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CDP : Forces et faiblesses de la stratégie de désignation des candidats à la députation

Publié le mercredi 14 février 2007 à 08h55min

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Roch Marc Christian Kaboré et Simon Compaoré

Jouissant d’une incontestable suprématie sur la scène politique nationale, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) est un parti déterminant dans le devenir du Burkina Faso. C’est lui qui opère les choix nationaux vitaux et c’est toujours lui qui détermine les orientations majeures du pays, statut de parti majoritaire oblige.

Ce n’est donc pas faire de la fixation, que l’on soit politiquement engagé, tiède ou indécis que de se soucier de la viabilité de cet acteur social surtout quand du haut de son hégémonie, il trouve le moyen de faire quand même eau de toutes parts.

Comment un conseil municipal composé presqu’en totalité d’élus du parti majoritaire peut-il en venir à choisir pour édile un conseiller issu de l’opposition ?

Comment un édile, choisi et installé par le parti majoritaire dans l’une des deux plus grandes villes du pays peut-il, en plein mandat, rejoindre un parti d’opposition avec armes et bagages ?

Comment le parti majoritaire, malgré la sombre réputation que cela pourrait lui occasionner, en est-il arrivé à destituer le maire d’une commune dans une province politiquement représentative pour raisons de moralité ? Comment ... ? Basta !

Victime d’un gigantisme qui ne lui laisse même plus le loisir de savoir qui est qui et qui peut quoi, le CDP, trop souvent, tangue dans les eaux tumultueuses que provoquent les politiciens d’opérette. Malgré une assise indiscutable que leur confèrent leur probité intrinsèque et leur carrure politique, les gourous qui ont fait le parti perdent lentement pied et le rush des candidats pour les législatives de mai prochain n’augure en rien un climat serein dans le méga parti pour ces échéances qui s’annoncent.

Même si pour l’heure il n’y a pas péril en la demeure, le commandement, à tout le moins, devient une chose de plus en plus délicate au sein de cette structure.

On comprend donc que dans un souci de transparence et surtout de démocratisation (pour prévenir et apaiser les tensions, on est tenté de penser) les politologues du parti aient décidé d’instaurer les candidatures par la base.

Pour louable qu’elle soit, cette initiative innove malheureusement pour des enjeux au cours desquels ses insuffisances peuvent se révéler désastreuses. Si de par le passé les choses avaient fonctionné autrement, il est illusoire de croire que rien que pour satisfaire à des projections théoriques, elles fonctionneront cette fois dans le sens choisi par les idéologues.

Gare aux frondes à venir

L’effet de masse de même que l’inertie des systèmes de diffusion du commandement sont des données avec lesquelles le CDP a eu le temps de se familiariser même si la récente mesure d’imposition par la base tend à prouver le contraire. Exit donc l’époque où c’est le sommet qui décidait et vive la masse puisque c’est là que tout se passe. De facto apparaît alors une trinité qui ne dit pas son nom. Composée du sommet, toujours présent et toujours puissant, de la base, auquel le sommet a accordé un pouvoir accru et enfin des élus de la base qui, du fait de ce statut, deviennent de "petits sommets" à leurs bases et des "petits sommets" d’autant plus redoutables qu’ils sont affectivement représentatifs au sein des collectivités qui les ont proposées.

A côté de cette trinité spontanée, le sommet lui-même est divisé en trois composantes. Il y a les gourous qui ont la base avec eux parce qu’ils sont reconnus fonceurs, bosseurs ou rassembleurs, les gourous qui sont "forts" parce qu’ils sont soutenus à bout de bras par les premiers et enfin les gourous qui sont arrivés au sommet en jonglant avec les opportunités ; ni stratèges politiques, ni rassembleurs ni populaires à la base mais tout de même "éminents" politiques.

Les possibilités de contestation varient donc d’une région à l’autre, selon que l’on se trouve sous la houlette d’un élément de l’une de ces trois composantes.

En faisant l’impasse sur la gestion directe par une tête, chargée de penser pour tous les membres, le CDP s’expose encore plus à des frondes et récriminations fondées cotte fois sur la légitimité.

Il y a donc une limite potentiellement désirable à la démocratie politique si on ne veut pas, au sein d’un parti, assister à la délégitimation de l’autorité, la surcharge des "postulables", la décomposition des intérêts collectifs qu’induisent ces deux tares, l’esprit de clocher et consorts.

Au regard des querelles intestines, des luttes d’influence et cas d’indiscipline qu’on lui connaît, on peut, sans jouer aux empêcheurs de réformer en rond, prédire que malgré ces réajustements, le CDP ne cessera de connaître des menaces dont les plus dangereuses viendront de l’intérieur.

L’atout principal qu’il possède cependant et à cause duquel ses jours sont encore longs c’est que les partis qui devraient lui porter la contradiction sont en tout point semblables à lui mais en plus petit et en moins bien.

Dans le long terme, la menace demeure toujours sur ce parti qui étouffe de son gigantisme et nonobstant les scénarii imaginés pour anticiper et canaliser son devenir, il faut convenir simplement que qui vivra verra.

Luc NANA

L’Hebdo

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