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Manifestations de rue en Afrique : Balles réelles et État de droit

Publié le lundi 5 février 2007 à 07h43min

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Fait paradoxal : la culture de la démocratie et de la bonne gouvernance tend à pénétrer le continent, mais de plus en plus de pouvoirs aux abois n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants.

Certes, les forces de défense et de sécurité du continent sont parfois autant de survivances de la période coloniale (exemple du Camp de Thiaroye) qui s’opposent à la construction de l’État de droit. Mais cette forme de violence, à l’opposé des valeurs qui constituent le socle des sociétés africaines, semble bien traduire la nature des régimes en place : démocratique ou dictatoriale.

On oublie bien vite que les manifestations sont généralement consécutives aux revendications non examinées après des lustres. C’est un fait que dans les républiques bananières "la démocratie du plus fort est toujours la meilleure", comme le souligne si bien le chanteur Alpha Blondy.

Au fait, que peut-il bien se passer dans la tête de celui qui tire sur ses propres frères et soeurs, surtout des enfants ? Songe-t-il un instant à l’exaspération qui les conduits à défier les pouvoirs en place ? Pourquoi se refuser à considérer que le manifestant est avant tout un citoyen qui a des droits et, surtout, le droit de dire non face à l’oppression, à l’indignité, à l’impunité, aux crimes économiques et aux crimes de sang ? Sait-il que généralement en cas de renversement de la situation, en cas de procès, il sera seul devant la loi à payer de sa forfaiture pendant que celui dont il aura reçu les ordres ou qu’il aura défendu trouvera toujours les moyens de sa propre défense ? Et avec quel moral viendra-t-il profiter des largesses du citoyen, une fois le calme et la justice rétablis ?

A l’évidence, la répression démesurée et orchestrée par les gardiens du temple traduit bien souvent des comportements de peur. Elle révèle un surdimensionnement de l’égo et de l’instinct de conservation du régime visiblement aux abois. Mais la lutte des clans peut aussi inciter des éléments repus et décidés à en finir, à pousser le régime à bout et à hâter sa chute.

A cet égard, les agissements de certains régimes africains rappellent ceux du régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud. Notamment l’image du massacre des enfants de Soweto : un jeune éploré avec dans ses bras le corps sanguinolant d’un autre, suite aux tirs à balles réelles de la police raciste du temps des Botha et autres Voster de sinistre mémoire ! L’Afrique ferait-elle marche arrière ? Les gouvernants auraient-ils oublié que la vie humaine est sacrée, même dans les sociétés en transition ? Où sont donc les religieux et les coutumiers ?

Il existe pourtant des méthodes inoffensives et efficaces en Occident : pompes à eau, notamment qu’on utilise pour maîtriser les foules. La France, pourtant réputée pour ses multiples manifestations quotidiennes, ne nous donne pas l’image de forces de sécurité tirant à balles réelles sur des manifestants, comme tout récemment en Guinée ! Curieux, que des gouvernants qui aiment à singer ne songent point à s’inspirer de bons exemples ! Ils préfèrent jouir, dans le confort de leurs repaires, des souffrances et des contorsions de leur peuple. Parce qu’ils prennent toujours soin de garder sous protection leurs proches. Tant pis si ceux qu’ils envoient tirer sur les foules de manifestants n’ont aucune pitié pour leurs cibles dont parfois leurs propres parents. On a beau dire que l’intérêt d’Etat prime, il est scandaleux que les pays occidentaux, surtout la France, poursuivent leur coopération avec des régimes dont le haut degré d’homicide et d’infanticide est chaque jour décrié par l’opinion.

Certes, il sera toujours difficile de satisfaire à toutes les revendications des peuples en lutte. Toutefois, les gouvernants africains doivent savoir doser leurs réactions et, surtout, respecter les valeurs humaines, si chères à l’Afrique. D’autant que même s’ils feignent de les ignorer, la plupart des dirigeants africains se savent assis sur des poudrières.

La solution ? L’alternance au pouvoir en évitant les tripatouillages de Constitution pour se maintenir ad vitam aeternam. Autrement dit, une trop grande conservation du pouvoir finit par lasser et provoquer l’irréparable. Pour ce faire, organiser des élections transparentes, propres et équitables, opter pour une justice sociale véritable et un progrès social réel, préserver les libertés démocratiques, dont la liberté d’expression et le respect dû au citoyen-électeur et contribuable.

La liberté de manifester constitue un des critères de l’existence de tout régime démocratique, avec les limites que lui reconnaît la loi. A cet égard, le Sénégal demeure un exemple à imiter en Afrique, en dépit des dérives parfois constatées dans sa marche vers plus de droit et de justice. Egalement, il appartient à la société civile de ne jamais baisser la garde, et de s’organiser en encadrant ou en faisant encadrer les marches-meetings pour éviter l’intrusion de perturbateurs sur commande. Parallèlement, il faut travailler à enseigner le respect des droits de l’homme et du citoyen au sein des forces de défense et de sécurité, comme certains gouvernants le font déjà.

Ce qui se passe chaque jour sur le continent montre l’urgence de démocratiser au plus vite ! Et les dirigeants africains doivent comprendre que désormais, les choses changent à un rythme affolant. Rien ne peut arrêter un peuple affamé et qui aspire au changement. Ni le vol des urnes, ni les armes.

"Le Pays"

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