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Affaire Norbert Zongo : "Ainsi donc, ce n’est pas lui !"

Publié le mardi 6 février 2007 à 07h43min

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Il aurait étonné plus d’un s’il ne réagissait pas au verdict du procès intenté par François Compaoré contre l’Evénement, affaire Norbert Zongo oblige. Depuis ce fameux 13 décembre 98 en effet, Jonas Hien dont nous vous proposons ci-après le point de vue est de ceux-là dont la plume accable les présumés commanditaires et assassins du directeur de publication de L’Indépendant.

Pour lui, la justice appartient au peuple, et toute condamnation qui ne rencontre pas l’adhésion du peuple est nulle et de nul effet. Malgré donc la condamnation de Germain B. Nama et de Newton Ahmed Barry, le dossier Norbert Zongo est loin d’être clos.

Geneviève Zongo née Pooda est l’épouse du journaliste Norbert Zongo. Le 13 décembre 1998, elle a vu son époux quitter la maison pour une destination habituelle. Elle ne savait pas que cette fois était la dernière. Elle ne reverra plus jamais son époux ici-bas. Il en est de même pour les enfants, la mère, les frères et les amis de Norbert Zongo.

Le dernier fils de Norbert Zongo entend parler de son père. Il le connaît à travers des photos. Il ne comprend pas grand-chose encore. Il était bébé en 1998. Les frères de Norbert Zongo se consolent en remettant tout à Dieu. Sa mère ne dit pas autre chose. L’indignation est totale au sein des journalistes et le peuple réclame justice. Le problème est que Norbert Zongo n’est pas mort. Il a été assassiné. Mais par qui ?

La question reste posée. Une chose est sûre : les commanditaires et les assassins sont des Burkinabè vivant au Burkina Faso avec une forte probabilité à Ouagadougou. Les recherches durent depuis plus de huit ans. Entre-temps, un militaire du grade d’adjudant, du nom de Marcel Kafando, fut inculpé dans l’affaire. Entre-temps encore, les juges se dédisent et décident de laisser tranquille le militaire adjudant. Les preuves ne sont pas de police scientifique. Le dossier Norbert Zongo est alors enfermé dans un tiroir au palais de justice de Ouagadougou.

Mais les juges en charge de ce dossier rassurent que la clef du tiroir n’est pas perdue. Il peut être rouvert à tout moment pour peu qu’on y apporte des preuves de police scientifique sur l’assassinat du journaliste. C’est ainsi qu’un Blanc de nationalité française, du nom de Robert Ménard, atterrit à Ouagadougou, apportant avec lui des preuves qu’il croyait de police scientifique. C’était en octobre 2006. Ce Blanc, un homme têtu, a cité des noms et dit que ces personnes citées sont au cœur de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.

Parmi les personnes citées, on retrouve François Compaoré, petit frère de Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso. « Je ne suis pas Burkinabè. Ils ne peuvent rien contre moi. Ce qu’ils peuvent faire, c’est de me foutre à la porte ; et ça ne sera pas la première fois », a dit le Blanc avant de repartir dans son pays. Le Blanc parti, les journalistes burkinabè se sont fait prendre dans un piège en voulant faire comme le Blanc, en se livrant à des commentaires sur les propos du Blanc têtu. On a peur des Blancs mais pas des Noirs.

Et voilà comment le Journal l’Evènement s’est retrouvé devant des juges qui n’ont pas de difficulté à prendre des points d’exclamation pour des points d’interrogation et vice versa. Les responsables du Journal l’Evènement ont donc été jugés et condamnés pour avoir osé jeté en pâture l’homme au beau sourire et d’une citoyenneté reconnue, c’est-à-dire monsieur François Compaoré. Après ce procès de la honte, il convient d’émettre une certaine analyse en lien avec la conférence de presse tout aussi honteuse du 25 janvier 2007 animée par le procureur du Faso et le procureur général.

Du procès de 22 janvier 2007

Ce procès est venu renforcer les soupçons qui pèsent sur François Compaoré dans l’affaire Norbert Zongo. En effet, pour peu qu’on ait un bon sens et un esprit d’analyse, on n’avait point besoin de savoir que les juges s’étaient transformés en avocats du petit frère du Président. On n’a pas besoin d’en faire un long commentaire. C’était tout simplement honteux en même temps que ça fait pleurer de savoir que notre justice dispose de juges ayant un tel comportement. Ils n’ont même pas su cacher leur parti pris. Cette attitude a eu ses effets positifs en ce sens que les Burkinabè se convainquent de plus en plus que la famille présidentielle doit avoir quelque chose à se reprocher dans cette affaire.

De la conférence de presse du 25 janvier 2007

On ne savait pas s’il fallait en rire ou en pleurer. Mais au fond il faut en pleurer. Dans les procès classiques, on entend au prétoire parler de débats contradictoires, c’est-à-dire que les différentes parties ne disent pas la même chose. Ce sont ces débats contradictoires qui permettent aux juges de prendre la décision qui convient en se basant sur les éléments les plus intéressants. Il en est de même lors d’une instruction judiciaire.

