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Candidatures CDP : Le sommet suivra-t-il la base ?

Publié le vendredi 2 février 2007 à 08h07min

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Simon Compaoré et Roch Kaboré

Les Burkinabè choisiront, en principe en mai prochain, ceux qui voteront l’impôt et contrôleront l’action du gouvernement : les députés. Un événement majeur pour deux raisons : ce sera la quatrième législature sous la IVe République, la quatrième fois, de surcroît sans discontinuité, que les locataires de l’hémicycle seront renouvelés.

Un fait à saluer, car il est révélateur qu’en dépit des imperfections de notre Etat de droit, qui a revu le jour en juin 90, la démocratie, cahin-caha, fait son petit bonhomme de chemin vers l’ancrage définitif.

Secundo, à l’image du scrutin du 5 mai 2002, celui de 2007 verra sans doute l’arrivée de nouvelles têtes, donc de nouvelles compétences et idées, sans oublier que la proportion des femmes passera de 13% à 25%. Une entrée qui se prépare à coup de conviction, souvent de coups bas, mais surtout de moyens.

Autant dire donc que tous les états-majors des partis politiques ont sonné depuis belle lurette le boutte-selle pour rassembler large autour de leurs candidats, très nombreux, surtout au parti au pouvoir.

Les autres partis en compétition essayent également de faire des choix, souvent cornéliens, pour mettre les "meilleurs" sur la ligne de départ : ADF/RDA, PDP/PS, UNIR/MS, UPR, RDB, FFS, CNDP... chaque parti a un trop-plein de candidats à la candidature, et il va falloir arbitrer.

Le parti présidentiel a décidé de confier l’arbitrage à un collège de sages, encore appelé collège électoral, composé, rappelons-le, du bureau de la section (19 membres à peu près), des maires et des secrétaires généraux des sous-sections du parti.

En optant pour ce mode de désignation de ses candidats, le CDP respecte une des recommandations de son congrès tenu il y a quelques mois de cela. Ce rassemblement avait mis à nu certains travers du parti, qui l’ont beaucoup saigné et qui, à la longue, s’avéraient dangereux : il s’agit spécialement du "parachutage", expression décrivant le fait qu’un militant lambda, une fois nommé à un poste de ministre ou de DG, soit immédiatement bombardé coordonnateur de région et désormais considéré comme le leader d’un fief.

Un fief où les populations ignorent souvent qu’elles avaient un fils qui se "battait" pour la région, tant l’intéressé y est un illustre inconnu, occupé qu’il est à inaugurer les chrysanthèmes dans la capitale.

Signe des temps donc, "ces grands électeurs" burkinabè, qui constituent le collège électoral, ont noté les candidats à la candidature, sur une échelle qui va d’excellent à passable, excellent signifiant très populaire ; bon, populaire ; moyen, un peu populaire ; et passable, peu populaire.

Ainsi, chaque dossier, avec toutes ces annotations, atterira au siège du Parti à l’épi et à la daba, pour que les premiers responsables nationaux fassent le tri définitif, en tenant compte du classement de la base. En réalité, le CDP a procédé à des primaires qui ne disent pas leur nom. Courageusement on aurait dû donc, appeler ce procédé PRIMAIRES.

Certes, on n’est pas en présence d’un exercice du même genre que celui qu’on a en Europe, où ce sont les militants titulaires de la carte du parti qui tranchent parmi les candidats, mais à bien des égards, c’est la base qui a choisi ici, pour peu que l’on accepte, bien sûr, que les maires élus et les autres "grands électeurs" sont représentatifs de cette base.

Des choix qui ont réservé des surprises et provoqué des grincements de dents, au regard de quelques exemples, qui alimentent déjà les conversations dans les gargottes et les salons feutrés :

- Dans la Comoé, selon les notes de la base, Benoît Ouattara, actuel ministre du Commerce et coordonnateur de cette zone, serait ex aequo avec le banquier Léonce Koné, patron de la BACB. Le premier, on le sait, fait ses premiers pas, en tout cas à ce niveau de responsabilités politiques, et on entend déjà certains murmurer qu’il n’est pas de Banfora, mais plutôt de... Bobo et qu’il serait le prototype du parachuté.

