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Nkrumah contre Houphouët : le verdict de l’histoire

Publié le samedi 10 février 2007 à 07h56min

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N’Krumah

Au cœur de l’Afrique occidentale, émergeaient dans les années 1950-1960, deux figures politiques totalement divergentes, voire contradictoires. Ces deux figures avaient à leur époque suscité des espoirs et des déceptions. De leur empreinte, ils ont légué un lourd héritage à leurs peuples.

En cette année 2007, soit 35 ans après la mort de Nkrumah (1972) et 14 ans pour Houphouët (1993), le verdict de l’histoire est sollicité car les vraies victoires, la vraie vérité sont celles que l’histoire décerne à un homme ou à un peuple.

Houphouët : la Côte d’Ivoire et l’Afrique

Houphouët, né vers 1905, fut l’un des pères fondateurs du RDA à Bamako en octobre 1946. Le nouveau parti créa dans les colonies francophones des espoirs car il incarna les préoccupations des masses africaines. Chaque colonie en créa sa section. A cette époque, Houphouët était la figure emblématique de la lutte anti-colonialiste. Puis subitement dans les années 1950-1951, il devint le défenseur acharné de la balkanisation de l’Afrique et des oppressions coloniales. Il refusa l’indépendance au profit de la communauté franco-africaine.

Il avait fallu la pression de De Gaulle pour l’obliger et le rassurer. Dès qu’il devint président de la Côte d’Ivoire, il œuvra très audacieusement dans la défense des intérêts français en Afrique. Il combattit toute volonté unificatrice du continent. Contre la prometteuse Fédération du Mali, il créa le moribond Conseil de l’Entente. Il fut très impliqué dans les complots contre les leaders nationalistes en Afrique (Sékou Touré, Modibo Keïta...) et dans son pays.

Ses compagnons de combat qui n’épousaient pas ses idées déviationnistes, avec une main de maître, il les élimina. A cet effet, Bonin est on ne peut plus clair lorsqu’il écrit : Houphouët avait " tué les uns après les autres les têtes fortes du RDA et surtout du PDCI dont Biaka Boda en 1950, Sekou Sanogo en 1951, Ernest Boka et surtout Ouezzin Coulibaly en 1958 ".

D’une main de fer, il utilisa l’épouvantail ethnique pour se maintenir au pouvoir. C’est alors qu’en 1963, il massacra très cruellement avec l’appui de l’armée française des Ivoiriens de Gagnoa à savoir les Bété, ethnie dont le président Laurent Gbagbo est issu. Durant son long règne, les Bété et lui n’avaient jamais été en odeur de sainteté.

Il ne sut jamais asseoir une politique pour favoriser la réconciliation. A l’Ivoirien, il lui inculqua toutes les mondanités, loin de toutes les vertus du sacrifice dans le travail et dans le désintéressement pour une cause noble. En Côte d’Ivoire, la corruption, la gabegie, la délation, le goût de la paresse et de la jouissance étaient érigés au rang des valeurs politiques de gouvernement comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui au Burkina sous la IVème République.

N’Krumah : son peuple et les Africains

N’Krumah , son ennemi juré, quant à lui, est né le 18 septembre 1909 à Nkroful près de la frontière sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Il s’adonna, s’abandonna à la lutte pour l’indépendance de son pays en 1957. Il avait une vision unitaire de l’Afrique et estimait que le Ghana ne serait pas totalement indépendant tant qu’aucun pays africain demeurerait sous domination coloniale.

Alors, il mit l’économie de son pays au service des luttes de libération et de décolonisation de l’Afrique. Accra devint le lieu de pèlerinage de tous les nationalistes, panafricanistes et progressistes africains et même du monde. Il enseigna à son peuple des valeurs de sacrifices, de justice et de dignité. Par une intelligente politique éducative, il tua l’esprit ethnique et tribaliste en ses concitoyens pour ériger le Ghana au rang de Nation.

La rigueur qu’il imposa à ses concitoyens, il était le premier à se l’être imposée. Jusqu’à sa mort, ni lui, ni sa famille éloignée ou proche n’avaient possédé, grâces à ses années au pouvoir, ni de maisons, ni de voitures, ni de comptes au Ghana ou ailleurs dans le monde. Tout avait appartenu à l’Etat ghanéen, même la petite maison qu’il avait donnée à sa vieille mère âgée de plus de 85 ans. Son épouse et ses deux enfants en bas âge ne savaient où dormir après sa chute en 1966. Il leur avait fallu toute la magnanimité de l’Egyptien Nasser pour son soutien en subsides.

Quel héritage laissent-ils

Houphouët après avoir cyniquement inculqué à son peuple la morale du faussaire et de l’indigne l’avait abondamment exploité. Il mourut avec une richesse estimée à 60 milliards de franc français, plus que le PNB de son pays !. " A la fin de sa vie, il détenait d’innombrables intérêts et propriétés en Côte d’Ivoire, en France et en Suisse (...). Houphouët produisait plus de 30.000 tonnes d’ananas par an, un tiers de la production ivoirienne avec des ouvriers payés par le budget de l’Etat".

