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Ainsi donc, si ce n’est lui... il doit tous attraire en justice

Publié le lundi 5 février 2007 à 08h11min

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En 2000, L’affaire David Ouédraogo connaissait un semblant de dénouement judiciaire en laissant bien de zones d’ombre et deux procès en suspens : celui du vol de numéraire chez François Compaoré et celui du faux procès verbal.

Ce procès, même s’il a aboutit à la condamnation de ceux qui ont torturé David, n’a apporté aucune réponse au pourquoi il est mort. Le journaliste Norbert Zongo qui a travaillé et écrit abondamment sur son arrestation et sa mort s’est lui même retrouvé assassiné et vraisemblablement pour cette affaire.

Ainsi donc, on ne peut parler de l’affaire David sans évoquer celle de Norbert tant les deux sont intimement liée. Si David n’avait pas trouvé la mort, peu probable qu’il y’ait l’holocauste de Sapouy.

Aujourd’hui, après le non-lieu, Robert Menard de RSF, Moïse Ouédraogo, Moussa Kaboré ...autant de personnes qui viennent apporter des indices importants qui concordent, qui s’imbriquent, qui lient les deux affaires et qui interpellent bien de personnes dont François Compaoré. Ce dernier, s’il a attrait le bimensuel L’Evènement en justice pour diffamation, pourquoi ne le ferait-il pas pour toutes ces personnes qui en apportant de nouveaux éléments égratignent son honorabilité ?

Le 22 janvier dernier, lors du procès en diffamation, François Compaoré contre L’Evènement on n’en a entendu des vertes et pas mûres :
Le Procureur : « Le dossier Norbert ZONGO est clôturé. Les documents présentés par RSF ayant été rejetés par le Parquet, on ne peut les évoquer pour fonder une analyse » ; Le Président du tribunal : « Il y a eu non-lieu, donc vous ne pouvez pas vous appuyer sur des pièces du dossier pour justifier vos écrits ».

Bizarre tout de même. Le Parquet a toujours laissé entendre que le dossier n’était pas clos et qu’il suffisait de faits nouveaux pour le ressortir. Plus bizarre encore est de vouloir faire croire que le non-lieu frappe de nullité ou de fausseté toutes les pièces du dossier.

Veut-on lier le dossier David Ouédraogo à l’affaire Norbert Zongo ? Re-niet du président !
Le premier a été déjà jugé, le second est clos et tout ceci n’aurait rien à voir avec le procès en cours !

Pourquoi David Ouédraogo est-il mort ?

Il est vrai que l’affaire David Ouédraogo a connu un dénouement judiciaire en 2000. Mais on sait également qu’au cours de ce jugement, malheureusement, la vérité ne s’est pas manifestée. La question de savoir pourquoi David Ouédraogo a été tué est restée l’une des équations auxquelles le tribunal militaire dirigé par le juge Ramata Fofana n’a pu apporter la moindre réponse.

Par contre, le procès a réussi - avec beaucoup d’intelligence, il faut le reconnaître- à écarter les fausses thèses de vol de numéraires et de coup d’Etat dans lesquelles la victime, David Ouédraogo, serait impliqué. Exceptée bien entendu la famille Compaoré, tous ceux qui ont suivi le procès n’ont pas cru pendant une seule seconde ce dont David Ouédraogo était accusé et qui lui a finalement coûté la vie.
Alors, pourquoi David Ouédraogo est-il mort ?

En rappel, Madame Salah Ouédraogo, épouse Compaoré a 40 millions de F.CFA dans un sac noir qu’elle a logé dans un placard de sa chambre à coucher. Il y aurait peut être beaucoup à dire sur le fait qu’un couple de citoyens d’un pays sahélien, dépendant, agricole, arriéré, un pays de l’élite mondiale de la pauvreté, garde à son domicile une telle somme (on sait depuis que c’est une pratique courante chez biens d’hommes « puissants » dans ce pays). Mais enfin passons !

