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Négociations UE-Togo : Que vaut la parole de Eyadéma ?

Publié le vendredi 16 avril 2004 à 07h39min

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L’Union européenne (UE) et le Togo ont engagé des
négociations en Belgique pour la reprise de leur coopération
gelée depuis 1993. L’Union européenne reproche au président
togolais, le général Gnansigbé Eyadéma, les dérives
autoritaires de son régime. Eyadéma est au pouvoir depuis 37
ans. Si Lomé met le paquet, soutenu par Paris, pour renouer les
fils du dialogue, en revanche, Bruxelles se montre assez
réservée.

Les négociateurs européens posent un certain
nombre de conditionnalités (bonne gouvernance, élections
transparentes...) que le Togo est loin de remplir. Le régime
Eyadéma saura-t-il donner à ses interlocuteurs des gages
suffisants pour dénouer l’étau autour du pays et bénéficier de
nouveau de l’aide européenne ? Rien n’est moins sûr.

La
prudence de Bruxelles, qui demande un délai d’observation
avant la reprise de son soutien, semble d’autant plus justifiée
que le Timonier de Kara (Eyadéma) est passé maître dans l’art
du louvoiement et la langue de bois.

Après avoir juré sur ses
galons de général en 1999 d’abandonner le pouvoir au terme de
son mandat, le locataire de Lomé II (le palais présidentiel) n’a
pas résisté aux délices du fauteuil présidentiel en se faisant
élire de nouveau en 2003. Une réélection qualifiée de
"mascarade électorale" par bon nombre d’observateurs.

Les
principaux adversaires du général président avaient été écartés
de la joute électorale. Ceux qui y ont été admis se sont vu
refuser de battre campagne à travers notamment des affiches
sur les lieux publics. L’Union européenne, sentant la partie
jouée d’avance, avait refusé d’envoyer des représentants pour
superviser un simulacre de scrutin.

Mais cela n’a pas empêché
Jacques Chirac, avant même la proclamation officielle des
résultats, d’adresser ses "vives félicitations" au général
Eyadéma. Son attitude a écoeuré plus d’un démocrate. Le
président français ne semble pourtant pas en faire un problème.

A preuve, il vient d’adresser, de la même manière, les mêmes
félicitations au président algérien, Abdel Aziz Bouteflika, réélu
avec un score brejnevien de 85%. Et comme si cela ne suffisait
pas, il s’est personnellement déplacé hier à Alger pour "un
déjeuner de travail" avec son homologue alors que l’opposition
crie toujours au bourrage des urnes.

Il est vrai que l’Algérie ,
puissance régionale , est un pays hautement stratégique dans
la bataille que se livrent Français et Américains pour le contrôle
du Maghreb. Quoiqu’il en soit, la France, patrie de la déclaration
des droits de l’Homme et du fameux discours de la Baule, qui
conditionne l’aide au développement au respect des principes
démocratiques, semble avoir sacrifié ces nobles principes sur
l’autel de la realpolitik.

Le président Chirac n’a-t-il pas
récemment défendu à Tunis les vertus "de la démocratie du
ventre", réduisant ainsi uniquement les besoins africains à la
seule possibilité de manger, boire et dormir ? La liberté
d’expression et la capacité de s’autogérer sont "un luxe pour les
Africains".

Dans tous les cas, sans le soutien de la France, il
était impensable pour le Togo, négation même du droit,
d’amorcer un quelconque processus de négociation avec les
institutions de Bruxelles.

Paris justifie sa position par le fait que le gel de la coopération
pénalise davantage les populations que les dignitaires du
régime. Soit. Mais où iraient
les millions d’euros de l’Union européenne si les négociations
aboutissaient ?

Avec la corruption, la mal gouvernance, la
gestion patrimoniale des deniers publics et l’impunité ambiante
à Lomé, tout porte à croire que les populations ne récolteront
que des miettes. Manifestement, Paris cherche à se donner
bonne conscience pour justifier sa relation incestueuse avec le
pouvoir togolais.

Un pouvoir qui a pris l’engagement de travailler
à la promotion des droits humains et à organiser de nouvelles
élections législatives "dès que possible". Mais que vaut ces
engagements pour un général qui a déjà trahi sa parole ?
L’Union européenne, qui semble bien connaître l’homme, est
circonspecte.

Elle pense, et à juste titre, qu’il est encore trop tôt
pour évoquer une éventuelle reprise de l’aide avec ce régime.
La nature du pouvoir togolais, avec une administration payée à
la carte, une armée tribalisée à l’extrême et un verrouillage de
toute alternance politique
, est telle qu’on ne peut attendre grand-chose des négociations
en cours.

A moins que la France, qui dispose d’un poids certain
au sein des quinze, tente un passage en force pour imposer
ses vues. Et au rendez-vous de l’histoire, Eyadéma ne sera
certainement pas seul comptable du drame togolais.

"Le Pays"

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