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Musique : Les "Gombos" manqués par nos artistes

Publié le jeudi 1er février 2007 à 08h33min

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En ce Nouvel an, l’heure est au bilan. On ramasse les résolutions prises l’année dernière pour voir les taux de réalisation, les taux d’échec afin de mieux aborder la nouvelle année.

A ce titre, quel bilan tirer de l’évolution, du développement de la musique moderne burkinabè ? On peut dire que dans l’ensemble, ça va et si nous étions dans une salle de classe, on dirait "peut mieux faire".

Dans le bon vieux temps, la musique moderne "voltaïque" avec des groupes comme "Volta jazz", "Echo d’El Africa", "Les léopards du camp Ouézzin", "l’Harmonie voltaïque", le "CVD", les "Djinns de St Camille", le "Suprême Kobemba" ; avaient pu arracher une place de choix dans le landernau musical sous-régional. Je m’en rappelle comme si c’était hier, les tournées du « Volta jazz » avec son chanteur de charme, l’inimitable et l’inénarrable feu Tidiane Djéliba COULIBALY. Il était de même des "Léopards de Bobo" avec le grand maître l’Empereur Bissongo, Idrissa OUEDRAOGO à l’état civil. D

e Banfora à Bouaké en passant par Ferké, Korogho, l’Empereur régnait en maître artistique. Le flux musical était en sens aller-retour, la Côte d’Ivoire donnait le Ziglibity avec Ernesto DJEDJE, du Goumbé avec Mamadou DOUMBIA, mais recevait avec grand plaisir les notes suaves et endiablées venues de la Haute-Volta, le Burkina d’aujourd’hui. Ce qui donnait force à l’expression "la musique n’a pas de frontière, elle adoucit les mœurs".

C’était le bon vieux temps, comme diraient les anciens. Aujourd’hui, le flux et le reflux musical Burkina-Côte d’Ivoire, ressemble en beaucoup de points aux rapports Nord-Sud. On n’a pas besoin de sortir de l’école des beaux-arts pour savoir qui dans ce couple est le Nord et qui est le Sud.

Le pays des Hommes intègres a perdu dans les échanges parce qu’il reçoit plus qu’il ne donne et on peut dire sans se tromper que notre musique moderne est à la traîne or, comme on le sait, tout ce qui n’avance pas recule. Pour ce qui est de nos vaillants traditionalistes, ils s’en tirent à bon compte. Ainsi Zougnazaganda, n’a besoin que d’une petite annonce radio pour remplir la maison du Peuple ; Kisto Koïmbré et les cantatrices ont leur public acquis et tout baigne.

Mais du côté des artistes musiciens modernes, il y a comme un petit retard d’inspiration. On n’aime pas le dire mais il faut reconnaître que l’influence des créations ivoiriennes est trop élevée. On copie un peu vite les inspirations nées au bord de la lagune Ebrié, le comble a été cette reprise presque mot à mot de la chanson "fait le malin" par le Pouvoir.

Ce fut certes là un "Gombo" au moins attrapé mais on ne comprendra pas de sitôt, les thèmes ratés qui pourtant revenaient de droit aux Burkinabè. Sont de ceux-là, cette histoire de "Grippe aviaire" qui cartonne fort aujourd’hui au Burkina. L’épizootie qu’est l’influenza aviaire est passée ici au Faso et a fait des dégâts énormes autant dans les basses-cours que dans la poche des exploitants de volaille ou le tube digestif des « fans » de viande de poulet.

Les Burkinabè friands de poulets rôtis, braisés, flambés ou au four avec leurs différents noms, "Bicyclette", "Bissimilaï" « poulet au rabilé » ont freiné pendant un bon moment leur appétit vorace de poulets à cause de la grippe aviaire. En son temps, les populations ont même essayé de dédramatiser la situation par des plaisanteries très "aviaires". Lors des réceptions de fin de séminaire, d’atelier ou de conférence, le côté poulet des buffets était évité soigneusement.