Sa mégalomanie l’avait conduit à construire la basilique de Yamoussoukro à coût de milliards ! En 33 ans de pouvoir, il a laissé au peuple ivoirien un lugubre héritage qui non seulement est le plus endetté de l’Afrique francophone, mais aussi le plus divisé de notre continent.

Aujourd’hui, la guerre civile que vit la Cote d’Ivoire, sans occulter la responsabilité de ses successeurs, a été léguée par Houphouët comme la guerre du Congo par Mobutu. Avec des dettes astronomiques, son pays était considéré comme le petit Paris d’Afrique avec ses immeubles à plusieurs étages à donner des vertiges.

Malheureusement, il avait oublié que le développement, ce n’est pas les bâtiments, mais les valeurs positives inculquées à son peuple (Clin d’œil aux initiateurs de Ouaga 2000 et du projet Zaca). A quoi servent aujourd’hui ces splendides immeubles devant la guerre civile qui a fait environ 120 000 morts selon Amnisty International ? La politique d’Houphouët est aujourd’hui collée à la peau des Ivoiriens.

Rien d’étonnant si ses successeurs sont incapables à s’en passer. Grâce à lui, la patrie n’a jamais existé en Côte d’Ivoire. Tout président en Côte d’Ivoire est d’abord soit Bété, Dioula, Baoulé, Agni...avant d’être Ivoirien. Par contre, Nkrumah avec sa vision politique hautement intelligente avait fait que tout Ghanéen soit d’abord Ghanéen avant d’être Ashanti, Ewé, Dagomba, etc.

Preuve encore ! Le Ghana a vécu une transition démocratique avec un militaire président durant plus d’une décennie et une alternance démocratique stable qui fait la fierté de toute l’Afrique. L’un des militaires présidents à savoir Rawlings est un métis de père d’origine européenne ( Ecossais) et d’une mère ghanéenne mais il ne fut jamais rejeté pour cause de nationalité douteuse !

C’est pourquoi de nombreux Burkinabè avaient frémi lorsque l’ex ministre français de la Coopération, Michel Roussin, au cours d’une visite à Ouaga en 1993, avait déclaré : " Au moment où disparaît non loin d’ici un grand chef d’Etat charismatique, le président du Burkina est ceux qui auront à assurer et assumer l’héritage ".

Le président Compaoré a tout intérêt de s’écarter des traces du vieux Boigny car la tuberculose ivoirienne risque d’être contagieuse pour le Burkina. Les germes sont déjà là, il ne reste qu’une petite toux pour la déclencher. Un grand homme disait : " Les problèmes politiques sont faciles à guérir au moment où ils sont difficiles à connaître et difficiles à guérir au moment où ils sont faciles à connaître ".

La Côte d’Ivoire est une belle illustration. Les véritables dirigeants se mesurent par l’immensité de l’héritage empreint de valeurs de justice et d’équité, et d’humanisme laissées à leurs peuples. Et là, Nkrumah a réussi et est rentré dans la dimension noble et glorieuse de l’histoire. Malraux avait vu juste en écrivant : " Tout ce qui m’intéresse, ce n’est pas la politique, c’est l’histoire "

Par Sakkisongê Porgo, enseignant d’histoire

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2007 à 15:32, par kenleche En réponse à : > Nkrumah contre Houphouët : le verdict de l’histoire

    merci pour ce cours mais surtout pour la critique instructive qui n a pas devie vers une litanie d insultes.nos soi disants politiciens opposants devraients prendre exemple sur vous .merci encore

    • Le 11 février 2007 à 10:04, par guysau10 En réponse à : N’KRUMAH contre HOUPHOUET : Le verdict de l’histoire

      je voudrais dire grandement merci à ceux valeureux historien Sakkisongê Porgo, pour la pertinence et la justesse de ses propos. J’ignorais que le Burkina regorgeait de personnes capables d’éveiller les conscience. Moi j’avais toujours vu les Burkinabes à l’image de Blaise Compaoré mais là je lui tire mon chapeau. Car des gens de sa trâme nous en avons besoin en afrique pour que nous comprenions qu’avant d’appartenir à telle ou telle ethnie nous d’abord des africains et nous avons interet a ce que l’afrique ne sombre pas. Car si c’était le cas jamais cette france pour laquelle certains africains bafouent leur dignité, n’accepterait jamais d’accueillir tous africains aux gros nés et salles sur son sol.
      La france est ce qu’elle est grâce à l’Afrique ; grâce aux richesses de l’Afrique. Alors les africains feraient mieux de penser au developpement de l’Afrique plutot que de tendre la main à celui qui est le premier à la tendre.
      Nous devons unir et former une seule Afrique unie et solidaire comme le pensaient : Kwame N’krumah ; Thomas Sankara ; Pascal Lumumba ; Nelson Mandela... et comme le pensent aujourd’hui Laurent Gbagbo ; Paul Kagamé etc.

