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CHU Yalgado-Ouédraogo : Un mouroir de référence... incontournable ?

Publié le mardi 6 février 2007 à 07h34min

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Finira-t-on un jour de fustiger le comportement du personnel enseignant du Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo (CHU-YO) ? L’auteur du présent écrit, en se fondant sur ses amères expériences avec la structure sanitaire nationale, qu’il qualifie d’"entrepôt condensé des souffrances humaines", invite certains disciples d’Hippocrate à reconnaître leur médiocrité et à retourner, en toute humilité, à l’école du "savoir-vivre professionnel".

Via une structure sanitaire de la place, ma mère est admise aux Urgences médicales du CHU-YO, le 30 juillet 2004, portée par mes propres bras. C’est encore moi qui l’ai transportée de la table de consultation sur un lit trouvé par hasard dans le couloir, et ma femme s’est empressée de le couvrir avec son pagne, pour en assurer l’occupation.

Point de thermomètre pour prendre la température, ni de tensiomètre. Nous obtenons le premier à 400 francs, le second arrivera plus tard. Dans ce service sans figure rassurante, la prise en charge en termes d’accueil, de gestion des patients et de réponses était précaire. Vêtu d’une blouse blanche, les mains dans les poches, un membre du personnel soignant nous informe que le gaz du service de réanimation serait épuisé, alors que ma mère devait être sous oxygène depuis au moins 24 heures.

Le lendemain matin, un examen (EEG ?) est demandé. Nous attendons en vain ce qu’il faut faire ; plus tard, nous apprenons que celui qui a demandé cet examen l’a fait par erreur. La raison : l’appareil qui devait réaliser l’examen serait en panne... Après coup, j’ai eu le sentiment que les équipes successives attendaient méthodiquement que la « vieille » passe l’arme à gauche, pour que nous libérions les lieux...

Au matin du 02 août 2004, ce qui devait arriver arriva : la « vieille » a effectivement rendu l’âme, dans le couloir du Service des urgences médicales. Elle avait 80 ans bien sonnés ; c’était une bonne raison pour qu’elle soit bien accueillie, bien traitée et accompagnée, pour finir ses vieux jours, au moins dans la dignité. En 68 heures de présence à l’hôpital, toutes nos recherches d’une figure médicale qui redonne confiance et qui rassure sont restées vaines.

Prenez vous-même le thermomètre...

Le 25 janvier 2006, via une clinique privée de la place, nous amenions notre fils âgé alors de 57 jours à la pédiatrie du CHU-YO. A partir de l’expérience vécue avec ma mère, nous avons émis beaucoup de réserves sur la qualité de l’accueil et des soins. La pédiatre nous rassure, en nous accompagnant personnellement en ce lieu.

Auparavant, elle avait diagnostiqué des difficultés respiratoires, et affirmé qu’il faut aspirer... pour désencombrer l’enfant. C’est en notre présence qu’elle a parlé directement à une « collègue », au téléphone, laquelle confirma que l’appareil qui aspire est disponible et fonctionnel. Elle nous y accompagne. Plus tard, les difficultés respiratoires ont évolué en « détresse respiratoire ».

Une fois, c’est le pharmacien qui a fortement déconseillé l’achat et l’administration d’un produit (Hélicidine sirop), vu l’âge de l’enfant...Plus tard, le pédiatre confirmera que le pharmacien avait raison, parce que ce produit n’est pas indiqué à cet âge. Rien n’a filtré d’une rencontre avec la pédiatre des lieux en dehors du fait que l’équipe en place ne semblait pas prendre conscience de la gravité de la situation de notre fils. Elle se contentait de mettre l’enfant sous oxygène, 2, 3, 4, 5 fois par jour, sans jamais songer à aspirer ce qui encombrait ses voies respiratoires.

J’ai personnellement rappelé à un membre du personnel soignant que c’est pour cela que nous étions là ; la pédiatre de la clinique privée de la place est venue personnellement deux fois...Trois jours après notre admission, rien n’a été fait pour désencombrer les voies respiratoires de l’enfant.

Au cours de la nuit du 29 janvier 2006, l’enfant agonisait. Je le prends dans mes bras et cours vers la salle de soins, pour chercher secours. Un interne me reçoit et se met à écrire quelque part. Je le regarde écrire. Une infirmière me lance : « Vous n’avez pas le droit de lire dans le dossier... ». Tout en tenant mon fils mourant dans mes bras, j’attire son attention sur son comportement inapproprié et pervers. L’interne prend la température de l’enfant ; je lui pose une question sur la température recueillie.

