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Sommet France-Afrique : La nécessaire implication des peuples africains

Publié le mercredi 14 février 2007 à 08h38min

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Dès demain (15 février) s’ouvrira à Cannes sur la Côte d’Azur en France, le sommet bisannuel Afrique-France, une version régulière que l’ancienne métropole coloniale, qui visiblement a du mal à accepter la décolonisation, se donne tous les deux ans pour évaluer sa présence sur cette partie du continent et l’efficacité avec laquelle ses recommandations du sommet précédent ont été appliquées par les chefs d’Etat africains.

Cette fois-ci encore, le rituel sera certainement le même : passer en revue les "troupes", vérifier que "tout va bien", hélas, dans l’intérêt de la France et de ses "lieutenants" loin devant ceux des peuples africains.

Le sommet Afrique-France ou France-Afrique (c’est le même, tant dans sa configuration, sa composition que ses objectifs et finalités) qui s’ouvre, semble être le "dernier tango" de J. Chirac au moins en tant que président de la République française. Le problème de sa retraite politique à ce niveau paraît définitivement résolu, même si l’on peut raisonnablement se demander, si son départ et son remplaçant à l’Elysée (que celui-ci soit de gauche ou de droite) vont provoquer un changement de cette union "suspecte" entre la France et ses Précarrés africains.

Rien n’est moins sûr, d’autant qu’après Mitterrand, Chirac a continué d’organiser et de gérer ces sommets sans trop de changements structurels. Et pour cause : il s’agit toujours de préserver les intérêts français qui, quoi qu’on dise, sont très liés à l’Afrique : intérêts politiques et diplomatiques, intérêts géostratégiques, intérêts socio-économiques que la mondialisation pourrait rendre encore plus précaires, pour la France surtout.

En effet, il est évident que c’est cette dernière, plus que les peuples africains, qui se nourrit le plus des sommets France-Afrique, malgré le fait médiatique qui présente les présidents français et plus particulièrement J. Chirac comme les meilleurs avocats des Africains et de leurs intérêts lors des fora internationaux des vrais potentats du monde néo-libéral. A ce propos, il serait juste de reconnaître au moins au niveau des intentions et des principes que le président sortant s’est régulièrement et personnellement investi pour les causes des pauvres, en l’occurrence ceux d’Afrique, envers qui il reconnaît de surcroît, une certaine dette de la part de la France.

Mais à observer les résultats tangibles des sommets France-Afrique en matière de développement des pays africains, on peut douter que ces derniers engrangent des dividendes dans les mêmes proportions que la France, au point qu’on peut s’interroger sur le sens et l’intérêt de ces sommets, au moins pour les peuples africains. Car pour la France et les chefs d’Etats africains, le problème ne se pose pas. Sinon ils l’auraient arrêté depuis longtemps !

Certes, aucun sommet France-Afrique n’a été totalement négatif, même pour l’Afrique ; en effet, il y eut la Baule et le réveil démocratique ; Bamako et la voix de la jeunesse africaine contre la politique française de l’immigration, nombre de plaidoyers de J. Chirac pour les produits africains, etc. Cependant, faute de pouvoir supprimer une institution aussi forte et aussi régulière, le temps n’est-il pas venu de la revoir, au besoin de la restructurer ou la redéfinir pour lui donner plus de crédibilité aux yeux des peuples africains qui y verraient une tribune supplémentaire pour la défense conséquente de leurs intérêts légitimes ?

Le problème est moins de savoir ce que la France-Afrique serait après Chirac, que celui de savoir sous quelles conditions, elle serait efficace et efficiente pur le développement de l’Afrique. Car il est indéniable que le cordon ombilical qui lie l’Afrique - même indépendante - à la France, constitue aujourd’hui, une des causes majeures du sous- développement endémique et récurrent de l’Afrique. De nourricier pour le foetus, le cordon ombilical peut devenir meurtrier pour lui, s’il refuse de se casser à partir d’un certain moment !

Comment faire ?

Déjà, le sommet de Bamako a expérimenté un des succès pédagogiques du mouvement altermondialiste, qui est d’avoir identifié les instances où se décident les affaires du monde : Banque mondiale, FMI, OMC, G8. Aujourd’hui, il s’agit surtout de convaincre ces instances que le temps où leurs décisions se prenaient dans la discrétion est résolu et qu’il leur faut désormais affronter des mobilisations de rue et commencer à rendre des comptes. Les jeunes y ont eu de la voix, et ce n’est déjà pas rien.

Les sommets Afrique-France devraient désormais faire la place aux peuples africains en s’assurant la participation indépendante des représentants des sociétés civiles africaines. Du reste, celles-ci seraient autant complices de la société civile française comme les chefs d’Etat le sont déjà entre eux. Il se peut en effet, dans le contexte de démocratie bananière qui est celui de la plupart des Etats africains, que les intérêts de ces derniers ne coïncident pas avec ceux de leurs peuples qu’ils prétendent représenter (Guinée, Tchad, Centrafrique ...). Impliquer réellement les peuples dans la prise des décisions, constituera en soi, une avancée pour ces sommets. En attendant que les chefs d’Etat africains arrivent au sommet avec des propositions et des positions à défendre dans le sens des intérêts de leurs Etats. Sinon, ils continueront à y aller comme on va en classe pour suivre les leçons du maître et s’engager à les assimiler pour la prochaine session d’évaluation.

Dans les phases préparatoires par exemple, il s’agira d’associer les forces vives africaines mais aussi les opérateurs économiques, voire les parlementaires des parlements non monochromes. Et pour que les décisions qui en sortiront n’aillent pas dormir dans les fonds de tiroir, qu’une instance de suivi-évaluation des conclusions des sommets soit créée, sur des bases démocratiques incluant toutes les parties prenantes avec la compétence de désigner les responsables et de prendre éventuellement des sanctions.

Sans quoi, l’Afrique-France, l’institution la plus singulière et la plus spécifique en son genre, de notre époque, risque fort de se scléroser, de se folkloriser pour devenir une coquille vide à laquelle les peuples africains ne croiront plus.

Le changement des sommets Afrique-France viendra moins d’un changement de locataires à l’Elysée, que d’un sursaut d’orgueil et d’ambitions des présidents africains, qui devraient avoir de grandes visions pour leurs peuples.

"Le Pays"

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