      • Le 11 février 2007 à 20:55, par Sakkisonnge En réponse à : > N’KRUMAH contre HOUPHOUET : Le verdict de l’histoire

        Merci, je viens de lire sur le net les encouragements et félicitations rélatifs mon article paru dans l’Evenement .
        Je vous remercie pour le soutien.Cependant, cher frère, je veux bien vous dire qu’il n’ya pas lieu de baissé les bras par dépit .Non, la lutte est pour l’eternité.Regardons Mandela.Courage et tantôt.

        PORGO Sakkisongê

      • Le 11 juillet 2007 à 17:08, par Lola En réponse à : > N’KRUMAH contre HOUPHOUET : Le verdict de l’histoire

        Merci beaucoup. Mais plutôt que d’écrire sur les autres, tu peux aussi écrire sur les présidents du Burkina, vu le nombre de présidents et de coups d’état qu’il y a eu dans votre pays, ça traduit une instabilité morale que seul compaoré a pu maitriser et on sait comment. J’ai comme l’impression que les burkinabés n’ont pas de mémoire. Des crises tous les pays en ont eu, certains plus tard que d’autres. Il n’y a peut-être pas d’injures formellement prononcées, mais suivant les personnes qui le lisent ça pourrait l’être. A quoi ça sert de comparer 2 présidents, 2 peuples et 2 cultures différentes ? A quoi ça sert de comparer la présidence de Rawlings et ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire sachant bien que Rawlings est venu par coup d’état ? Un étranger ou moitié burkinabé peut-il être président au Faso ? NON, et dans beaucoup d’autres pays d’ailleurs, alors ce n’est pas la peine de calomnier les ivoiriens. Vous nourrissez un véritable complexe a l’égard des ivoiriens à tout le temps vouloir les dénigrer. Quand est-ce que vous allez vous arrêter ? Si Houphouet a bouffé tout l’argent de la Côte d’Ivoire le problème du Burkina est où ? Je préfère encore ça qu’un pays tel que le burkina non producteur de cacao mais qui possède des usines pour le traiter et le revendre. quelle fierté vous en tirez ? pour qu’il y ait une sortie de crise il faudrait que burkinabés aussi cessiez de tout le temps jeter le feu sur les autres. Chaque ethnie ivoirienne est fière d’elle, la Côte d’Ivoire n’est pas le 1er pays a associer présidence et ethnie. seulement il faut tomber sur des gens de mauvaise foi comme vous pour parler ainsi, c’est trop facile. Au burkina vous avez eu 5 ou 6 présidents ; INTEGRALEMENT de l’ethnie MOSSI , est-ce du tribalisme ??? est ce qu’on vous juge ? Est ce qu’une autre ethnie au burkina peut s’en plaindre ? NON. si c’est pour se faire entendre tout le monde peut crier. On a eu que 2 présidents baoulés, 1 yacouba, 1 bété. c’est beaucoup plus varié qu’au burkina. Donc au lieu d’écrire des discours aussi idiots, regardez ce qui se passe chez vous. Personne n’a dit que les immeubles étaient symbole de développement, personne, la Côte d’Ivoire a toujours été classé même au temps d’houphouet parmi les pays du tiers-monde ... Arrêtez d’alimenter la haine. Vous n’avez pas d’autres sujets de conversation que la Côte d’Ivoire, C’est quoi toutes ces fixations sur un pays, on vous impressionne tant ???

    • Le 11 février 2007 à 20:57, par Sakkisonnge En réponse à : > Nkrumah contre Houphouët : le verdict de l’histoire

      Merci, je viens de lire sur le net les encouragements et félicitations rélatifs mon article paru dans l’Evenement .
      Je vous remercie pour le soutien.Cependant, cher frère, je veux bien vous dire qu’il n’ya pas lieu de baissé les bras par dépit .Non, la lutte est pour l’eternité.Regardons Mandela.Courage et tantôt.

      PORGO Sakkisongê

  • Le 10 février 2007 à 21:34 En réponse à : > Nkrumah contre Houphouët : le verdict de l’histoire

    eh ! oui ! la fracafrique a la peau dure ! Que voulez vous que M Roussin dise ? il ne peut que dire cela et.. le faire ! car on voit bien que Compaore en est la piece maitresse aujourd’ui. et utilise ces pratiques de son mentor Houphouet. Il y a un probleme grave que le Burkina a toujours evité le tribalisme Ce qui est un exploit dans cette afrique la. Mais cela ne semble plus totalement vrai aujourd’hui. C’est un danger dont les burkinabe doivent prendre conscience et reagir avant qu’il ne soit trop tard. il ne faut compter sur l’elite qui prefere aller manger. Les medias syndicats et individus divers peuvent le faire.
    la vraie valeur de l’histoire se mesure sur le temps : c’est le cas de Nkrumah et houphouet.
    quels sont les fruits que chacun a produits. Que nous produiront le burkina ?
    mahdou

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