Elle sait qu’une partie du personnel dont Hamidou Ilboudo, le cuisinier, a accès à la chambre à coucher.
Voilà un homme, David Ouédraogo, assez intelligent et suffisamment persuasif pour convaincre son collègue Hamidou de voler l’argent de leur patron, car bientôt adviendra un coup d’Etat. Hamidou s’exécute en dérobant une partie de l’argent -19.870.000 Fcfa- et la lui remet.
David prend l’argent et néanmoins continue de travailler tranquillement chez son patron. Mieux, après leur forfait, ils restent tous sur place à Ouagadougou tout en sachant qu’à la moindre découverte du vol, ils seront les premiers soupçonnés.
Ils se refusent à disparaître dans la nature.

Quelques temps après, Hamidou et Adama sont congédiés de leur travail pour vol de vêtements. Jusque là, on ne s’est pas encore rendu compte que de l’argent a disparu. Mieux, un des renvoyés écrit une lettre de demande d’aide de 200 000F cfa à ses anciens patrons.
Puis vint la découverte du vol d’argent. David muni de son pactole, accompagne Marcel Kafando et ses hommes de la sécurité présidentielle pour leur indiquer le domicile de ses complices que sont Hamidou et Adama. Ceux-ci sont arrêtés et David continue de vaquer à ses occupations, et attend tranquillement qu’on veuille bien venir l’arrêter à son tour.

C’est une telle histoire, digne d’un conte pour des crétins, qu’on a relaté devant le tribunal militaire en 2000.
Il est inutile de revenir sur le montage grossier de la thèse du « vol ». Les quatre accusés Ilboudo Hamidou, Tiendrébéogo Adama, David Ouédraogo et Bruno Ilboudo malgré les sévices atroces subis n’ont pas réussi à avouer où se trouvait l’argent qu’ils auraient pris. Mais le plus curieux dans cette affaire restera la question des dates.

En effet, Hamidou Ilboudo et Adama Tiendrébéogo ont été arrêtés pour vol d’argent le 29 novembre 1997, Bruno Ilboudo qui a suivi les deux premiers au Conseil a été arrêté le 2 décembre de la même année. Or, ce n’est que le 4 décembre 1997 que la famille Compaoré a constaté le vol dans sa maison (date portée dans la plainte signée de madame Compaoré).
Comment peut-on faire arrêter des gens avant même de constater ce dont on les accuse ? Ces quelques éléments mettent en attendant le procès, si jamais il y a procès un jour, en évidence le peu de crédibilité à accorder à cette histoire de « vol ».
Alors, pourquoi David Ouédraogo est-il mort ?

A cette question, seul le journaliste Norbert Zongo - en plus de la famille Compaoré - détenait la réponse après la mort de David Ouédraogo. Le directeur de publication de L’Indépendant selon Arthur Ouédraogo, le frère cadet de David était le tout premier à avoir appris la mort de son frère :
"Un jour, a-t-il déclaré devant le tribunal militaire, Norbert Zongo m’a téléphoné pendant que je m’apprêtais à aller en mission à Bobo-Dioulasso ; il m’a dit de tout faire pour qu’on se voit le lendemain avant que je ne parte à Bobo parce que c’est très urgent. Quand on s’est rencontré à la Sorbetière des 1200 logements, il m’a fait savoir qu’il y avait un décès au Conseil et que la personne ressemblerait à mon frère. Il n’avait pas la certitude que c’était David mais il allait vérifier l’information après et me tenir au courant une fois que je serai de retour de ma mission...".

Norbert Zongo était un grand professionnel. Quand il commençait à écrire sur une affaire, c’est qu’il avait vérifié, coupé et recoupé ses informations avant de boucler convenablement son enquête.
Il est évident que dès le début de l’affaire David Ouédraogo, Norbert Zongo avait le dossier. L’on ne saurait même exclure la probabilité que David ait eu à être une source d’information de Norbert avant son arrestation.
David étant mort au cours de cette arrestation, il fallait attaquer cette deuxième personne qui connaissait les vraies raisons pour lesquelles l’ex-chauffeur de François Compaoré a trouvé la mort. Norbert Zongo a été tué pour l’empêcher d’écrire sur ce qu’il savait véritablement sur cette mort.

Au regard de ce qui précède, un raisonnement des plus logique s’impose : Qui a remis David et ses compagnons à l’adjudant Marcel Kafando, chef adjoint de la sécurité rapprochée du chef de l’Etat et non à la gendarmerie ou à la police ?
François Compaoré !
Donc...

