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Guinée : La faillite des institutions internationales

Publié le mercredi 21 février 2007 à 08h01min

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Conté et Chirac

Le message adressé par les autorités guinéennes avait été on ne peut plus clair : à sa façon, la Guinée éteindra le feu qui l’embrase, elle n’a pas besoin de pompier extérieur. Sur ce point, la Guinée semble avoir fait quelques concessions puisqu’elle a enfin accepté - après d’intenses efforts diplomatiques -l’envoi d’une délégation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) conduite par l’ancien président nigérian, le général Ibrahim Babangida.

Quant à la création d’une commission d’enquête internationale, exigée par la communauté internationale pour faire la lumière sur les massacres perpétrés lors de la grève générale illimitée déclenchée le 10 janvier dernier par l’inter-centrale syndicale, elle s’y oppose catégoriquement, affirmant que les autorités avaient déjà formé une commission d’enquête à la fin du mois dernier. Quelle crédibilité accorder à cette commission nationale ? Déjà, elle ne fait pas l’unanimité, les syndicats et le groupement des avocats guinéens ayant refusé de la reconnaître.

Quoi qu’on dise, le constat est que de plus en plus d’Etats africains en crise, refusent de céder à toute pression internationale en vue d’une solution négociée des crises qui les traversent, en brandissant le respect de leur souveraineté nationale. Au Soudan, le président Omar el-Béchir ne veut nullement entendre la voix de la communauté internationale, lui qui s’est jusque-là opposé au déploiement d’une force mixte ONU-UA au Darfour.

Si Conté arrive à triompher du bras de fer qui l’oppose à la communauté internationale, demain, il faut s’attendre à ce que d’autres chefs d’Etats dictateurs la défient. Dans ce cas, quelle catastrophe en perspective, s’il était dénié à des peuples, toute possibilité de recourir aux instances internationales, quand tout va mal ! C’est sans aucun doute, encourager davantage l’autocratie et la dictature.

C’est dire combien l’ingérence peut être salutaire pour un continent qui a mal à certains de ses dirigeants. C’est dire aussi combien ces institutions internationales doivent pouvoir affirmer leur prééminence sur les pseudo-souverainetés d’Etats malades. Cependant, à la décharge des chefs d’Etats, les grandes institutions internationales ou régionales censées incarner l’impartialité et la justice, ont elles-mêmes mal à leur crédibilité. Une image davantage entamée par le jeu d’intérêts des grandes puissances.

Que dire par exemple de l’ONU, dont la respectabilité ne vaut pratiquement plus grand-chose aujourd’hui, puisqu’ayant été "liquidée" par les Etats-Unis sur le front du droit international ? Du dénigrement de la Cour pénale internationale (CPI), à la lutte contre le "terrorisme international", en passant par le respect de certains accords internationaux, l’unilatéralisme américain n’a jamais été aussi manifeste et arrogant dans les relations internationales.

Ce sont les mêmes Américains qui, on s’en souvient, n’avaient pas hésité à mettre la pression sur la CPI afin que leurs diplomates et soldats bénéficient d’un statut d’exception, leur évitant ainsi d’être justiciables d’une telle Cour ? Que dire également de l’Union africaine dont la faillite annoncée - si rien n’est fait pour la sortir de son état critique - a été maintes fois soulignée par le vague à l’âme du président de sa Commission, Alpha Omar Konaré ?

De fait, si le peuple guinéen et bien d’autres encore se cherchent toujours, c’est parce qu’en partie, ils sont victimes de la fragilisation des grandes institutions. Il est clair que si elles étaient solides, crédibles, respectables, reconnues et acceptées de tous leurs membres, leurs adhérents réfléchiraient par deux fois avant de s’engager dans la voie du dénigrement et de la défiance. Autant dire qu’elles ne seront craintes et respectées que si elles commencent par se respecter elles-mêmes. Mais comment redonner son lustre à de telles entités quand se jouent toujours et avant tout, les intérêts des puissants, incapables de se départir des égoïsmes nationaux pour ne voir que l’intérêt général ?

On le sait, les pays occidentaux, et particulièrement les Etats-Unis, ne reculeraient devant rien pour sauvegarder leurs avantages économiques, stratégiques, politiques, diplomatiques, etc., retardant bien souvent ainsi la marche en avant des organisations dont ils sont membres. Et si certains petits pays africains n’hésitent pas à braver des organisations telle l’ONU, c’est qu’ils ont déjà assuré leurs arrières. Mais l’Occident oublie qu’à ce petit jeu, il n’est pas à l’abri d’un effet boomerang. Une arme qui s’est, à plusieurs reprises, retournée contre lui, sous la forme d’actes terroristes dont le plus mémorable a été les attentats du 11 septembre. Assurément, les cas guinéen et soudanais sont suffisamment révélateur du délitement de l’autorité morale des organisations internationales.

"Le Pays"

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