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Madame Zidwemba : "Chanter avec le cœur touche plus que de la bouche"

Publié le jeudi 8 février 2007 à 07h43min

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Pour une servante du Christ comme elle, le ministère de louange et d’adoration a une grande valeur à ses yeux. Née le 4 août 1947, elle s’est découverte alors qu’elle était au collège en 1965, le talent de chanteuse. Avant d’avoir le mérite qu’on lui connaît aujourd’hui, elle a exercé ses talents à la Chorale Naaba-Salem où elle était la seule protestante de 1976 à 1979.

Avec cette dernière, madame Zidwemba née Minoungou Wend-Kuni Germaine, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a pu participer à des tournées dans plusieurs pays comme le Nigeria, la France et la Côte d’Ivoire. Des tournées missionnaires avec l’Eglise des Assemblées de Dieu, dont elle relève, l’ont conduite dans les années 80 en Suisse, en France, en Belgique, au Niger, au Mali et au Togo.

Avec 8 albums à son actif, elle est aujourd’hui pétrie d’expériences et, tel l’apôtre Paul, elle oublie ses exploits et court vers le but : chanter avec son cœur pour exhorter, édifier et restaurer les âmes qui languissent. Ce monument de la musique chrétienne nous parle à travers les lignes qui suivent de sa carrière ô combien riche en enseignements.

Comment êtes-vous venue à la musique ?

• J’ai commencé à chanter, il y a 42 ans, au collège protestant de Ouagadougou dans une chorale dirigée par un enseignant togolais. A travers cette chorale, celui-ci a repéré ma voix et me faisait chanter en "solo". Par la suite, j’ai évolué dans d’autres groupes, notamment la chorale "Naaba Sanem" avec feu l’abbé Robert Ouédraogo, avant donc de m’engager définitivement dans la musique moderne.

Avec quatre décennies d’expérience, vous avez certainement beaucoup produit ...

• Je ne pense pas avoir beaucoup produit car je n’ai seulement que huit (08) albums à mon actif.

Dans quel genre musical faites-vous ?

• Je fais de la musique religieuse, plus précisément chrétienne.

Pourquoi ce genre plutôt qu’un autre ?

• Par cette option, j’ai voulu témoigner de ma foi et partager ce que Dieu a fait pour moi avec d’autres personnes. A cela, on peut ajouter le fait qu’à notre époque il y avait peu de musiciens chrétiens, contrairement à nos jours où on trouve des artistes de tout âge qui chantent pour la gloire de Dieu. D’autres avaient voulu que je monnaie mes talents à l’extérieur et par le truchement de la "musique mondaine", mais j’ai choisi de chanter seulement pour la gloire de Dieu.

Quels sont les principaux messages que vous véhiculez à travers vos chants ?

• Mes chants parlent de l’amour, de la puissance de Dieu et du Salut qu’il propose à toute l’humanité. J’exhorte, à travers mes chants, l’Eglise à se mobiliser pour promulguer l’évangile et à se consacrer à Dieu.

Pensez-vous que vos chansons ont un impact aussi bien sur les chrétiens que sur les non-chrétiens ?

• Oui, je le pense fermement. Des échos me parviennent des chrétiens qui m’encouragent à aller de l’avant, même des responsables d’Eglise témoignent de la contribution de mes chants à l’édification de leur foi. D’autres personnes m’ont dit qu’elles sont venues à la foi grâce à mes chants. Des personnes d’autres confessions apprécient aussi positivement mes chants. C’est pour vous dire que ma musique intéresse tout le monde.

Votre expertise est souvent sollicitée dans les jurys de compétition musical comme ce fut le cas dernièrement du "Clip d’Or 2006" de la RTB ; que pensez-vous du paysage musical de notre pays ?

• On peut d’emblée saluer l’évolution que connaît ce secteur de notre pays. Avant, c’était des artistes étrangers qui nous animaient surtout ; mais maintenant, la musique burkinabè s’exporte avec beaucoup de jeunes qui font des efforts vers l’excellence. Je salue cet élan et j’encourage les uns et les autres à continuer dans ce sens.

Votre appréciation sur la musique dite mondaine ?

• Il y en a qui ont de bons messages comme d’autres qui se limitent à la musique commerciale pour faire danser uniquement. A chacun son appréciation. S’il y en a qui ne m’accrochent pas, ce n’est pas parce que ce n’est pas bon ! Chaque musique a son public.