L’interne venait de redevenir humain... trop tard

Réponse : « Prenez vous-même le thermomètre et mesurez vous-même sa température... ». Je m’en prends fortement à lui en lui rappelant que ce n’est pas le moment de se conduire de la sorte, et que je réclame de sa part plus d’humanité. Il y avait péril en la demeure. L’interne passe aux séances de massage cardiaque, sur un bébé de 2 mois. J’assiste à cette épreuve horrible, désarmé, meurtri de douleur. Je demande encore à l’interne : « Son cœur bat-il toujours... ? ».

« Oui, son cœur bat toujours », me répondit-il. Il venait de faire le nécessaire et de démarrer la machine à aspirer la morve, seulement à ce moment. De surcroît, l’interne venait de redevenir humain, simplement. Mais pour ce jour-là, c’était déjà trop tard. Notre fils venait de rendre l’âme, expédié au Ciel sans transition, en nous laissant inconsolables, pour toujours. Pourquoi ?

Quatrième Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD) : réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Cible 5 : réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. En l’espace de cinq jours au CHU-YO, nous n’avons rien vu qui soit mis en place pour rendre réels et concrets les OMD ; quelque chose qui puisse nourrir les faits en embrayant sur les réalités quotidiennes, au-delà des discours et des intentions.

Il faut réveiller Hippocrate

Si le pharmacien doit contester le contenu d’une ordonnance médicale et avoir raison, alors, qui prescrit au CHU-YO et qui contrôle les prescriptions ? Pourquoi cette totale absence de hauteur de vue de l’interne, qui est plus soucieux de masquer les inconduites de sa collègue que de secourir un patient, dont on aurait pu peut-être sauver la vie ? Il faut réveiller Hippocrate avant que l’hôpital, cet entrepôt condensé de toutes les souffrances humaines, arbore tous les ingrédients d’une institution totalitaire, pleine d’inhumanité.

Avec ou sans les OMD, notre seul statut d’humain devrait largement suffire pour que toute personne y soit accueillie et prise en charge à hauteur de cœur d’homme, les enfants en premier lieu.

En fait, l’indispensable carapace protectrice dont tout professionnel averti doit se doter est faite plus pour révéler la profondeur de notre humanité, que pour dissimuler nos médiocrités.

J’écris pour témoigner que notre fils malade n’a pas été l’objet des soins que nous attendions d’une structure de cette importance et qu’il a aussi été victime des rivalités sournoises qui naissent entre personnels soignants. En témoignent les coups d’œil foudroyants lancés à la Pédiatre de la clinique privée qui nous y a conduit, à chaque fois qu’elle voulait voir l’enfant. Conflits de compétence mortifères. Aucun suivi spécifique, qui soit à la hauteur de la situation. Aucune prise en charge digne d’un malade dont l’état de santé ne s’améliore pas après plus de 48 heures d’hospitalisation. Et l’irréparable s’est produit, sous nos yeux.

Et Dieu dans tout ça ?

Que fait Dieu, lorsqu’un enfant se meurt ? On nous a dit que s’il est parti, c’est qu’il ne nous appartenait pas...S’il ne nous appartient pas, pourquoi nous a-t-il été donné ? Nous avons dit et écrit « L’Eternel a donné, l’Eternel a repris, que le nom de l’Eternel soit béni ». Néanmoins, c’est terrible ! L’hôpital et les médecins doivent être des partenaires de Dieu dans la prise en charge des personnes qu’ils accueillent. Dieu ne saurait être le seul et l’unique débarras de nos médiocrités, ni un refuge pour ceux qui ne s’assument pas. Quand l’homme ne fait rien, Dieu non plus ne fait rien.

Pour certaines des blouses blanches, un recyclage en SVP (Savoir Vivre Professionnel) ne serait pas de trop. Ceux et celles qui sont coincés, portant leur usure en bandoulière ou qui sont convaincus qu’ils ont fini d’apprendre doivent passer le témoin du sacerdoce aux personnes qui sont formées et équipées pour accueillir et pour prendre en charge les personnes souffrantes. La charge est entière et lourde ; elle doit être accomplie par ceux et celles pour qui le serment n’est pas un fait banal. Ceux qui le trahissent ne méritent guère leur place.

Nous pensions que le type de relation qui existe entre le personnel soignant, les patients et les accompagnateurs se jouait dans une triangulation dynamique où chacun doit jouer pleinement son rôle, dans l’humilité et dans un esprit de respect mutuel, avec pour repère ce qui nous est commun, notre humanité.

On ne demande à personne de ressusciter les morts, fût-il médecin, infirmier ou autre. Nous demandons d’être humain, de ne pas être indifférent, de savoir prendre en charge, professionnellement, à la fois l’angoisse du malade et les questions de la famille, potentiellement haïssable.

