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Blaise et la diplomatie burkinabè : Les dessous d’un multicéphalisme à polémiques

Publié le mercredi 14 février 2007 à 08h50min

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Djibril Bassolé, Blaise Compaoré et Youssouf Ouédraogo

‘’Avant un éventuel remaniement, il faudrait peut-être un « maniement » compréhensible... Combien y a-t-il de ministres des Affaires étrangères au Faso ? Un ministre peul noir des Affaires étrangères réservées (libyaises et taïwennes), un ministre gendarme des Affaires étrangères problématiques (togoliennes et "ivoiraises"), un chambellan qui s’occupe, sur place, du protocole, et un président des Affaires étrangères ?’’

C’est ce que l’hebdromadaire Le Journal du Jeudi a écrit dans l’oreillette de son numéro 803 du 8 au 14 février 2007. En cela, le journal n’a pas failli à sa réputation de publication satirique se moquant, pour ainsi dire, des ridicules de ses contemporains. Le problème posé est si bien à propos que nous allons nous risquer à des explications qui ont la prétention d’être plus ou moins ce « ‘’maniement’’ compréhensible » auquel l’hebdomadaire invite qui de droit.

Tout le monde l’aura compris : le ‘’ministre peul noir des Affaires étrangères réservées (libyaises et taïwennes)’’, c’est Salif Diallo, ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques ; le ‘’ministre gendarme des Affaires étrangères problématiques (togoliennes et ivoiraises)’’, c’est le colonel de gendarmerie Djibril Bassolé, ministre de la Sécurité ; le ‘’chambellan qui s’occupe sur place du protocole’’, c’est Youssouf Ouédraogo, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, et, enfin, le ‘’président des Affaires étrangères’’, c’est Blaise Compaoré lui-même. Ce constat et la description sont ce qu’il y a de plus vrai dans la gestion de la diplomatie burkinabè.

Dans la mesure où la probabilité pour que quelqu’un, du ‘’président des Affaires étrangères’’ aux autres, sorte pour éclairer les gouvernants sur les ambiguïtés de cette situation est sensiblement égale à zéro, il ne reste aux citoyens que la voie des spéculations pour, au moins, se donner l’illusion qu’ils peuvent s’approprier les lois qui régissent le fonctionnement de notre diplomatie.

Nos opinions se plaçant dans cette optique, il convient de dire d’emblée que le ministre, quel qu’il soit, est d’abord, selon le contenu du mot, un serviteur, même si, par les temps qui courent, bien de ministres se comportent en maîtres ou, pire, en seigneurs. Quant au ministre des Affaires étrangères, il est censé être le premier responsable officieux et officiel du département en charge de la diplomatie d’un pays (et donc du Burkina) et le ministre qui a pour mission de traduire en faits et en actes concrets la politique extérieure de l’Etat, dont le chef est l’alpha et l’oméga.

Youssouf face à Blaise, les relations personnelles d’abord

Au Burkina, si le président du Faso, B. Compaoré, est en effet au début et à la fin de la diplomatie, il ressort que le ministre des Affaires étrangères, Youssouf Ouédraogo, n’est pas l’unique ‘’metteur en scène’’ ou le ‘’chef des metteurs en scène’’ de cette politique extérieure.

Ainsi, D. Bassolé, S. Diallo et certains collaborateurs de moindre envergure du chef de l’Etat sont également des cultivateurs de premier plan dans (ce qu’on peut appeler) le champ de Y. Ouédraogo. Ces ‘’intrus’’, qui y ont fait irruption sur instruction de B. Compaoré, restreignent, dans les faits, les compétences du ministre de Affaires étrangères et de la Coopération régionale et écœurent une partie du personnel de ce ministère, déjà peu prédisposé à accepter ceux qu’ils appellent dédaigneusement et irrespectueusement des allogènes.

A bien y regarder, ce phénomène n’est pas le fait du hasard ; il ne semble pas non plus avoir cours dans le but exprès de minimiser l’importance du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale au sein de la brochette de collaborateurs du président du Faso ; il semble plutôt tenir compte d’une part de l’histoire récente du Burkina, marquée par l’Etat d’exception révolutionnaire et d’autre part, les profils académique, professionnel, caractériel et philosophique des uns et des autres.

