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Guinée-Conakry : La victoire... et après ?

Publié le lundi 12 février 2007 à 07h12min

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Alors qu’il est de plus en plus acquis que le régime Conté ne survivra pas à la fronde sociale que traverse la Guinée depuis bientôt deux mois, le plus important à l’heure actuelle, reste de savoir ce que le peuple guinéen fera de la victoire qui lui tend inéluctablement les bras. Elle a,
en tous les cas, une occasion en or de sortir de sa nuit qui dure depuis trois décennies.

Comme un naufragé accroché à sa bouée de sauvetage, le président guinéen Lansana Conté, s’agrippe avec l’énergie du désespoir et à la force du feu au pouvoir. La nomination du Premier ministre de « consensus », Eugène Camara ayant été rejetée par les populations (dans leur grande majorité, celles-ci le trouvent « trop proche » de Conté), le général grabataire n’a rien trouvé de mieux à faire que de répliquer par la mitraille aux manifestants qui protestaient contre ladite nomination. Du coup, son passif en matière de droits humains s’est alourdi en pure perte, si tant est que le peuple est plus que jamais résolu à avoir sa « peau ».

Et ce ne sont pas les « mesurettes » ayant consisté à « enfeuiller » les familles de victimes de sa folie meurtrière qui résoudront le problème, la Guinée étant « entrée en insurrection généralisée ».
« Nous ne voulons plus de Conté », voilà le credo des insurgés, ce qui laisse voir que les jours du « vieux » sont comptés à la tête de l’Etat.

Dans cette occurrence, il n’est pas inutile de conjecturer sur le sort qui sera réservé à la victoire du peuple, celui-ci devant rester vigilant au risque d’être le dindon de cette farce macabre. Comme nous l’indiquions, il y a une décade et ce, malgré le « verrouillage » de l’armée opéré par Conté, celle-ci sera amenée à sortir de sa « torpeur » pour balayer ce régime décadent.

Et comme la haute hiérarchie de la grande muette guinéenne est fortement compromise avec Lansana Conté, l’heure des officiers subalternes et des sous-officiers semble avoir sonnée en Guinée.

Il reste maintenant à savoir ce que cette future junte militaire fera de son pouvoir. Dans le cas de la Guinée, on se laisse aller pour dire qu’elle risque d’avoir de fortes inclinations « guéistes » en raison de deux facteurs principaux.

Premièrement, l’histoire politique du pays qui a habitué les Guinéens aux « timoniers » au point qu’ils ont supporté Lansana Conté jusqu’à ses bêtises récentes. La faute à l’embrigadement idéologique opéré par le régime de Sékou Touré qui a fait du Guinéen, un homme docile, craignant jusqu’à sa propre ombre du fait des délateurs qui pouvaient provenir même du cercle familial.

Mais, la mondialisation conjuguée aux vertus guerrières multiséculaires de ce même peuple (rappelez-vous la geste de Soumahoro Kanté), ont « ouvert les yeux » des Guinéens qui n’entendent plus être les laissés-pour-compte de la démocratie dans l’Ouest-africain. Et c’est là que survient la deuxième inquiétude d’une éventuelle cristallisation de la junte, avec une classe politique sans leader charismatique et qui plus est, divisée et compromise pour certains avec le régime Conté.

Alors qu’elle devait être à l’avant-garde de la lutte populaire , la classe politique n’a donné de la voix que lorsqu’elle fut quasi-certaine que le glas sonnait pour Conté. Pour autant, aucun de ses patrons n’a osé quitter son exil douillet pour venir organiser la lutte sur le terrain, laissant le peuple continuer ses marches « sauvages ». On comprend dès lors la méfiance, voire la défiance des populations à l’endroit de ces politiciens couards qui entendent récupérer les fruits de sa lutte.

Et comme les militaires, eux aussi, le savent, ils pourraient profiter de la vacuité de cette opposition pour s’installer durablement au pouvoir, quitte à se recouvrir, chemin faisant, d’un vernis démocratique. Mais, comme le tronc d’arbre ne deviendra jamais caïman, quelle que soit la durée de son séjour dans l’eau, il y a fort à craindre que les vertiges du trône ne ramènent leur vraie nature à la surface.

C’est dire que la Guinée est doublement à un tournant de son histoire et qu’en négociant mal cette route serpentée, elle risque de retarder son entrée dans l’espace des pays démocratiques.
Ce qu’à Dieu ne plaise car elle a déjà payé un lourd tribut pour mériter
ce triste sort.

Boubakar SY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 12 février 2007 à 12:46, par Soriba TRAVALY En réponse à : > Guinée-Conakry : La victoire... et après ?

    Vous êtes formidable.Excellente analyse de la situation.Félicitations.

  • Le 15 février 2007 à 12:43, par Aleks Kempota Fils En réponse à : > Guinée-Conakry : La victoire... et après ?

    En Guinée, le stade de la révolte, lui-même, est dépassé.
    On en arrive à celui de la révolution.
    La vraie. Celle des travailleurs et des jeunes.
    Celle des femmes.
    Il s’agit non plus seulement de manifester,
    Non plus seulement de dénoncer.
    Il s’agit que les millions d’opprimés guinéens décident.
    Que ce soit eux qui s’assemblent dans tout le pays
    En assemblées politiques souveraines du peuple travailleur
    Pour décider de l’avenir de la Guinée.
    Il s’agit d’en finir avec la bande de profiteurs
    qui oppriment, exploitent et torturent.
    Aleks Kempota Fils
    akempfi@hotmail.com

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