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Procès de la tentative de putsch : le verdict

Publié le lundi 19 avril 2004 à 00h24min

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Après dix journées d’audience, le tribunal militaire de Ouagadougou a rendu samedi dans la nuit le verdict du procès des treize présumés putschistes : il a prononcé 4 peines d’emprisonnement ferme (dont 10 ans pour le cerveau présumé, le capitaine Ouali Luther et 6 ans pour le sergent Naon Babou) ; trois peines de prison avec sursis à l’encontre notamment du pasteur Paré Israël.

- Capitaine Ouali : 10 ans ferme

- Sergent Naon Babou : 6 ans ferme

- Pasteur Paré Israël : 2 ans avec sursis

- Norbert Tiendrébéogo : acquitté...
Quant aux six autres inculpés, au nombre desquels Norbert Tiendrébéogo, le leader du FFS, ils ont été acquittés.

Auparavant, les deux derniers jours du procès ont été marqués par le réquisitoire sans concession du commissaire du gouvernement, les plaidoiries des avocats de la défense et l’ultime intervention des prévenus.

Le 16 avril, à la reprise de l’audience, c’est le ministère public qui a débuté ses réquisitions. Le parquet, avant de requérir, a fait quelques observations relatives au présent procès : "C’est une révolution, un fait historique... et ce procès devant cette juridiction militaire aura un impact sur la conscience collective". Pour l’accusation, l’histoire du Burkina est faite de son passé, mais de son avenir aussi.

Puis le parquet signifiera que loin de chercher à enfoncer les accusés, son rôle est de requérir, d’appliquer la loi. "Au pénal, ce sont les faits qui sont sacrés, et la détermination des faits est une opération capitale... Or les faits, c’est ce qui existe en dehors du ministère public".
Et de ce fait, le parquet a établi les faits, du reste contenus dans l’arrêt de renvoi, des faits à charge et à décharge, et requis alors des peines et des acquittements.

Succinctement le commissaire du gouvernement relatera les faits reprochés aux 13 conjurés : ainsi, selon l’accusation, dans les P.-V. de l’enquête préliminaire et du juge d’instruction, tous reconnaissent les faits commis et visant à déstabiliser le pouvoir en place : mise en place d’un groupe conduit par le capitaine Ouali Luther, un pasteur, Paré Israël, qui les rejoindra pour le côté spirituel, Naon qui se propose de recruter des soldats, attaque du Conseil de l’entente et de la présidence prévue. Le parquet ajoutera que deux raisons sont à la base de l’échec du coup : d’abord après le meeting du Collectif, la marche n’a pas eu lieu, et ensuite, le président du Faso était en déplacement à Pô.

Enfin pour le parquet, après ce "coup foireux", les accusés ont changé de stratégie, des réunions se poursuivaient afin de mieux se préparer, et c’est dans ce but que Ouali prendra contact avec l’étranger, précisément avec le Togo et la Côte d’Ivoire, où des promesses de moyens et de logistique lui ont été faites. Il recrutera et distribuera de l’argent,. "Le coup était prévu pour un mercredi afin d’avoir tout le gouvernement dans la nasse", a affirmé le substitut du commissaire du gouvernement, le commandant Abdoul Karim Traoré.

Les 13 personnes sont donc poursuivies pour les infractions de trahison, complot et attentat, punies respectivement par les articles 88, 109 et 110 du Code pénal.

En ce qui concerne le capitaine Ouali Luther, le parquet a estimé "qu’il n’a pas caché son dessein de renverser le régime depuis courant 2001 pour diverses raisons". Il est accusé d’intelligence avec l’étranger, en l’occurrence avec le Togo et la Côte d’Ivoire où il a reçu 50 millions de Logbo Raphaël, aide de camp de Laurent Gbagbo. Il a dirigé des réunions, recruté des hommes et voulu infiltrer une marche du Collectif pour attaquer la présidence. Pour le parquet, les éléments constitutifs de "trahison", de "complot" et d’"attentat" sont établis. Par conséquent, il n’a pas déchargé Ouali.

