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Incidents entre militaires et policiers : Ces AK 47 qui ouvrent les coffres de la République

Publié le vendredi 19 janvier 2007 à 00h00min

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Au-delà du rituel et de la solennité, parfois même de la banalité qui entourent habituellement ces cérémonies, si cette année il y a des présentations de vœux qui étaient particulièrement attendues, c’était, à n’en pas douter, celles des ministères de la Sécurité et de la Défense. Les premières ont eu lieu le vendredi 05 janvier 2007 (cf. L’Observateur paalga n°6799 du lundi 8 janvier 2007).

On avait alors vu un Djibril Bassolé, kélémassa sous ses dehors de hèrèmassa, proclamer d’un air martial qu’on ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle.

A qui cette objurgation était-elle adressée ? Venant en tout cas après les violents affrontements entre militaires et policiers (1) des 20 et 21 décembre 2006, ces propos guerriers avaient en tout cas de quoi inquiéter et étonner à l’heure où le temps était à l’apaisement.

Sans doute était-ce la manifestation des états d’âme du poulet saigné comme des lapins de garenne, mais les discours que l’on a entendus ce jour-là étaient susceptibles de jeter de l’huile sur un feu qui n’était pas encore tout à fait éteint.

Si les policiers sont aussi martiaux, que seront maintenant les militaires ? C’est la question que l’on était en droit de se poser.

La réponse, on l’a eue le mercredi 17 janvier dernier au Mess des officiers où le département de la Défense avait à son tour ses vœux (2).

Une fois n’est pas coutume dans ces manifestations où les allocutions sont souvent soporifiques et la langue de bois de rigueur, on a eu droit, reconnaissons-le, à de bons discours, d’abord du secrétaire général du ministère, Mamadou Barry, ensuite et surtout du ministre Yéro Boly qui a sonné tout de suite la charge, comme pour montrer la gravité de la situation.

En fait, pour l’essentiel, on a entendu ce que l’on savait déjà, en l’occurrence que l’ordre et la discipline foutent le camp, que la frustration est générale au sein de la troupe, qu’il y a un relâchement aux différents niveaux de la chaîne de commandement, que les conditions de vie des soldats ne sont pas toujours faciles...

Pour autant, a martelé "Yéro la bagarre" comme dirait notre confrère JJ, "Rien ne justifie de prendre les armes pour résoudre un problème" parce que, a-t-il poursuivi, "L’arme ne peut être un outil de dialogue...".

En fait, ce n’est pas tout à fait exact, car le moins que l’on puisse dire, c’est que le flingue donne, aide à réfléchir plus rapidement et il peut être d’une efficacité redoutable.

La preuve, c’est le même Yéro Boly qui nous l’a administrée, car si dans son laïus, des officiers aux hommes du rang en passant par les sous-officiers, chacun en a eu pour son grade, il a aussi et surtout annoncé séance tenante un train de mesures déjà prises ou en voie de l’être pour soulager les maux des bidasses. Citons :

- le régime du volontariat pour l’adhésion à la mutuelle (même si c’est regrettable pour une institution comme l’Armée qui doit être la première à faire preuve d’esprit mutualiste) ;
- l’octroi du "prêt-franc" à tous les soldats non logés en caserne ;
- la dotation en parka ;
- l’augmentation de la prime globale d’alimentation avec un meilleur suivi de la gestion de l’ordinaire ;
- la hausse des indemnités de logement et des charges militaires pour certaines catégories ;
- l’accroissement du taux d’avance de solde pour toutes les catégories ;
- la construction d’infrastructures dans les différentes régions militaires, etc.

Comment nous convaincre dans ces conditions, monsieur le ministre, que le AK 47 (plus connu sous le nom de kalachnikov) n’est pas un outil de dialogue, s’il peut donner d’aussi bons résultats en si peu de temps ?

De quoi faire pâlir de jalousie le général Tolé Sagnon et son armée de travailleurs civils aux mains nues qui, plus que la soldatesque, sont frappés de plein fouet par des conditions de vie et de travail difficiles. Mais ils ont beau aller en grève, marcher, tenir des meetings, inonder les médias de déclarations, les autorités n’en ont cure.

Tout au plus consentent -elles à lâcher quelques miettes de temps à autres pour calmer les ardeurs des croquants, comme ce fut le cas il y a environ un semestre.

Alors que là, il a suffi que les jeunes gens fassent parler la poudre pour que Blaise Compaoré, qui est quand même sorti de leurs rangs, ne l’oublions pas, tel un magicien sorte un lapin de son chapeau par on ne sait quel tour de passe-passe.

Car si cette rafale de décisions annoncées triomphalement n’a pas été dûment chiffrée, on n’a pas besoin d’être particulièrement futé pour savoir que ça va coûter de l’argent, et donc que les incidences budgétaires seront lourdes de conséquences.

Alors question : y avait-il de l’argent et on faisait semblant de ne pas entendre la colère qui sourdait des rangs ou bien l’Armée étant une institution entièrement à part, son chef suprême va se débrouiller pour pourvoir au garba ?

En tout cas, une chose est sûre, si l’arme n’est pas un outil de dialogue, son langage est universel et il est vite compris par tous les interlocuteurs.

Quelque part donc, les frondeurs de décembre 2006 auront eu gain de cause et c’est tous leurs frères d’armes qui vont à présent profiter de leur audace, même s’il n’est pas sûr qu’ils puissent en jouir, dans la mesure où leur carrière semble être en pointillés.

En effet, Yéro Boly a certes distribué des carottes, mais il a aussi assené des coups de bâton puisqu’il a prévenu que le traitement du dossier sera poursuivi pour situer les responsabilités du commandement d’une part et permettre aux autorités judiciaires compétentes de dire le droit d’autre part.

Au fait, pour les civils qui ont été tués, volés, brigandés, molestés, à qui doit-on s’adresser ?

Pierre Tapsoba

Notes :

1- Les affrontements ont fait trois morts du côté des militaires et deux à la police.

2 - Les deux cérémonies de présentation de vœux étaient initialement prévues le même jour, avant que le ministère de la Défense ne décide du report de la sienne.

L’Observateur Paalga

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