Son "challenger" Koné, lui, est né dans la politique, puisque son père fut président du Parlement de Haute-Volta (1). C’est vrai que l’homme est resté discret, mais il a, à son actif, de nombreuses réalisations du côté de la ville du Paysan noir. Mais, en pareil cas, le choix du sommet porte sur le coordonnateur, qui doit "tirer" les autres.

- Au Sanguié, les notes auraient donné les résultats suivants : 1er : Etienne Bado, ancien douanier ; 2e : Evariste Bassolet (patron de Forages burkinabè) ; 3e : Ido Batian Dominique (patron de Sahel Consult), ex aequo avec Véronique Kando ; 5e : Rosalie Bassolet, l’épouse de Yipènè Djibril Bassolet (ministre de la Sécurité), qui ferme la marche.

Un classement qui aurait provoqué des étincelles. Outre le risque que les deux femmes se crêpent le chignon, il y a cette rumeur qui veut que le 3e aille sur la liste nationale pour permettre à la 5e de gravir un palier supplémentaire. Ce qui ferait monter la moutarde au nez de certains.

- Autres cieux, autres problèmes : au Sourou, le verdict du collège des sages aurait donné, par ordre de mérite, le classement suivant : Bibia Robert Sangaré (actuel DG du CENOU) en tête, normal ! l’homme de Bangasogo ayant bataillé pour se faire une notoriété dans la région. Il est suivi de Saran Sérémé (actuelle députée), puis de Drabo Boké, patron de la Maîtrise d’ouvrage de Bagré.
Exit donc Lansina Lamizana et Youma Zerbo, qui auraient recueilli des notes "epsiloniques".

- Au Boulgou, Alain Yoda est en tête, suivi de Boureima Balima dit "Boureim Ghana" ; ce dernier aurait, selon certains ressortissants du Boulgou, conquis le cœur des populations par de petits gestes.

- Paroxysme de cet examen électoral à la base, la situation dans les Balé, où Yao Marc Oubkiri, SG provincial du CDP et 1er vice-président de ce parti, a été devancé par Bongnessan Arsène Yé.

On n’aurait rien trouvé à redire, si le premier président de l’Assemblée nationale sous la IVe République n’avait sembler ronger son frein depuis un certain temps, ne s’occupant que de ses tâches de simple député et cultivant son jardin ou, plutôt, manageant son CERPADE. Alors que le second, dans sa position, avait, dit-on, tous les atouts pour (re)conquérir la boucle du Mouhoun ; ceux qui pensaient ainsi ont donc tout faux.

Ces résultats de la base seraient symptômatiques du fait que la popularité ne se décrète pas, mais se mérite et se mesure toujours à l’aune des liens des candidats avec les mandants, que sont les militants de base.

La grande interrogation qui trotte dans les esprits est de savoir si les gourous cdépistes de Kwamé N’Krumah suivront les choix des bases. Si oui, cela voudrait dire que le parachutage a vécu.

En attendant le 7 mars, date butoir du dépôt des listes définitives à la CENI, chacun espère secrètement passer ce premier examen. Mais nombreux, et c’est évident, seront ceux qui encaisseront en tapinois le fait d’avoir été écartés, tandis que certains migreront vers d’autres partis ou, pour les chanceux encore, vers des points de chute assez confortables, question de maintenir un certain standing, si ce n’est pour se répandre en propos acérés envers les gagnants. Ainsi va la politique au Burkina Faso.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Notes :
1) Il s’agit de Begnon Damien Koné, président de l’Assemblée constituante (1958-1960) puis président de l’Assemblée nationale (1960-3 janvier 66)

L’Observateur Paalga

P.-S.

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