Y. Ouédraogo s’y connaît surtout en économie (et, sauf erreur, précisément en marketing), est enseignant, mais pas vraiment en politique même si, très tôt (à partir d’août 1983), il a été associé à la gestion des affaires de l’Etat. ; il s’écarte généralement des voies qui peuvent l’amener vers des relations heurtées avec ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues ministres et ses collaborateurs ; il s’attache plutôt à promouvoir ses relations personnelles avec B. Compaoré qu’à s’afficher comme le chef de la diplomatie du Faso ou comme un leader politique CDP animé d’ambitions et marchandant (ouvertement ou non) son soutien au président du Faso sur la base de son poids électoral. Tout cela a fait dire de lui qu’il est timoré et flasque, au contraire d’un certain Ablassé Ouédraogo, dont le tempérament de fonceur ne lui a pas fait que des amis.

Du reste, d’aucuns soutiennent que c’est parce que ce dernier n’a pas accepté de céder un pouce de ses compétences qu’il est parti du ministère à cause d’un bras de fer épique avec S. Diallo.

Avec un tel profil, Y. Ouédraogo est, à n’en pas douter, l’homme qu’il faut à B. Compaoré pour ce poste, sauf qu’on peut se demander si, dans un Etat de droit démocratique, le ministre des Affaires étrangères doit être un ‘’chambellan’’, cet officier chargé du service de la chambre de son souverain.

Salif : ni derrière ni de côté, toujours de l’avant !

S. Diallo, lui, est un juriste et un pur produit du mouvement étudiant à travers l’UGEV dite orthodoxe, que ses adversaires (en fait ses ennemis à l’époque) de l’UGEV M 21 qualifiaient de MONAPOL (Mouvement national-populiste et liquidateur) ; cette UGEV dite orthodoxe a été l’épine dorsale du Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV), dont la plupart des membres ont contesté la ‘’révolutionnarité’’ des événements du 4 août 1983, traité l’ouverture du Front populaire, en octobre 1987, d’hypocrite (s’ouvrant et se refermant sur lui-même) et récusé le caractère démocratique de l’Etat de droit actuel.

Il devient tout à fait aisé de comprendre l’éloquence verbale, la force de persuasion politique et la carrure d’homme d’Etat de S. Diallo, qui a rompu avec les siens courant 1986 pour rejoindre le Groupe des communistes burkinabè (GCB) ,qui regroupait, à l’époque, d’anciens militants du PCRV favorables à la Révolution démocratique et populaire (RDP).

Certes, ses méthodes, qui privilégient souvent l’efficacité par rapport à la manière, lui valent bien des inimitiés dans sa région, au sein du CDP, de l’Administration et des milieux d’affaires, mais son parcours politique, sa formation universitaire, son rôle avant et après le 15 octobre 1987, son profil psychologique et son volontarisme dans l’exécution des tâches que B. Compaoré lui confie sont certainement des facteurs qui militent en faveur du fait qu’il est commis à des missions spéciales, que Y. Ouédraogo, en dépit de sa bonne volonté, ne peut mener à terme :

le soutien à Charles Taylor du temps où il était un chef rebelle, le maintien et le renforcement de nos relations avec la Libye au lendemain du 15 octobre 1987, la résolution de la crise togolaise sous Eyadéma père, la réconciliation avec le Maroc, le choix de la Chine de Taïwan au détriment de la Chine de Pékin, les relations avec l’UNITA de feu Jonas Malheiro Savimbi...ne sont pas des missions de n’importe quel ordre, telles la participation à l’Assemblée générale de l’ONU, la préparation du sommet des chefs d’Etat de l’UA ou de la CEDEAO, etc. Effectivement, en plus des questions de relations internationales et de droit international qu’elles impliquent, il y a des aspects polémologiques et ce que l’Etat burkinabè pourrait gagner en retour. Ce Salif-là était donc tout indiqué.