Pour ce qui est du capitaine Bayoulou Bouledié, selon le parquet, il nie, mais reconnaît avoir participé à des rencontres. Il a procédé au recrutement des sergents Konfé Abdoulaye et Zalla Souleymane, reçu 2 millions de francs CFA de Ouali. Pour le ministère public, les infractions de complot et d’attentat sont établies et il ne peut être déchargé.

Quant au caporal Bassolet Bassana, il a recruté des hommes, assisté à des réunions et fait à Pô le voyage au cours duquel 2,4 millions de francs CFA et un portable ont été remis au lieutenant Philippe Minoungou"Il n’est donc pas opportun de décharger Bassolet Bassana" pour ces faits, a lâché le parquet.

Le sergent Bako Baguiboué, selon l’accusation, a bien reconnu avoir donné son accord pour attaquer le Régiment de sécurité présidentielle (R.S.P.). Il a reçu de l’argent, et pris, selon le terme consacré "la résolution concertée et arrêtée de changer par la violence le régime légal", et en l’espèce, il a commis les infractions de "complot" et d’"attentat", et le parquet ne l’a pas déchargé.

Le sergent Naon Babou, lui, foi du ministère public, est constant dans son entreprise de déstabilisation publique. Il avoue les faits. Et selon le commandant Abdoul Karim Traoré, "Contrairement à ce qu’a affirmé une imminente personnalité du Burkina, pour qui l’aveu ne suffit pas pour le parquet, l’aveu est la reine des preuves". Naon Babou a participé à des réunions, donné de l’argent à d’autres militaires."Il ne peut être déchargé", a déclaré le parquet.

Pour le ministère public, le pasteur Paré Israël ne peut pas non plus bénéficier d’une décharge. Et pour cause : il est impliqué dans cette opération de déstabilisation, il a fait des séances de prière, a béni l’argent de Ouali, et y a prélevé 9 millions de F CFA de dîme et offrandes. Il savait également pourquoi il se rendait à Pô.

Pour ce qui est de l’intendant Pooda Siéou Bernardin, le parquet, dans son réquisitoire, a affirmé qu’il a reconnu que Ouali l’avait informé du projet, qu’il savait l’origine des 46 millions que Ouali a déposés chez lui. Il a adhéré au projet de changer le régime légal, a donné des conseils avisés à Ouali, et promis de fournir des kalashnikov à ce dernier. Il ne saurait donc y avoir de décharge pour lui.

Le ministère public, avant de requérir sur Norbert Tiendrébéogo, a affirmé que ce dernier a bien nié en bloc, mais que les auditions de Bayoulou l’enfoncent : "Je confirme que lors de nos rencontres, nous rendions compte à Norbert Tiendrébéogo en matière de revendication". Et Ouali d’ajouter, selon le parquet : "Norbert était bel et bien au courant de la préparation du coup d’Etat". Le parquet a par conséquent demandé que le tribunal maintienne l’accusé dans les liens de la prévention.

Pour le cas du commandant Kambou Sié Rémi, il a reçu 150 000 Fcfa de Bayoulou Boulédié, mais le parquet a estimé qu’il ne peut y avoir de qualification pénale pour lui pour les infractions de "complot" et d’"attentat".

Le sergent Konfé Abdoulaye : le réquisitoire sur son cas a mis en exergue le fait qu’il a reçu 250 000 Fcfa de Naon Babou de concert avec "son jumeau Zalla Souleymane", comme l’a appelé Barry Abdoulaye, le commissaire du gouvernement. Il était au courant du coup, mais le parquet a demandé l’indulgence du tribunal.

Le sergent Zalla Souleymane, l’autre jumeau, a bénéficié de même réquisitoire, donc d’une demande d’indulgence adressée au tribunal.

Enfin, le ministère public, sur le cas du soldat Onadja Adjima, a certes affirmé que l’intéressé a reçu 500 000 francs de Ouali pour des besoins occultes, mais que son implication dans le coup n’est pas évidente et a demandé son acquittement.

