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Décorations : "Oui, nous sommes des aigris de la République !"

Publié le lundi 29 janvier 2007 à 07h34min

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L’entretien accordé par le Grand chancelier des ordres burkinabè au quotidien "Le Pays" a fait bondir André Eugène Ilboudo qui n’a pas hésité à prendre la plume pour lui répondre, dans le style qu’on lui connaît.

"Le 18 février 2006, je signais dans l’hebdomadaire Bendré : "Non médaillés de la République, taisez-vous" ! Moins de deux semaines après, le Grand Chancelier se fendait d’une circulaire invitant les présidents d’institutions et autres dignitaires de la République à être plus regardants sur la proposition des récipiendaires.

Dans ses ampliations, il rendait compte au Président du Faso de son action. Mais voilà que le Grand Chancelier vient de faire machine arrière en disant, dans le N° 3795 du quotidien "Le Pays" que ceux qui critiquent cette honteuse distribution sont des aigris et des égoïstes.

C’est vrai que dans l’article en question, tout en félicitant les heureux récipiendaires, je relevais la "honteuse distribution des médailles... à des fraudeurs notoirement patentés, à des délinquants qui sortent de la MACO et vont tout droit recevoir "une médaille du mérite" à la Place de la Nation". Eh voilà que devant le précipice, l’on bondit d’un pas en avant : des personnes reçoivent des médailles et sont presque concomitamment conduites à la MACO.

En pointant du doigt, cette "exception burkinabè", je m’interrogeais sur le cas de bien des personnes qui n’ont jamais été décorées : "Sauf à dire que tous ceux qui ne méritent pas la reconnaissance de la nation, comme nous autres, sont "des jaloux, des aigris". Je ne pensais pas qu’un homme comme le Professeur Ki- Zerbo, qui n’a même pas reçu "l’Ordre national qui récompense le mérite personnel et les services éminents rendus à la nation" mais une "médaille spécifique", donc de sous-ordre, et ce à titre posthume, soit un aigri. La fameuse et dernière médaille ne vient même pas couronner ses médailles mais "allonger une longue liste de reconnaissance mondiale", comme l’a dit sa famille lors de sa décoration posthume.

Pour certains, la médaille ne peut qu’être accrochée à une poitrine que quand elle est "couchée". Maintenant que le Grand Chancelier vient de nous certifier que tout Burkinabè non décoré est un aigri et un égoïste, et qu’il doit, peut-être, attendre d’être "couché" pour que son aigreur prenne fin, en attendant, enchâssons nos nouvelles tuniques.

"Les jamais-décorés comme nous...

De tout ce que le Grand Chancelier a avancé, l’on peut en convenir, sauf... le seul argument qu’il nous sert : "faire confiance à ceux qui proposent les récipiendaires". Autant que nous sachions, la personne qui a reçu la médaille et qui est conduite, de suite, à la MACO n’a-t-elle pas été proposée par une autorité qui, selon le Grand Chancelier, est digne de confiance ?

Voyons-nous, l’argument ne pèse pas le poids d’une médaille spécifique. Non, nous avons en grande estime le Grand Chancelier. Nous respectons l’Institution qu’il dirige. Instituée pour garantir l’éclat des médailles que la République offre à ses fils méritants, la Grande Chancellerie ne peut pas se cacher derrière l’unique argument qui nous demande de vouer une confiance aveugle à ceux qui proposent les récipiendaires.

Certes, il ne propose personne, mais son institution n’est-elle pas en dernier ressort le garant de la valeur de ces médailles ? En quoi peut-on être fier de participer à un choix, d’avaliser un choix qui offre une médaille censée reconnaître le mérite d’une personne sitôt après que la médaille lui a été épinglée, elle est conduite, sirène hurlante, dans la cellule d’une prison ?

Peut-être les jamais - décorés, comme nous autres, sont des aigris. Mais tenons pour vérité établie que parmi les décorés il y a des éthyliques notoires, des absentéistes notoires, des harceleurs notoires de leurs secrétaires, des tireuses notoires de leur patron sur les lieux de leur travail. Et la République qui bruit de ces crapuleux détournements ?

C’est peut-être vrai qu’au Faso tous ces faits sont encensés mieux que d’être aigre et égoïste ! N’eût été que le Président du Faso ait le dos large et sait bien encaisser tous les coups, à ce qu’il paraît, l’on pourrait se demander s’il est heureux de se dédire en moins d’un mois sur une même et unique question : signer un décret pour féliciter et être contraint a résigner un autre décret pour blâmer.

Et d’ailleurs, comme l’occasion fait le larron, en terminant, je remarque que quand le Président du Faso signe, il ne marque jamais son titre dans les ordres nationaux tandis que les moins titrés que lui, même dans le minable encart publicitaire, signent : chevalier, officier... C’est vrai que moins on a de la confiture plus on l’étale, (en est-il ainsi du mérite ?) mais c’est tout cet indécent randam et cette mise en scène grotesque qui ôtent aux médailles de République leur clinquant de valeur.

En tout état de cause, si la distribution des médailles continue dans ce sens, je récidive : oui, je suis un jaloux, un aigri, et un égoïste de la République."

André-Eugène ILBOUDO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 29 janvier 2007 à 17:07, par Bouba En réponse à : > Décorations : "Oui, nous sommes des aigris de la République !"

    Article bien écrit. Rien n’à dire. Nos autorités, de surcroît ceux qu’on respecte le plus, doivent éviter certains propos trop dédaigneux en croyant que les citoyens sont naïfs. Ces mêmes afirmations les rendent ridicules.

  • Le 1er février 2007 à 16:20, par E.Augustin En réponse à : > Décorations : "Oui, nous sommes des aigris de la République !"

    Bien dit mon frere !
    Sous d`autres cieux,une persone qui recoit une telle medaille et qui est conduit en prison quelques jours plus tard sera l`objet d`une enquette pour determiner le comment cela a pu arriver...
    Reconnaitre que l`on s`est trompe est non seulemet humain mais malheureusement ne reconnait pas son erreur qui veut,il faut etre un grand HOMME
    E.Augustin

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