Y en a-t-il quand même dans le genre qui vous plaisent ?

• Généralement, j’aime les musiques douces : le slow, les chants posés, mais pas les bruyants. Peut-être que c’est dû à mon âge ; si j’étais jeune, j’aurais peut-être mieux apprécié ce rythme (rires). A notre temps, il y avait le Rook, le Tuisse, un peu de tout, mais j’ai toujours aimé ce qui est doux.

Le Zouk aussi ?

• (Rires). Cela dépend de comment cette musique est jouée et chantée. J’ai même un chant de ce registre. Toutes les musiques sont bonnes, cela dépend de leur contenu, de la manière dont elles sont harmonisées, jouées et surtout comment elles sont utilisées.

Que faites-vous en dehors de la musique ?

• Je suis institutrice de profession et la musique est pour moi une activité secondaire. Voilà pourquoi je pense que je ne suis pas musicienne. Je devais aller à la retraite cette année, mais j’ai été retenue.

Est-ce que vous avez le soutien de votre époux et de vos enfants dans la musique ?

• Mon époux, Zidwemba Joseph, a fait partie d’anciens orchestres. De ce fait, il reconnaît la valeur de la musique et me soutient sans faille. S’il ne tenait qu’à lui, je serais allée plus loin que ça. C’est moi qui n’ai pas voulu parce que j’ai préféré avoir une vie stable, une famille et des enfants. Ces derniers aussi me soutiennent.

Parmi vos enfants, est-ce qu’il y en a qui s’intéressent à la chanson ?

• Non. Même s’ils me soutiennent, aucun d’eux (j’en ai deux) n’est tenté par la chose musicale. Ma fille me dit toujours : "Je veux chanter, mais je n’ai pas ta voix". Le garçon, lui, promet d’apprendre à jouer d’un instrument , mais jusque-là rien ! En revanche, j’ai deux petites-filles qui composent déjà. Elles ont 10 et 12 ans. Leur père leur a acheté un orgue auquel elles s’exercent.

On peut donc dire que vous êtes une grand-mère comblée ?

• Oui, je suis heureuse de les voir s’intéresser à la musique parce que cela me chagrinait de voir que je n’ai pas de relève. Mais en voyant mes deux petites-filles, je remercie vraiment Dieu.

Économiquement parlant, qu’est-ce que la musique vous a apporté ?

• Spirituellement cela m’a fait du bien et je suis épanouie ; mais sur le plan matériel et financier, je ne peux pas en dire autant. Dans notre milieu, les prestations sont pour la plupart gratuites et les cassettes produites connaissent une distribution difficile. Toutefois, j’ai pu acheter quelques instruments de musique qui nous servent pendant les répétitions.

Voulez-vous dire que la musique chrétienne ne nourrit pas son homme ?

• Si ce n’est pas maintenant, même la musique dite mondaine ne nourrissait pas son homme. Exceptés quelques-uns qui émergent, c’est la "galère" pour la plupart. Il n’y a que les droits d’auteur et les droits voisins au BBDA qui aident un peu. Certains artistes font beaucoup de concerts, mais avec tous ceux qui tournent autour d’eux, je me demande s’ils s’en sortent vraiment.

A l’échelle nationale et internationale, vos chansons sont bien appréciées ; quel est le secret de votre réussite ?

• (Rires). C’est bien entendu Dieu qui m’a donné le courage et les chants. J’ai fait la requête à Dieu de mettre les chants dans mon cœur et il a exaucé mon vœu. Il y a des événements malheureux et heureux qui m’inspirent des chants, sans oublier les thèmes bibliques développés par les Pasteurs ou mon vécu par la prière aussi, je reçois des chants. C’est ce qui fait que certains les trouvent touchants. Je dis souvent aux jeunes de vivre leurs chants, de chanter avec leur cœur et non avec leur bouche. Quand c’est le cœur qui chante, celui qui écoute reçoit quelque chose qui fortifie.

Avec votre expérience, qu’avez-vous pu faire pour la jeune génération ?

• Tout ce que j’ai pu faire, c’est de donner des conseils à ceux qui sont venus vers moi.

Au-delà de son cadre initial qu’est l’Eglise, la musique chrétienne s’exporte maintenant dans les bars, boîtes de nuit et autres espaces culturels. Par ailleurs, elle est en train de suivre les rythmes "mondains" ; est-ce que cet état de fait ne constitue pas une autodestruction pour cette musique ?