Après l’examen des faits, et les qualifications pénales, le parquet a requis 4 catégories de peines contre au regard de leurs noms :

Ouali Luther : 20 ans ferme ;
Naon Babou, Bassolet Bassana, Bayoulou Baliboué, : 15 ans ferme ;
Pooda Siéou Bernardin, Bako Baguiboué, Pascal Israël Paré et Norbert Tiendrébéogo : 5 ans ferme ;
Konfé Abdoulaye et Zalla Souleymane : 12 mois assortis de sursis. Le parquet a demandé l’acquittement pour Kambou Sié Rémi et Onadja Adjima.

Le bal des plaidoiries

Le bal des plaidoiries a été ouvert par Me Kyélem Apollinaire, l’avocat du pasteur Paré Pascal Israël. Comme il fallait s’y attendre, Me Kyélem est retourné 2 000 ans en arrière dans l’histoire de l’Humanité. Et là, dans les Ecritures, il a rappelé qu’un innocent avait été jugé et condamné à mort par Pilate. Cet homme, c’est Jésus de Nazareth.

Le pasteur Paré, selon son avocat, est un homme qui consacre toute sa vie au service de ses frères au nom de Jésus Christ. Pour lui, si Paré n’était pas pasteur, il n’aurait pas été sur le banc des accusés. Et maître de se demander si on peut comploter avec la Parole de Dieu, si on peut, avec la Bible, porter atteinte à la sûreté de l’Etat.

Il a rappelé à la cour que le droit pénal est un droit de précision qui n’admet pas l’à-peu-près. Et la loi dispose que pour qu’il y ait crime il faut : une résolution concertée et arrêtée d’agir, des actes préparatoires, un commencement d’exécution ou la consommation de l’infraction. Fort de ces exigences de droit, l’avocat a déclaré qu’en aucun moment son client ne peut être poursuivi pour "complot" ou "attentat".

On reprochait au pasteur d’avoir prié pour la réussite du coup d’Etat sur les 50 millions du capitaine Ouali et d’y avoir prélevé 9 millions F CFA au titre des dîmes et offrandes. De l’avis de Me Kyélem, même si tout ce qu’on dit était avéré, il n’y avait pas crime. Un père spirituel ne peut être tenu responsable des infractions commises par ces "ouailles". Et d’ajouter que "Le pasteur étend sa bénédiction et ses grâces sur tout le monde".

Pour l’avocat, « De quelque côté qu’on retourne l’affaire, on se demande comment le ministère public a pu poursuivre le pasteur dans tout ce qui est attentat ». Quant au complot, Me Kyélem a assuré que « C’est dans sa volonté de ratisser large, que le commissaire du gouvernement a pêché dans la précipitation le pasteur Paré ».

En clair, selon son avocat, le pasteur n’est pas impliqué dans quoi que ce soit. C’est pourquoi il a demandé au tribunal d’acquitter purement et simplement son client. A son tour, l’avocat du capitaine Ouali, Me Adrien Nion, a soutenu que si son client a eu l’idée, la volonté de changer les choses, il a été guidé par sa condition personnelle faite de brimades et d’injustices. L’officier avait écouté les supplications d’un peuple qui aspirait au changement.

« Un simple garçon de course du président »

Pour lui, le commissaire du gouvernement n’a rien prouvé, et ses témoins capitaux, tel le lieutenant Minoungou, sont peu fiables.

Alors, « où est-on allé chercher cette abondante littérature ? » …« Sur quoi se fonde-t-on pour affirmer que l’argent donné à Ouali au square Yennenga provient des autorités ivoiriennes ? » questionnera-t-il. On notera par ailleurs qu’à Abidjan, Ouali n’a rencontré qu’un aide de camp, qualifié par l’avocat de « simple garçon de course du président ».

Visiblement ému, Me Nion a décrit la détresse morale dans laquelle il avait trouvé son client. Un état d’esprit où se mêlaient idéalisme et profond sentiment religieux,d’où selon l’avocat de Ouali, la nécéssité pour le tribunal de prendre en compte dans sa décision l’état psychologique de l’accusé. « C’est l’histoire de notre pays qu’on juge aujourd’hui », car mis à part Maurice Yaméogo, tous nos chefs d’Etat sont venus au pouvoir par la force, conclura-t-il.

