des sondages d’opinion faits au cours des différents scrutins intervenus dans le pays entre 2000 et 2007, on constate que le PDS, le parti de Wade, et ses alliés ont constamment baissé de cote au sein de l’opinion.

En 2001, le bloc libéral, dirigé par le PDS, comptait 982 620 voix, soit 49,6% des suffrages exprimés alors que le total de l’Opposition était 50,4% des votants. En 2002, le bloc libéral tombait à 45% des suffrages, ce qui signifie qu’environ 55% des Sénégalais avaient voté contre Wade. Difficile de dire qu’en 2007 celui-ci obtiendra au moins les 51%, c’est-à-dire la majorité absolue pour être élu au premier tour. Et pourtant, Wade n’entend aucunement aller au second tour, car il n’ignore pas qu’y aller est lourd de dangers.

2. Idrissa Seck

Agé seulement de 48 ans, Idrissa Seck est l’un des plus jeunes candidats. Il est né le 9 août 1959 à Thiès. Il a été, tour à tour, ministre d’Etat, directeur de cabinet du Président Wade avant d’être Premier ministre du 4 novembre 2002 au 21 avril 2004, en remplacement de Madame Mame Madior Boye. Idrissa Seck, à l’époque n°2 du PDS, était maire de Thiès. Il est diplômé des Hautes études commerciales (HEC) de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Université de Princeton, aux USA. Il a été, pendant plus de 15 ans, considéré comme la matière grise de Wade.

Mais celui qui a assuré de hautes fonctions au sein de l’Administration sénégalaise, ancien Premier ministre et ancien Directeur de campagne en 2000, bien que parti du PDS (suite à ses démêlés judiciaires, qui l’ont conduit en prison 7 mois durant) pour créer sa propre formation politique - Rewmi- reste, pour bien d’observateurs, un partenaire de Wade.

En effet, compte tenu des dernières retrouvailles entre les deux hommes, il existerait entre eux un deal qui, à ce jour, est resté bien secret. Ce qui signifie que les choses sérieuses sont, d’ores et déjà, plus ou moins traitées entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck.

Pour ces spécialistes de la politique sénégalaise, Seck n’est pas un candidat "crédible", et c’est pour cela que, pendant sa campagne, il tourne au tiers, sinon au quart de son potentiel. En effet, qui connaît sa verve, son ingéniosité communicationnelle, ses hadiths, ses sourates et sa voix de stentor, a de la peine à reconnaître Seck ; car c’est d’une voix timorée, avec un profil bas, que l’ex-chef du gouvernement de Wade bat sa campagne.

C’est donc un candidat évasif, qui évite soigneusement de se prononcer sur le bilan de Wade, qui parcourt les régions avec des moyens somme toute assez conséquents. Peut-être bien qu’après cette présidentielle, on saura les tenants et les aboutissants de son "compromis" avec Wade !

3. Moustapha Niasse

Au Sénégal, c’est un mastodonte politique. Par deux fois, sous Abdou Diouf et sous Wade, il fut Premier ministre. A cette présidentielle 2007, il est le candidat d’une coalition de partis dénommée "Alternative 2007". Moustapha Niasse est né le 4 novembre 1939 à Keur Madiabel, dans la région de Kaolack. Monogame, musulman, il a étudié le droit à l’Université de Dakar et à la Sorbonne, à Paris. Moustapha Niasse finit comme major de sa promotion en tant qu’administrateur civil. Il est aussi expert en Administration du développement, en Finances et en Econométrie.

De 1967 à 2001, il sera successivement directeur de cabinet du Président Senghor, ministre d’Etat aux Affaires étrangères, et Premier ministre sous Diouf puis, après, sous Wade, en 2000. Sur le plan international, Niasse fut Président de la session spéciale de l’Assemblée générale de l’ONU portant sur la lutte contre l’Apartheid, puis président de la session de l’Assemblée générale de l’ONU sur le règlement de la question palestinienne et du Moyen-Orient.

Nommé Envoyé spécial de Kofi Annan dans la région des Grands Lacs en RDC, Niasse reste, quoi qu’on dise, un homme d’Etat. Cet homme multidimensionnel est également présent dans le secteur privé, à travers son groupe financier du Cabinet conseil international (CCI), qu’il préside et qui est composé de cinq sociétés (pétrole brut, Assurances, Consultation financière et commerciale, shipchandier et des activités maritimes, transports aériens).

Bref, c’est un milliardaire qui sollicite les voix de ses compatriotes. Et son célèbre appel à la nation sénégalaise du 16 juin 1999, J’’ai choisi l’espoir", consacrera sa rupture définitive avec sa formation politique d’origine, le Parti socialiste, et la création de l’Alliance des Forces du progrès (AFP). C’est le congrès de Kaolack qui l’investit pour la première fois candidat de l’élection présidentielle de février 2000.