Seuls quelques téméraires s’y aventuraient et s’entendaient dire "tu veux chiper la grippe aviaire ?". Manger du poulet se disait tout simplement "je vais me faire une grippe aviaire". On a ainsi géré la situation et la grippe a migré vers la Côte d’Ivoire ; Abidjan n’aurait eu que quelques dizaines de cas. Ce qui est très loin de l’épidémie déclenchée au Faso.

Des quelques cas de grippe aviaire, un artiste ivoirien, Dj de son état, a eu l’idée d’en faire une chanson dans la mouvance couper-décaler. La mayonnaise a pris et le flot aviaire a envahi toute la sous-région, le Burkina en tête. Ici au Faso, on danse avec beaucoup de joie sur les notes enveloppées de la grippe aviaire version Dj Levis, et on accepte devenir "tous fous !!!". Sans dire comme Alpha Blondy, "ça me fait si mal, si mal, ca me fait beaucoup pleurer", il faut reconnaître que l’inspiration aurait dû venir du Faso. Et le "gombo" dû à l’adoption de ce titre aviaire devait faire l’affaire d’un de nos musiciens. Malheureusement, le "gombo" nous a échappé. Il ne manque plus qu’un de nos musiciens en manque d’inspiration s’accroche à ce thème épizootique pour en faire une "version revue et massacrée".

Avec la grippe aviaire, il y a aussi l’histoire de la "danse de la moto". Le Burkina Faso est reconnu à travers Ouagadougou comme le pays des deux roues en Afrique au moins. Et ce n’est pas pour rien qu’on attribue à un perdant du Tour du Faso, ces mots justifiants sa défaite : il aurait dit qu’il est difficile de battre les Burkinabè parce que dès le ventre de leur maman ils sont habitués au vélo.

Effectivement, il suffit de se lever tôt pour voir nos braves mères, filles et épouses arpenter les rues des villes et campagnes sur le cheval de fer, chargées, de légumes, de volaille. Même une grossesse ne dispense pas de cette activité. On a donc le vélo et la moto de plus en plus dans le sang. Qui donc mieux que les Burkinabè devraient penser à la danse de la moto ?

Dans certains villages de l’Ouest Burkina, il y a la danse du vélo lors des soirées rythmées au balafon. Comment comprendre alors que ce soit un côtier où le vélo et la moto sont rares qui ait pensé à la danse de la moto, mouvement qui a fait et continue de faire danser les Burkinabè ?

La soirée "Danse de la moto" à la Maison du peuple restera inoubliable tant elle a drainé du monde. N’est-ce pas là encore un "gombo" qui était à portée de main et qui nous a échappé ? Il faut donc sonner le réveil et s’accrocher à l’air du temps qui est "la musique journalisme" c’est-à-dire qui est ancrée aux grands faits du moment. C’est cela qui fait dire que les artistes sont témoins de leur temps.

Sur le plan traditionnel avec les masques, on voit bien cette volonté de se coller à l’actualité. Pendant la Révolution, il y a eu des "masques CDR", un peu plus loin, il y a eu des masques "Houphouët Boigny" pour immortaliser la venue du Vieux au Burkina, la Haute Volta de l’époque. Il y a même eu des "masques De Gaule" pour les indépendances. Alors pourquoi nos artistes musiciens, ne témoignent pas de leur temps ? Or l’actualité et notre vécu quotidien regorgent d’innombrables faits dignes d’intérêt et qui pourraient servir de catalyseurs de l’engouement populaire.

Encore faudrait-il s’arrêter un instant de copier les autres pour avoir le temps de les voir. Si la musique adoucit les mœurs, le fait de reprendre les situations même les plus dramatiques de façon artistique participe à la dédramatisation et à la prise de conscience. Comme disaient les latins "castigat mores ridendo", on corrige les mœurs en riant. N’est-ce pas ce qu’a fait le géniteur du coupé-décalé feu Doug Saga qui a permis et permet toujours aux jeunes Ivoiriens de « supporter » la situation dramatique que vit leur pays ?