Avocat de Naon Babou et de Norbert Tiendrébéogo, Me Marcellin Somé a, d’entrée de jeu, récusé la constitution de l’Etat burkinabè en partie civile dans ce procès. Un procès qui a suscité, selon l’avocat, beaucoup d’espoir parce que c’est la preuve que la démocratie est en marche. Il a alors souhaité l’application rigoureuse de la loi. Me Somé, qui doute de la matérialité des faits reprochés aux accusés, a déclaré qu’en droit, « L’intention, même criminelle, n’est pas punissable, car elle ne vaut pas l’acte ».

Quant au « fameux » plan d’attaque, qui n’a été conçu qu’à la gendarmerie, l’avocat a vu là la volonté des « pandores » de meubler le dossier.

Pour son défenseur, Naon n’a été informé que de la volonté de Ouali de changer le régime en place. Maître Nion a déploré qu’au cours du procès on ait empêché son client de s’exprimer sur ses motivations profondes : « On a tenté par deux fois de l’empoisonner au Conseil ; on a refusé qu’il s’exprime sur l’affaire Norbert Zongo. Réellement, Naon Babou constitue un danger, et beaucoup de gens ont intérêt à ce qu’il se taise ». Sont dans la même situation que Naon des vétérans du Liberia, le commandant Pooda, qui a découvert des malversations au sein de certains corps de l’armée, le capitaine Ouali, qui a été longtemps brimé dans sa carrière. A croire Me Somé, le message fort de ce procès est que « Beaucoup de plaies laissent un terreau fertile à la tentation ». Pour lui, il y a eu trop de non-dits, si bien que le doute persiste, un doute qui doit bénéficier aux accusés.

« Des témoins à la crédibilité discutable »

Défendant également Norbert Tiendrébéogo, maître Somé a soutenu que ce dernier était victime d’une machination, car nulle part il n’a participé à la reconstitution des faits. « Donc il doit être relaxé ».

Toujours pour défendre le président du FFS, quatre autres avocats ont tour à tour pris la parole. Me Lalogo Julien a rappelé que son client n’avait été mis en cause que par ses coaccusés, les capitaines Ouali et Bayoulou, alors que selon la loi, de telles déclarations ne peuvent en aucun cas constituer des preuves. De surcroît, au foyer du FFS où sont censées avoir eu lieu les rencontres, pouvait-on parler de coup d’Etat au milieu d’une quinzaine de personnes ?

Pour son confrère Me Issa Diallo, est-ce comploter que de présenter X à Y ? Et le témoin capital de l’accusation, l’adjudant Dioma, ne se rappelle même pas avoir vu Norbert Tiendrébéogo à une des réunions du groupe, alors qu’il a aidé l’accusation à fabriquer des preuves ? Pour lui, si le général Kouamé Lougué a été cité, pourquoi ne comparait-il pas ?

« Voilà les résultats du large ratissage », ajoutera Me Farama, pour qui l’accusation devait pleinement jouer son rôle en accordant aux accusés la présomption d’innocence. « Beaucoup de zones d’ombre planent autour de cette affaire » , et Norbert Tiendrébéogo est le cas le plus illustratif de cette machination. En effet, poursuivra son confrère Me Adolphe Ouédraogo, le président du FFS tombe « comme un cheveu dans la soupe, si soupe il y a… ». On sait pourtant, dira-t-il pour dénoncer les anomalies de l’instruction, que lorsque des vies de personnes sont en jeu, on ne doit pas balbutier, et le caractère impartial de la justice doit primer toute autre considération.

Plaidant pour les intérêts de Konfé Abdoulaye, Me Franceline Toé/Bouda a déclaré que « Notre pays a trop souffert des coups d’Etat », que sur cette affaire on peut faire trois observations, la première étant qu’il faut se féliciter de ce que pour une fois les affaires de coups d’Etat se règlent au prétoire. La deuxième est le choix d’un Etat de droit par le peuple. La troisième est que les accusés comme les autres citoyens de ce pays recourir à des voies pacifiques pour résoudre leurs différends.