Mais, l’audition de Monsieur Moïse Ouédraogo nous a permis de déchanter et de savoir que la procédure se fait selon les cas et non sur la base des éléments contradictoires. Oui, au palais de justice, on se comporte en tailleur, selon la forme du client, encore qu’il faut avoir du respect pour les tailleurs, car eux, au moins, reconnaissent leur tort quand le tissu a eux confié a été mal cousu. Voilà pourquoi le tiroir dans lequel se trouve le dossier Norbert Zongo restera fermé, car « Dieudonné a contredit les dires de son cousin Moïse ».

Ce qui fait encore peur, c’est qu’apparemment, la justice burkinabè n’a plus de références juridiques sur lesquelles s’appuyer pour rendre une décision de justice. On décide selon ses humeurs personnelles. La preuve nous en a été donnée lors de cette conférence de presse par le procureur du Faso lorsqu’il ne se lassait pas de dire : « C’est comme ça que moi je fais... ».

Et comme c’est comme ça lui il fait, il lui suffit de faire en disant que tel élément n’est pas de police scientifique et personne ne peut le convaincre du contraire. C’est un monsieur qui ne doit pas aimer la contradiction. Ce qui est bizarre pour un magistrat. Ce qui compte pour lui, c’est la manière dont lui il fait. Et pourtant, Moïse Ouédraogo a donné des éléments de police hautement scientifique pour un dossier de ce genre. En effet, il a dit qu’ils avaient été reçus par l’ex-procureur du Faso (disons ex- et non ancien), Monsieur Dramane Yaméogo.

Quand il les a reçus dans son bureau, il leur aurait fait boire du Coca-Cola, leur aurait remis son numéro de téléphone avec autorisation de le contacter à tout moment dès que de besoin. Avant et après les Moïse, le procureur Yaméogo recevait des justiciables dans son bureau. Combien en ressortaient après avoir bu un coca ou autre marque de boisson et empoché son numéro de téléphone avec une telle marque de disponibilité ? Cet élément n’est-il pas de police scientifique dans un dossier judiciaire ! On ne s’y est pas attardé.

Un autre élément tout aussi de police scientifique, c’est la constance de Moïse Ouédraogo dans ses déclarations. Ce qu’il a dit dans l’Evènement, ce sont les mêmes propos que dans le journal Bendré et devant le Procureur du Faso, qui l’a lui-même reconnu. En matière d’instruction d’un dossier judiciaire, la constance dans ses déclarations n’est pas rien. Je ne suis pas juriste. Mais, mes quelques connaissances par ci par là ajoutées au bon sens m’évitent de confondre les signes de ponctuation.

Lorsque les juges prennent pour argent comptant les propos de François Compaoré, qui met en avant l’aspect humanitaire pour justifier son aide aux deux frères de David Ouédraogo, en même temps que d’autres témoignages viennent en contradiction de ceux du « petit président », c’est vraiment participer à l’insulte de l’intelligence des autres. Imaginons deux grands garçons, deux hommes, dit-on, qui connaissent bien la ville de Ouagadougou venir voir tout un « petit président » pour lui demander de l’appui afin de se louer une maison.

Au lieu de leur remettre l’argent nécessaire pour rechercher leur maison, on prive son aide de camp de sa mission habituelle pour chercher une maison. On l’équipe du matériel nécessaire et on vient convoyer les occupants avec tous les soins les plus exceptionnels.

Parce qu’il est un humain, je suis persuadé que chaque jour que Dieu fait, François Compaoré apporte des appuis humanitaires du genre. On aimerait avoir un autre exemple que celui des Moïse. En outre, qu’on ne nous dise pas du n’importe quoi en faisant croire qu’on ne peut pas faire parler des morts.

Personne n’a demandé de faire parler des morts. Dans tous les cas, les morts ne parlent pas en Afrique tel que l’auraient souhaité les procureurs. Mais, beaucoup de procès ont eu lieu et auront toujours lieu à travers le monde où, entre-temps, un témoin ou un des accusés auront trouvé la mort. Alors, on juge les vivants et on rend le verdict en fonction des débats contradictoires des vivants.

Lors du procès de David Ouédraogo à la justice militaire, le procureur général, Monsieur Abdoulaye Barry, Commissaire du gouvernement lors de ce procès, aurait bien voulu poser des questions à David Ouédraogo pour savoir ce qui s’était réellement passé par rapport au vol des millions du couple Compaoré et au Gendarme sur l’établissement du faux procès- verbal du vol d’argent. Ce gendarme est décédé avant le procès. Mais le procès a eu lieu avec les vivants. On a évoqué son cas lors du procès sans chercher à vouloir le faire parler.

Si l’on devait donc suivre cette logique des procureurs, évoquée lors de la fameuse conférence de presse, on devrait aboutir à cette conclusion : « Comme on ne peut pas faire parler les morts, le procès ne peut pas avoir lieu, car David Ouédraogo est au centre du problème. » On aura tout vu et entendu dans ce pays chaque fois qu’un citoyen a affaire aux supercitoyens de la famille présidentielle. Quand on veut insulter l’intelligence des autres, il faut le faire au moins avec la manière, c’est-à-dire avec un langage de police scientifique.

La justice appartient au peuple. Et toute condamnation qui ne requiert pas l’adhésion du peuple est nulle et de nul effet. Le peuple n’a pas condamné Germain Nama et Newton Ahmed Barry, et le dossier Norbert Zongo est très loin d’être clos.

Jonas Hien

L’Observateur

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