Classé 3e au premier tour sur les huit candidats à ladite Présidentielle avec 17% des suffrages exprimés, il sera d’un apport décisif pour le candidat Abdoulaye Wade. Nommé Premier ministre après la victoire de ce dernier, la collaboration entre les deux hommes n’a pas tenu plus de 11 mois. Et Niasse rallia ainsi l’opposition au régime de Wade, dirigea la liste AFP aux législatives du 29 avril 2001 et obtint 11 sièges à l’Assemblée.

4. Robert Sagna

Ancien ministre d’Etat ayant totalisé 22 ans de présence dans un gouvernement, maire depuis 22 ans, il est un homme rusé, cachottier et audacieux. Ancien baron du PS, Sagna n’a pas peur d’afficher ses idées et tient à l’éthique de vérité grâce à son éducation de fils de catéchiste. Son visage, relativement poupin, dégage une apparente sérénité. Son front noir est mis en relief par des cheveux poivre-sel qui, à force d’être peignés vers l’arrière, ont fini par ressembler à une natte noire traversée par des fines rayures blanches. Ses yeux sont quasi exorbitants.

Calme et serein, il a toujours l’air d’un homme imperturbable et impénétrable. C’est ce mastodonte du PS qui a créé son courant politique, "Takku Defaraat Sénégal", et qui est candidat à la présidentielle 2007. Mais l’homme a des limites : il ne parle pas, dit-on, wolof. Mais celui qui se destinait à être prêtre a aussi des atouts. Son père, le catéchiste Nicolas (mort en 2000 à l’âge de 90 ans), était rigoureux dans l’éducation de ses 7 enfants.

Major de sa promotion à l’Ecole nationale des cadres ruraux, d’où il est sorti comme ingénieur des Travaux publics, Robert est diplômé du 3e cycle en économétrie du développement depuis 1970. Il est aussi agrégé d’Enseignement technique en 1972 et diplômé en financements internationaux. Tour à tour ministre de l’Equipement et des Transports, du Tourisme, ensuite de la Communication, du Logement, de l’Agriculture et, enfin, ministre d’Etat, Robert connaît à la perfection les problèmes du Sénégal et a ses solutions à lui.

5. Ousmane Tanor Dieng

C’est, dit-on, un homme de foi et de discrétion. On se souvient qu’il a été le tout-puissant ministre d’Etat à la Présidence durant de nombreuses années sous l’ère socialiste. Pour certains, c’est un monstre froid, comme l’Etat qu’il incarna alors qu’il était dauphin sous Diouf. Devenu Premier secrétaire du PS après un congrès controversé, il est adulé par-ci, dénigré par-là.

Le corps svelte, le menton saillant et la poitrine droite, il a un regard introverti, grave et profond. Il est d’une grande timidité et d’une étonnante sérénité, toutes choses qui illustrent sa nature circonspecte et réservée. C’est pourquoi, à travers son calme olympien, il dégage parfois une froideur qui indispose son interlocuteur.

L’homme, dit-on, n’aime pas les spéculations et est peu bavard. Mais c’est un bourreau du travail. Il n’est pas en tout cas reconnu pour son éloquence. Et c’est certainement son plus grand handicap. Pendant plus d’une décennie, il a été un homme d’Etat puissant.

Au décès de sa mère, c’est un jeune homme timide, presque taciturne, qui intègre l’école des Travaux publics en 1964, où il se signale par ses capacités cérébrales. En 1968, il est à l’université de Dakar avant d’aller à l’ENAM d’où il sort, en 1974, conseiller des Affaires étrangères.

Il fit ses armes dans la diplomatie, puis atterrit à la présidence de la République sous Senghor. Sous Diouf, il est directeur de cabinet, puis ministre d’Etat, ministre des Services et Affaires présidentiels. Il devient peu après chef du parti au pouvoir, à l’époque. Peu communicatif, il est casanier et se complaît dans la solitude ; on dit que chez lui les douleurs sont comme les bonheurs : toujours silencieux. Tanor est le candidat du Parti socialiste.

6. Landing Savané

Il est le candidat de la coalition "And Dégar Sénégal" (ensemble pour construire le Sénégal). Landing est statisticien économiste spécialisé en démographie. Rien ne semblait destiner ce ressortissant de Bignona, né en janvier 1945, à une carrière politique pourtant déjà bien remplie. En 1963, il obtient son bac de mathématique élémentaire à Dakar et décroche son diplôme d’ingénieur en 1969 à l’INSEE. Communiste, il n’avait d’yeux que pour le camarade Mao Tsetoung.

En 1988, il se présente, sans illusion, à la magistrature suprême. En 1993, il est également candidat. L’époux de l’emblématique Marie Angélique Savané est présentement critiqué parce qu’il occupe le poste de ministre d’Etat dans le gouvernement Wade et que, sans avoir pris le soin de démissionner, il a fait acte de candidature à la présidentielle.

