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Elections au Burkina : Du statut de bétail électoral au statut de citoyens courageux

Publié le jeudi 22 février 2007 à 04h04min

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Faire prévaloir ses aspirations en tenant compte de la corporation, la communauté, la société, l’environnement, voilà ce qui devrait désormais guider la conduite du citoyen burkinabè.

La période électorale est, à n’en point douter, une tribune idéale pour poser les vrais problèmes qui minent la société. L’exemple le plus attrayant de nos jours reste incontestablement le cas des écologistes en France avec le charismatique Nicolas Hulot. Il a contraint les potentiels locataires de l’Elysée à se soumettre aux exigences de sa base en leur faisant signer un "contrat écologique." De ce fait, Nicolas Hulot transcende toute considération partisane, sans intérêts personnels afin de mettre en avant l’intérêt de tous les écologistes du monde, de sauvegarder l’environnement mondial.

Sous nos tropiques et à une petite échelle, la localité de Pô fait la "une" des journaux. Les nouvelles élections municipales à Pô ont suscité une nouvelle vision politique de la part des électeurs. Bravant la fraude, la corruption et les intimidations, les militants et la population, conscients, ont fait respecter leur volonté. Mettre à la tête de leur commune celui qu’ils pensent être susceptible de satisfaire leurs desiderata. A l’instar de Pô, il faut que les rapports entre les politiciens et les électeurs changent.

La façon de voir des électeurs de Pô traduit une nouvelle donne dans l’échiquier politique du Burkina. Le maire élu, Henri Koubizara, au soir de son mandat de 5 ans, sera jugé par rapport à son programme et à l’adhésion de ses électeurs. Cela porte à croire qu’il a une obligation de résultats. Il est redevable à ses électeurs et à ses militants, qui peuvent, s’ils ne sont pas satisfaits, l’attendre aux prochaines élections. Car si d’aventure, il fait fausse route, au regard de l’esprit citoyen qui anime désormais la majorité de la population de Pô, il sera sûrement sanctionné. Il ne pourrait plus compter sur les voix de celle-ci. De telles actions courageuses ne pourraient-elles pas cependant être mal perçues par la majorité au pouvoir ? Cela ne conduirait-il pas à laisser volontairement en jachère certaines zones du développement du pays pour "rébellion politique" ?

L’expression électorale des populations est un droit, et la condamner serait antidémocratique. Cela devrait plutôt encourager les responsables du pays, à tester la compétence des élus dans la conduite de la bonne gouvernance.

L’exemple de Pô conduit inéluctablement les hommes politiques, à changer le fusil d’épaule, à élever leur niveau d’honnêteté vis-à-vis de leurs électeurs. L’éveil de conscience, le dépassement de la peur doivent inspirer les uns et les autres à faire changer les choses. Certes, il y a la misère, mais il ne faut pas se résigner. Car ce serait faire le bonheur des politiciens qui se nourrissent de l’ignorance, de la misère et de la peur des populations.

La quête du développement impose des sacrifices. C’est pourquoi les populations doivent s’élever au-dessus de la peur qui constitue une entrave à la démocratie. Avec le temps, contraints par la volonté populaire, les hommes politiques finiront par changer. Car un dicton populaire dit : "Tu peux tromper le peuple une fois, mais tu ne peux pas tromper tout le peuple tout le temps." Les populations, pour cesser d’être assimilées à du bétail électoral, doivent marchander âprement leurs voix, car la voix de chaque électeur est chère et elle ne doit pas être donnée contre un paquet de thé, de sucre ou un bol de riz. Par conséquent, les meetings électoraux devraient être l’occasion de poser les vrais problèmes de la province, de la ville, du village ou du hameau.

Les promesses du politicien devraient être consignées dans la mémoire des populations qui devraient, par un esprit de suivi, exiger leur réalisation dans les délais prévus, faute de quoi il sera sévèrement sanctionné au prochain scrutin. C’est de cette façon qu’on peut faire avancer la démocratie et garantir un développement continu. Certes, la tâche ne sera pas facile pour ces populations, qui, trop souvent, ne savent pas toujours les enjeux d’une élection.

Marquées par la faim et la soif, elles font très peu cas de leurs voix et pensent à tort ou à raison qu’elles pourraient être marginalisées après le scrutin si elles ne prenaient pas en compte les menaces à peine voilées de certains politiciens. Et pourtant, en s’organisant et en trouvant en leur sein de dignes porte-parole, elles peuvent faire plier l’échine à tous ces marchands de rêves, apatrides et égoïstes qui s’appuient sur elles pour leur ascension sociale, et qui les laissent à leurs problèmes après l’élection.

Les populations ne se rendent pas toujours compte qu’elles tiennent entre leurs mains un puissant outil de développement de leur ville ou village : leur voix, leur vote. Il fait donc, que, progressivement, elles arrivent à faire changer de camp leur propre peur. C’est le politicien qui devra avoir peur d’elles quand il va à elles parce que désormais, elles savent ce qu’elles veulent et elles le disent haut et fort au- delà de toute considération partisane. La voie du développement doit passer par la voix de l’électeur. Et la démocratie est aussi une affaire de courage et de conscience.

"Le Pays"

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