Me Toé a soutenu que son client n’est pas coupable de "complot" ni d’"attentat" aux termes des dispositions du code pénal. Elle a reconnu que Konfé Abdoulaye, tout comme Zalla Souleymane, ont chacun reçu 250 000 F des mains de Naon, mais a estimé que ce dernier n’a pas eu le temps de leur expliquer pourquoi il leur remettait cet argent. Le plan d’attaque, Konfé l’a dessiné, mais c’était sur instruction du gendarme enquêteur, l’adjudant Zou.

Pour Me Toé, son client est innocent, et par conséquent, elle a demandé au tribunal de lui faire le geste qui sauve, de le laisser retourner au 21e régiment d’infanterie commando (RIC) de Bobo-Dioulasso, rentrer dans sa famille. Chargé de défendre les intérêts de Zalla Souleymane, Me Sogotéré Sanou a annoncé que si l’on veut dire le droit, Zalla et Konfé, qui sont comme des jumeaux dans cette affaire, sont innocents. Pour lui, les deux sous-officiers ont été purement et simplement utilisés, et de plus ils n’ont jamais été recrutés. L’argent qu’ils ont reçu, ils l’ont pris pour de l’aide de la part de Naon, surtout que la femme de Zalla venait de mettre des triplés au monde.

Quant aux rencontres qu’ils auraient eues avec les Naon, il s’agit selon l’avocat, de rencontres fortuites et on ne peut pas démontrer qu’il y a eu concertation arrêtée. C’est ce qui fait que « Zalla n’a pas eu de propositions sérieuses de complot et aucun rôle ne lui a été confié lors des rencontres ». Pour conclure, il a demandé l’acquittement.

« C’est un Compaoré qui a présidé le tribunal »

Le défenseur du commandant Siéou Bernardin Pooda, Me Mamadou Sombié, a introduit sa plaidoirie de façon originale en interpellant directement, et à tour de rôle, chacun des cinq membres de la Cour. Cette Cour était composée de deux Compaoré et d’un Blaise. Pour lui, rien que par les noms et prénoms des membres du jury, on peut écrire Blaise Compaoré.

Cette remarque, d’après lui, n’est pas insignifiante car on est en Afrique et on sait tous ce que l’homonymie sy ignifie. Il a alors supplié le tribunal d’aller au-delà de tout cela et de dire le droit, car « L’affaire est sérieuse » et il ne faut pas que demain le paysan de Falangoutou dise :« Ouais, c’est un Compaoré qui a présidé le tribunal, les dés étaient pipés, voilà pourquoi… ».

Pour Me Sombié, son client est victime de machination. En effet, a-t-il dit, ce procès nous a permis de savoir que le juge d’instruction n’a pas été impartial, et que le commandant Pooda n’a jamais pris de l’argent dans les caisses publiques pour financer un coup d’Etat.

Selon Mamadou Sombié, nos services de renseignements sont très forts, et il est convaincu que l’argent remis à Ouali ne venait pas de la Côte d’Ivoire. « Mon client, a dit l’avocat, est victime aujourd’hui parce qu’il a voulu servir l’armée burkinabè avec honneur, et parce qu’il a voulu vivre sa foi protestante ».

Me Sombié a appris au tribunal que le commandant Pooda est un militaire doublé d’un chercheur en agroalimentaire. Citant Platon, il a dit que « La pire des injustices est la parodie de justice ». Il a alors demandé l’acquittement de son client et qu’on lui remette les 3 millions F CFA que la gendarmerie a pris chez lui, car cet argent ne fait pas partie de l’infraction.

Me Oumarou Ouédraogo a défendu le capitaine Bayoulou Boulédié lors de ce procès. Pour lui, « L’accusation contre nos clients est grave ». Oumarou est revenu sur les procédures de forme pour dire que son client n’est pas le cerveau d’un putsch, car nulle part il n’est ressorti que Bayoulou a cherché de l’argent, du matériel ou des hommes pour faire un coup d’Etat. Mieux, dans la reconstitution des faits, il n’apparaît qu’une seule fois, et c’est au square Yennenga. Me Ouédraogo a soutenu que le dossier est mal monté. Et quand un dossier est mal monté, il ne doit pas être jugé.