Osons penser que du gosier d’un de nos chansonniers sortiront des sons qu’il accompagner de pas de danse pour nous montrer que plus jamais ce « doum-doum » que policiers et militaires nous ont imposé ces chaudes journées de décembre 2006. Est-ce trop vous demander « Sambissi » ?

C’est vraiment pas méchant chers artistes mais c’est juste que vous sachiez poser les fesses où il faut et faire travailler votre "tibias" ! Pardon, votre cervelle.

par Issa SANOGO
L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 1er février 2007 à 14:13 En réponse à : > Musique : Les "Gombos" manqués par nos artistes

    Je suis totalement d’avis avec vous quand vous evoquez le manque et/ou deficit criard d’imgination de la part de nos artistes. Savent-ils seulement qu’un artiste doit se considere comme le chef d’un service ou un directeur a qui il est fait obligation de creativite et d’innovation, et d’imagination ; et que c’est sur la base de ses idees neuves qu’on dit objectivement de lui qu’il est efficace !( en dehors de tous ces benni oui oui bien sur). Bon ce journaliste la au moins vous a donne une piste.. le doum doum des militaires et des policiers. Personne ne l’a souhaite mais c’est arrive.Et comme il l’a si bien dit chantez-le et tout le monde gardera toujours cela en memoire pour que cela n’arrive plus jamais. Et n’ayez pas peur de ne pas reussir un grand coup, parce que les autres pourront vous relancer meme si vous trebuchiez ( vous aurez tout de meme la satisfaction de l’avoir creer) .Que les musiciens et ou autres artistes s’en inspirent ; et que ceux qui ont des yeux pour lire ,lisent.

    Abon entendeur ...,..

    • Le 5 février 2007 à 15:00, par ZAK En réponse à : > Musique : Les "Gombos" manqués par nos artistes

      Chapeau ! Bel article qui doit motiver nos artistes a mieux faire !Voyez tout ce plétore d’artistes et aucun ne (pique). Il ya vraiment du boulot à faire. Chers artistes arrêter de plagier. POUR L’AMOUR DE LA PATRIE

  • Le 2 février 2007 à 12:45, par ZONGO jean-Baptiste(jbozo) En réponse à : > Musique : Les "Gombos" manqués par nos artistes

    Franzin c’est une realité que vous venez d’exprimer mais vous voyez on a un gros problème dans notre pays,ce problème est le fait qu’on aime trop que ce qui vient d’ailleur,on a jamais confiance à ce que nous faisons,il faut cultiver l’amour du pays.
    Certes ,mais il faut que nos artste photocopieurs noir-blanc essaient de reamenager leur ancre pour faire leurs propres saisie.
    Merci ,je suis à l’hexagone mais je suis mon pays .
    bye

  • Le 8 février 2007 à 18:19, par africain En réponse à : > Musique : Les "Gombos" manqués par nos artistes

    Je suis Ivoirien, je vis en Europe et j’ai eu une virée en Afrique de l’ouest en août dernier.
    Franchement, je vous tire mon chapeau pour cet article. dans la forme , le langage est limpide... dans le fond vous avez frappez là où il fallait... ’’C’est straight to the goal’’ droit au but.
    Car, quand bien même que je sois de ce pays qui miltiplie les mouvances arstistiques tant en ouest-afrique que dans tout le continenet, je sais que ailleurs il y a de la création et vous avez bien fait d’épingler le passé. Là où il y a du frémissement humain, il peut y avoir créativité. L’afrique de l’ouest est très friand de culture et j’ai eu à écouter certains artistes du burkina, ils ont le timbre qu’il faut ; leur suffit-il seulement de faire ce qui les différencierait des autres artistes ; oser pour s’imposer... Parce qu’il est bon de s’ouvrir aux autres mais il est toujours mieux quand on emmène ces derniers à nous apprécier nous aussi. Hier s’était les congolais, aujourd’hui ce sont les ivoiriens, à qui le prochain tour... c’est donc bien de votre part que de reactivé l’orgueuil des artiste du faso... ç a va venir..
    Bref
    je tenais par mon blabla, à vous féliciter....

    Ambiance !

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