Djibril le subordonné, le fidèle et le frère d’armes

S’agissant maintenant de D. Bassolé, c’est un colonel de gendarmerie qui a également flirté avec le Regroupement des officiers communistes (ROC) et l’Organisation militaire révolutionnaire (OMR). Il a, dit-on, un sens élevé des responsabilités qui sont confiées et est, selon ceux qui prétendent connaître l’état de ses rapports avec le président du Faso, un fidèle parmi les fidèles de ce dernier. En tant que gendarme et donc militaire, le droit et la polémologie sont censés n’avoir aucun secret pour lui.

Il semble mettre en avant le fait que B. Compaoré est son chef, essaie de ne pas outrepasser son rôle dans le dispositif ni de se prévaloir de quoi que ce soit, sans, pour autant, tomber dans le dilettantisme ou la démission. Bref, pour lui, B. Compaoré est d’abord le chef en tant que président du Faso et chef suprême des armées, et ensuite, le frère d’armes. Avec ces bagages et cette disposition d’esprit, il correspond au poste d’assistant du médiateur dans la résolution des crises togolaise et ivoirienne, et ce n’est pas S. Diallo, encore moins Y. Ouédraogo qui broncheront.

Maintenant, la question qui vient presque automatiquement à l’esprit est de savoir pourquoi S. Diallo est de plus en plus tenu à l’écart de la résolution de ces différentes crises alors que l’on sait qu’il a joué un rôle positif dans le cas du Togo au début des années 1990 et en Côte d’Ivoire dès le déclenchement du conflit.

Il faut aussi se demander pourquoi il s’est vu flanqué d’un ministre délégué à l’Agriculture. Est-ce parce que, comme d’aucuns le murmurent, ‘’l’homme fort du Yatenga’’ a besoin de souffler après tous les chantiers qu’il a mis en œuvre, ou est-ce parce que, comme le susurrent d’autres, sa convalescence n’est pas encore arrivée à terme, ou enfin est-ce dû à tout cela à la fois ?

Peu importe, la réponse étant, qu’en tout état de cause, il fallait bien y arriver un jour. Il en est de même pour D. Bassolé. Cela, pour la simple raison qu’en Etat de droit libéral et démocratique, le découpage, en droit, des départements ministériels doit correspondre aux responsabilités exercées en fait par ceux qui en détiennent les maroquins.

Si le lourd héritage de l’Etat que nous traînons avec nous peut autoriser quelques libertés dans la mesure où les comportements des humains ne changent pas au même rythme que les règles de droit, il est tout de même impératif d’y penser et de se donner les moyens de réalisation de cette adéquation. Ce n’est pas prêcher pour la chapelle de Y. Ouédraogo que de le dire, car lui-même aura contribué, à travers la maîtrise approximative de certains dossiers, à faire le lit de ce multicéphalisme qui suscite bien de polémiques.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 14 février 2007 à 20:33, par KALMOGO En réponse à : > Blaise et la diplomatie burkinabè : Les dessous d’un multicéphalisme à polémiques

    J’ai bien lu avec intérêt votre article et je me permets de faire quelque commentaires. De facto, vous avez bien dit qu’un ministre (au delà tout citoyen) est avant tout un serviteur (de la Nation, bien evidemment) et donc de la conjugaison des efforts pour la Nation. En ce sens, je ne vois pas pourqoui, il y’aurait d’inconvénient à ce que, suivant les compétences de tout un chacun, qu’il puisse cultiver dans le champs dont la responsabilité est confié à un autre. Toujours est-il que ce qui importe c’est les récoltes, les rétombées que bénéficie Toute la Nation. Donc voyons les choses de ce côté là, le champ appartient à toute la Nation et les récoltes aussi ! Donc toutes les forces sont appélées à s’unifier pour la bonne marche de ce champs commun qu’est la Nation. Aujourd’hui , Nul ne peut contester le rôle prépondérant du Burkina Faso dans le concert des Nations. C’est à mons sens le plus important et Nous en sommes fiers !

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