J’écris pour que ceux et celles qui ont pour mission et pour vocation de soigner leurs semblables adoptent des attitudes et des comportements dignes de leur position, sans aucune forme de violence. Le matériel d’accord, mais l’humanisme d’abord. Tant au soir de la vie de la « vieille » qu’à l’aurore de la vie de notre bébé, nous n’avons guère constaté une forme de mobilisation particulière à leur égard. En termes d’attitudes et de comportements hautement professionnels, les conduites ont-elles positivement évolué depuis ces derniers temps au CHU-YO pour que nous osions encore avoir confiance en elles ?

Péguéwendé Savadogo (peguesa_9@hotmail.com)

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 6 février 2007 à 19:01, par N.Bn En réponse à : > CHU Yalgado-Ouédraogo : Un mouroir de référence... incontournable ?

    Bonjour
    Tout d’abord mes soncères condoléances pour ces deux personnes si chères qui vous ont été arrachées à votre affection.
    Je ne voudrais pas vous rememorer les douleurs de ces temps passés mais seulement reagir par rapport à ces scénariots que seuls vos écrits me permettent de croire en l’existence ;
    On a souvent entendu parler des mauvais comportements des agents de la santé mais ce que vous avez vecu ne peut etre excusé par quelques raisons que ce soit.
    Mais ne sommes nous pas tous responsables quelque part ?
    Qu’avez vous entrepris comme demarche après ces malheureux evenements ?
    Avez vous contacter des personnes (hierarchie des internes ) pour vous plaindre du comportement du personnel soignant ?
    Sachez que malgré ce que l’on peut croire tous autant qu’ils sont, ils ont peur d’entrendre parler d’eux en mal.
    Vous auriez mis cette situation sur la table dès le premier jour d’hospiralisation de votre fils qu’ils allaient arreter leur querrelle de leadership et faire ce qu’ils doivent faire.
    Deuxièmement, lorsque vous evoquez la comptétence de nos agents de santé, je crois que vous touchez là du doigt un problème dont tout le monde en parle mais personne n’ose remettre en cause le cursus de formation de ces agents.
    Etre un homme de santé signifit avant tout aimer le travail que l’on fait et par là accepter les malades.
    Je dis bien "accepter" a defaut de les aimer, car ils n’ont pas choisi d’etre malades.
    Comment expliquer alors que des hommes de santé se repugnent à l’idée de toucher un malade.
    Ils ont aucune morale et soyez en sur qu’il en sera ainsi tant que les uns et les autres arriveront a la médécines malgré eux.
    On a longtemp parler des cliniques privées.
    Beaucoup de voix se sont lévée pour condammer cette manière de rentabiliser les connaissances acquises lors des formations en médecines financées par le contribuables burkinabè, mais rien n’y fit. Pire, ceux qui n’ont pas eu les moyens d’ouvrir une clinique deviennent des aigris et souvent à juste titre( celui possedant un e clinique ne venant jamais au travail et ne risque rien de surcroit) et deversent cette etat d’ames sur les pauvres malades qui en plus de souffrir dans leurs corps subissent certaines humiliations.
    Par rapport aux compétences dont vous faites cas dans votre écrit, sachez monsieur qu’aujourd’hui pour etre infirmière ou quelque autres titres du corps médiacl que ce soit
    vous n’avez besoin que d’un CEP, de la somme d’argent que demande l’intermédiare, des frais de scolarité, d’un logement dans la ville où se trouve l’ecole de formation, de relations sous quelque formes que ce soit avec un du corps enseignant et aussi d’un peu de patience pour le temps que prend la formation et vous etes sur de sortir avec un diplome en bonne et du forme.
    Je connais des structures dans lesquelles les risques d’accidents de travail sont énormes.
    Mais dites vous que les personnes qui tiennent les rènes des infirmeries sont ce qu’elles sont. Je vous laisse imaginer.
    Ce que je vous conseille, chaque soir avant de vous coucher dites cette prières : seigneur eloigne de nous tout accident, et accorde nous la santé du corps et la paix de l’ame.
    C’est la seule issue pour nous les pauvres car ceux qui encouragent cet état de fait recoivent les grands médecins de ce pays dans leur salon et cela pour juste établir un diagnostique et remplir les formalités d’évacuation.
    Que Dieu nous garde
    N. Bn

  • Le 18 mars 2007 à 19:05 En réponse à : > CHU Yalgado-Ouédraogo : Un mouroir de référence... incontournable ?

    bonjour , et merci de denoncer les choses de cette facon, on ne finira jamais d`en parler . au burkina toutes les structure de l`admisnistration publique sont pourries et ca ,dans tout les sens, et de nos jours , il n`y`a pas un seul burkinabe qui n`a jamais ete victime, mais le cas de la sante dans son ensemble est criade. c`est un section que gere yoda , avec les resortissant de son boulgou natal , et qui dit mieux.
    les preuves sont palpables partout au burkina dans n`importe quelle formation sanitaire.
    bonne chance a tous.

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