Selon l’avocat de Bayoulou, des témoins tout au long de ce procès sont venus ajouter au doute qui existait déjà. Pour lui, sur la base de cet arrêt de renvoi, on ne peut pas parler de coup d’Etat.

Me Augustin Somda a présenté son client, le caporal Bassolet Bassama, comme inapte à prendre part à un coup de force ou à une quelconque opération militaire. Il garde en effet les séquelles d’un accident au cours d’une mission. Pour lui, il s’agit d’un procès d’intention, car le doute persiste quant à la réalité des faits matériels. « Pensez-vous que le caporal Bassolet était, parmi les accusés, le mieux indiqué pour convaincre le lieutenant Minoungou de participer à un coup ? ». Pour lui, la rencontre de Pô portait bel et bien sur des revendications corporatistes entre deux vétérans du Liberia. « Maître, on n’a jamais parlé de coup d’Etat ! » lui aurait révélé son client. C’était des revendications. C’est donc « la parole des accusés contre celle des témoins ».

Me Tarnagda Hamadou s’est exprimé au nom de son client, Kambou Jean-Claude, qui est resté sceptique et n’a jamais donné son accord pour participer à une quelconque action.
Il n’a par ailleurs participé à aucune rencontre du groupe, sauf qu’il est allé manger le tô chez Naon. On juge là des infractions politiques, et les accusés sont des aristocrates de la criminalité, ajoutera l’avocat. Et quel mal y aurait-il a prendre l’argent qu’on vous donne (sans explications) lorsqu’on tire le diable par la queue ? Pour Me Tarnagda, son client a fait comme Onadja, pour qui le parquet avait été clément. « Mon client est un homme prudent et sociable dont le seul tort aura été de ne pas avoir été dénonciateur… ».

« Un coup d’Etat avec une rainbow »

Me Bakari Tou a quant à lui rappelé les conditions dans lesquelles son client, le sergent- chef Bako Baguiboué, a séjourné durant 27 jours : dans un cachot d’une tôle d’où il ne pouvait percevoir ni le jour ni la nuit ; un délai de garde à vue largement dépassé, le mépris de la présomption d’innocence…C’est dans ces conditions que le sergent a avoué son intention de « s’attaquer au RSP ». Il a d’ailleurs démenti cette affirmation, ajoutant qu’il n’avait reçu aucun détail.

« Y a t-il un crime à prendre un pot avec des copains ? » demandera alors l’avocat, pour qui le sergent ne pouvait pas manipuler seul une DCA, encore moins faire un coup d’Etat au moyen de la rainbow achetée avec l’argent de Ouali.

Me Sawadogo Hamidou, avocat du commandant Kambou Sié Rémi, a quant à lui posé la question de savoir si on avait besoin de 6 mois d’enquête et de près de 1500 pages de rapports et de procès- verbaux pour en arriver là, car si son client s’est retrouvé dans le box des accusés, c’est par la seule volonté du juge d’instruction, qui a fait preuve d’abus de position dominante : « Rappelle-toi Dédougou…Je t’avais dit », lui aurait déclaré le magistrat instructeur, faisant référence au différend qui avait opposé les deux hommes en 1990… au sujet d’une femme.

C’est Me Néya Ali qui, le dernier, a pris la parole pour la défense. Revenant sur les dispositions de la convention des Nations unies sur la torture, il s’est posé la question de la validité des aveux obtenus par de tels procédés. Revenant à son client, le soldat Onadja Adjima, Me Néya a déclaré que si le juge avait bien fait son travail, cet homme ne serait pas là, car personne, sauf le capitaine Ouali, ne l’a jamais cité, et aucune pièce du dossier ne le met en cause.

Après les derniers mots des inculpés, le tribunal s’est retiré pour délibérer peu avant 17 heures. L’attente dura cinq bonnes heures puisqu’il fera sa réapparition à 21 h 50. Le compte rendu des délibérés a débuté par le cas Ouali. A chaque nom appelé, l’inculpé se levait avec son avocat tandis que la garde présentait les armes. Le président donna alors les résultats de leur huis clos.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
San Evariste Barro
H. Marie Ouédraogo
L’Observateur Paalga

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