7. Abdoulaye Bathily

Du lot de la quinzaine du sprint de la Présidentielle 2007, Bathily pourrait être présenté comme un candidat sérieux, à la limite, atypique. Le candidat de la coalition "Jubbandi-Sénégal" aborde le scrutin du 25 février la rage au ventre contre Wade.

Après son cheminement politique couronné en 2000 par l’alternance, il revient, cette fois, avec un objectif précis : détrôner Wade qui a trahi. Ce professeur d’histoire est né en 1947 à Tivabou, un bled perdu dans les profondeurs du Sénégal. Dans la clandestinité, il fonde son parti, La ligue démocratique (LD) qui deviendra LD/MPF. C’est aussi grâce à lui que Wade a réussi l’alternance en 2000. Présentement, Bathily, qui a 4 élus à l’Assemblée, est de l’Opposition radicale et il cherche assidûment la magistrature suprême.

8. Amath Dansokoh

Ancien ministre communiste d’Abdou Diouf, Amath Dansoko, journaliste de formation, est le leader du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT). Il est également député-maire de Kédougou. La soixantaine passée, Dansoko est loin d’être de la dernière cuvée des politiques sénégalais. Plusieurs fois ministre, ancien vice-président de l’Assemblée nationale, il a aussi contribué au succès de Wade en 2000. Présentement, pour rien au monde, il ne soutiendrait le grand chauve de Dakar.

Les petits candidats

9. Mamadou Lamine Diallo

C’est un candidat indépendant, mais qui connaît la haute administration sénégalaise, où il a servi au niveau le plus élevé. Quatre Premiers ministres se sont attaché ses services. Il est polytechnicien de formation, c’est-à-dire de la crème de l’éducation nationale française.

L’homme, qui est né à Dakar, est âgé de 47 ans, père de trois enfants et originaire de la Casamance, où son géniteur, Adama Diallo, ministre sous Senghor, était député-maire de Sedhiou en 1978. C’est une sorte de révolte face à la mauvaise gestion du pays qui l’a précipité sur la scène politique.

10. Mame Adama Gueye

C’est également un candidat indépendant. Jeune avocat, il entend instaurer un discours de type nouveau. Il est le leader du mouvement "sellal", qui est fondé sur l’intégrité, la transparence, l’équité.

11. Alioune Petit Mbaye

C’est également un candidat indépendant. Même s’il affirme qu’il vient d’atterrir dans l’arène politique, il n’entend pas jouer les seconds rôles. Se voulant aussi l’homme de la rupture, ce promoteur de lutte traditionnelle promet la défaite de l’actuelle classe politique au soir du 25 février. Bénéficiant d’une aura dans le milieu de la lutte, il n’entend pas faire de la figuration, puisqu’il a versé la caution de 25 millions exigible de tout candidat.

Pour lui, cela ne représente d’ailleurs que le "petit cachet" qu’il verse à un lutteur. Expert-comptable de formation, Alioune Petit Mbaye entend contribuer à une meilleure gestion des maigres deniers publics sénégalais. "Avec un niveau de Bac7", il dit être en mesure de diriger le Sénégal.

12. Talla Sylla

C’est le remuant leader de l’alliance Jef Jel (un parti d’opposition). Il est le plus jeune candidat à cette présidentielle. A 35 ans, il est musicien à ses heures perdues ; il est l’unique député de son parti, mais également le plus virulent à l’encontre du régime de Wade. Et lors de ses meetings de campagne, ce sont ses tubes qui sont distillés.

13. Bamba Dieye

Il est le leader du Front pour le socialisme et la démocratie- Benno Jubbèl (FSD/BJ). Il place l’éthique au cœur de la gouvernance. Ce fils de pêcheur, qui a mis également la préservation de l’environnement au cœur de son action, a opté pour la rupture avec le régime Wade.

14. Modou Dia

C’est aussi un candidat sans aucune étiquette politique, qui recourt au "porte-à-porte" pour bien faire intégrer son message. Modou Dia, qui est ambassadeur du Sénégal en Arabie-Saoudite, est un proche de Wade, dont il a épousé une nièce. Né en 1950, Modou Dia est un Dakarois "pure souche". Musulman pratiquant, élevé au rang de "Cheickh", il est de la confrérie des Khadrya basée en Mauritanie.

15. Louis-Jacques Senghor

Il est le président du Mouvement libéral pour le peuple sénégalais (MLPS). Neveu du Président Senghor, Louis-Jacques est âgé de 54 ans et entend aussi rompre avec le passé. Voilà ainsi énumérés les 15 prétendants à la magistrature suprême du Sénégal. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on est aucunement à l’abri des surprises au pays du grammairien Léopold Sédar Senghor.

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique