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Guinée : L’Etat providentiel ?

Publié le mardi 30 janvier 2007 à 08h12min

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On croit rêver. Le triste spectacle dont Conakry est le centre de gravité n’honore ni la Guinée ni l’Afrique. Et sous d’autres cieux, Lansana Conté, le grabataire de Wawa, serait depuis renvoyé dans son village.

On se souvient encore avec quelle maestria le colonel Zine Abedine Ben Ali a pris le pouvoir en Tunisie des mains de l’octogénaire Habib Bourguiba qui, malgré les outrages du temps et la maladie, tentait désespérément de s’y maintenir. C’est vrai qu’hormis quelques rares cas, sous nos tropiques nos dirigeants quittent rarement d’eux-mêmes le pouvoir. Dans le berceau de l’humanité, où la bonne gouvernance n’est pas la chose la mieux partagée, on ne se fatigue pas de voler les maigres deniers du Trésor public, de tordre le cou à la Constitution et de faire en sorte de s’éterniser au pouvoir voire y mourir.

Lorsque de temps à autre, le ras-le-bol vient de la rue, nos dirigeants se dépêchent de promettre une meilleure démocratisation en concoctant des élections de façade pour mieux se skotcher sur leur trône avec la bénédiction ou la complicité de certains dirigeants occidentaux qui, on le sait, n’ont pas "d’amis mais des intérêts" comme l’a signifié clairement le président français Charles de Gaulle parlant de son pays. Pendant ce temps, le peuple croupit dans la misère noire et ses conditions de vie se dégradent chaque jour un peu plus.

C’est exactement le scénario que l’on vit "in live" présentement à Conakry. Indépendante depuis le 2 octobre 1958, la Guinée a connu une dictature féroce sous Sékou Touré (on se rappelle le tristement célèbre camp Boiro). En avril 1984, un changement intervient à la suite d’un coup d’Etat qui fait accéder Lansana Conté au pouvoir. L’espoir des Guinéens de voir des lendemains meilleurs semblait poindre à l’horizon.

On pensait que Conté ferait mieux que son prédécesseur. Mais, rien du tout et la Guinée, baptisée le château d’eau de l’Afrique Occidentale et qui regorge de potentialités minières et de ressources humaines appréciables, sombre inexorablement dans les profondeurs du classement selon l’indice du développement humain durable du PNUD.

Et désormais, vivre en Guinée est synonyme de calvaire tant les conditions d’existence y sont pénibles.

Ainsi, le salaire du Guinéen moyen suffit à peine à acheter un sac de riz, la monnaie se déprécie, et le peuple trime. Pendant ce temps, le pouvoir organise une oligarchie, "dîne" impunément les fonds publics.

C’est ainsi que dans l’entourage du diabétique Lansana Conté, les faucons se livrent une bataille sans pitié. Cette rivalité farouche entre les dignitaires du régime a valu à Mamadou Sylla, milliardaire et patron des patrons Guinéens, de connaître la prison pour détournement de deniers publics.

Sublime quand on sait que ce richissime homme d’affaires, par ailleurs l’ami personnel de Lansana Conté, pouvait jouir de l’impunité. Mais, c’était sans compter avec les retournements spectaculaires de l’enfant de Wawa, qui est allé en personne à la prison de Coronthe libérer, le 16 décembre 2006, son protégé en clamant haut et fort qu’il est lui-même la justice. C’est justement ce comportement qui a mis le feu aux poudres. Les syndicats se sont mobilisés et ont déclenché une grève illimitée contre la corruption, les détournements de fonds publics, l’ingérence du premier magistrat du pays dans les affaires judiciaires et pour de meilleures conditions de vie et de travail.

Ce mouvement a paralysé le pays pendant plus de deux semaines et provoqué la mort d’au moins 59 personnes.

Une répression barbare des forces de sécurité, qui n’a pas fait reculer l’Intersyndicale des travailleurs, contraignant le président à recevoir ses leaders par l’entremise de son épouse. Les revendications ont d’ailleurs pris une coloration politique puisque les grévistes ont demandé la mise en place d’un nouveau gouvernement. L’accord de "cessez-le-feu" prévoit ainsi "un gouvernement de large consensus, dirigé par un Premier ministre chef du gouvernement... qui soit un haut cadre civil, compétent et intègre, n’ayant été impliqué ni de près ni de loin dans les malversations".

Qui sera ce pompier de service ? Les jours à venir nous situeront davantage. Mais en attendant, l’on pourrait légitimement se demander si la nomination d’un PM à la tête d’un gouvernement de consensus est la solution à l’équation guinéenne. Car, le problème de la Guinée, c’est son président, Lansana Conté, dont seul le départ de la tête de l’Etat pourrait sauver ce pays qui, inexorablement, s’engouffre dans le fin fond des ténèbres. Mais, là aussi, une question reste posée : comment se ferait cette transition sans trop de casses ? Que Dieu sauve la Guinée !

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur

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