Bien difficile de ne pas lier à l’affaire Norbert Zongo.

Il se doit de les attraire en justice

« Ainsi donc c’est lui ! Jusqu’à présent on pensait à lui sans le nommer. RSF vient de franchir le pas... ». Ainsi titrait L’Evènement dans sa livraison du 25 octobre 2006. Monsieur François Compaoré, Conseiller agroéconomiste, en service à la présidence du Faso, frère cadet du Président du Faso, s’est senti atteint dans sa dignité et dans son honneur.
Ainsi, face aux articles de l’édition N°102 du 25 octobre 2006 de L’Evènement, qui affecteraient la grande estime, mieux la déférence que les populations des villes et des campagnes du Faso portent en lui, il a décidé d’attraire Germain Nama, le Directeur de publication, Newton Ahmed Barry, le Rédacteur en chef et la Société éditrice de L’Evènement en justice.

Il a gagné son procès. Les prévenus sont reconnus coupables de diffamation par voie de presse. Ils sont condamnés à 2 mois de prison avec sursis et doivent payer une amende individuelle de 300 000 F CFA et 1 franc symbolique au plaignant.
Ils devront publier le dispositif du jugement à leurs frais dans les quotidiens : Le Pays, L’Observateur Paalga et Sidwaya.

Bien entendu les responsables de L’Evènement ont fait appel.

L’honneur de François Compaoré aurait donc été sali, non pas par le dos brûlé de Hamidou Ouédraogo, non pas par le corps sanguinolent de David Ouédraogo, non pas par le méchoui qu’est devenu le corps de Norbert Zongo, mais par la plume des rédacteurs de L’Evènement !
Mais qu’est l’honneur au fait ? Est-ce le sentiment de dignité morale qui nous pousse à refuser tout ce qui peut ou pourra aller à l’encontre de notre intégrité personnelle ? Ou simplement le refus de troquer notre conscience contre des intérêts furtifs et malhonnêtes ?

Dans l’un ou l’autre des cas, l’honneur devrait nous amener à meubler notre conscience de principes qui vont toujours à l’endroit des règles sociales qui nous régissent. Si tel est le cas, nul ne saura vivre ou bien vivre en choisissant délibérément d’aller contre les règles sociales, de briser en lui tous les principes, toutes les barrières entre le bien et le mal, en somme de détruire en lui tous les fondements qui font qu’un homme peut se prévaloir d’honneur.
Donc...

Au nom de cet honneur, François Compaoré ne devrait-il pas attraire Moïse Ouédraogo en justice ? Ce dernier n’a-t-il pas dit dans de L’Evènement

« ... C’était une petite voiture avec seule portière coté chauffeur. Nous avons reconnu l’un des deux, garde de corps de François, Sanou Sanson. Le second, c’est au procès de David que nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait de Edmond Koama. Ils nous ont dit d’entrer dans le véhicule. Quand nous sommes entrés, ils nous ont conduit chez nous à Larlé. Nous sommes entrés tous les 4 dans la maison. Ils nous ont dit de ne pas avoir peur des écrits de Norbert Zongo car ça va prendre fin. De ne même pas avoir peur de Arthur.
Qui disait ça ?

C’était Edmond Koama qui tenait ces propos. Quelques jours après, Sanou est venu nous amener chez François. Ce dernier aussi nous a dit la même chose. De ne pas avoir peur des écrits de Norbert car d’ici là, ça prendra fin".

N’a-t-il pas persisté dans Bendré n° 426, en disant « qu’ils savent qui a tué Norbert Zongo » ?

Au nom de cet honneur, François Compaoré ne devrait-il pas attraire Moussa Kaboré qui à souligné dans Bendré n°426 que « Dans la cassette, ils relatent leur mécontentement, leur utilisation dans cette affaire et la majeure partie, c’est ce qui ressort dans le journal... » ?

Au nom de cet honneur, François Compaoré ne devrait-il pas attraire TV5 qui dans son journal télévisé du mardi 30 janvier 2007 a repris les propos des rédacteurs de L’Evènement en leur donnant la parole ?

Au nom de cet honneur, François Compaoré ne gagnerait-il pas à enregistrer les marcheurs du Collectif afin de les attraire pour diffamation ?

Par Pabeba Sawadogo
Bendré

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