• Cela est regrettable que ce soit ainsi. En dépit des sensibilisations et des conseils, ce phénomène va grandissant. Chacun est libre d’agir comme il l’entend. En tant que pionnière, je me suis réservée de faire beaucoup de choses pour ne pas être un mauvais exemple. Sinon j’aurais été mieux que je le suis actuellement. L’Eglise est sensible à la situation et fait des efforts dans l’encadrement des musiciens, mais malheureusement il y en a qui s’en démarquent. Je pense que si on veut faire de la musique chrétienne, il faut que celle-ci soit donnée à Dieu et qu’elle lui soit un canal d’expression.

Durant votre carrière, quel événement particulier vous aurait marquée en bien ou en mal ?

• Pendant le 40e anniversaire de ma musique, j’ai été touchée par les marques de sympathie dont les chrétiens et les non-chrétiens ont fait preuve à mon égard. Grâce à leur soutien, la fête a été très belle. Il faut aussi dire que la réalisation de l’album "Mon Dieu pourvoira" m’a aussi marquée d’autant plus que c’est le seul que j’ai pu réaliser sur fonds propres.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée ?

• Le manque de moyens reste ma principale difficulté. La réalisation d’un album a un coup qui est du luxe pour moi. A chaque fois, j’ai eu recours aux prêts pour réaliser les cassettes. Longtemps, j’ai souffert de la stigmation de bien de personnes qui pensent que je veux vendre ma voix pour me faire une fortune. Si fait que j’ai dû renoncer à bien de projets qui auraient pu me rapporter quelque chose. Dommage que certains n’ont pas compris que, comme le dit la parole de Dieu, l’ouvrier mérite son salaire. Mais il faut reconnaître que c’est grâce au soutien des Pasteurs et des frères et sœurs en Christ que j’ai pu maintenir le cap.

Quels sont vos projets dans le court terme ?

• J’ai un vieux projet de réaliser une école de musique au profit des jeunes filles ; j’avais même commencé à acheter des guitares, mais faute de moyens ce dernier est ajourné. Je vais continuer à tourner les clips, j’en ai réalisé 8 dont 6 diffusés et les deux autres le seront incessamment. Si Dieu me donne toujours la santé, je réaliserai mon neuvième album et celui de mes petites-filles.

Quels conseils pouvez-vous donner à une personne qui veut se lancer dans la musique ?

• Il faut vouloir le faire et commencer sans attendre de grands moyens. Et quand on commence, il faut tendre vers l’excellence. La patience est une valeur nécessaire parce que nombre de jeunes veulent tout ici et maintenant. Moi j’ai pris deux ans pour faire sortir mon premier album et ce, dans le souci de le réussir.

Etes-vous satisfaite de votre carrière musicale ?

• J’aurais aimé mieux faire que ça. Je suis heureuse et je loue le Seigneur, déjà pour ce qu’il m’a donné de faire. A cause de mes responsabilités familiales, professionnelles et celles que j’ai eue dans le mouvement (NDLR : Il s’agit de l’Association des servantes de Christ (ARC) ) où elle a occupé des postes de responsabilités pendant plus de 23 ans, ma liberté d’action a été limitée.

Quels sont vos loisirs ?

• (Rires), (NDLR : Elle hésite un instant avant de répondre). Il n’y en a pas tellement. Maintenant, si j’ai un peu de temps, je dors, je lis.

La Bible seulement ?

• Non, pas seulement la Bible, mais aussi l’Observateur paalga que mon époux achète. Ce que j’aime le plus, c’est L’Observateur Dimanche où j’aime lire "Mam-ti-fou" et "Femme actuelle". Mais maintenant, il n’y a plus de "Femme actuelle". Ramenez-nous cette rubrique.

Quels sont les principales leçons que vous avez tirées de votre foi ?

• Je suis née dans une famille chrétienne et je me suis convertie réellement en 1965. Ce que j’ai pu apprendre de ma foi, c’est que Dieu est fidèle dans ses promesses, qu’il est capable de nous protéger. J’ai appris aussi que la bénédiction de Dieu, ce n’est pas le matériel seulement, c’est au-delà de ce qu’on peut avoir comme argent, comme bien matériel. On peut être très heureux sans être riche. Il y a cette présence de Dieu qui nous rend heureux ; et être heureux, c’est plus que tous les biens de la terre.

Abdou Karim Sawadogo Bazié Odette

L’Observateur Paalga

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