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Guinée : Où est passé le devoir d’ingérence ?

Publié le vendredi 19 janvier 2007 à 06h48min

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Lansana Conté

Cette interrogation ferait certainement jaser, bondir de leur chaise, plus d’un Occidental et d’un Africain. Alors que l’ingérence occidentale dans les affaires intérieures des pays africains est de plus en plus critiquée, décriée, condamnée par les peuples africains, comment cette question peut-elle effleurer l’esprit ?

Anachronique, dirait-on, et une telle idée ne devrait même pas connaître un début de conception dans aucun esprit sensé. Seulement voilà, l’ingérence dont il est question ici n’est pas de type militaire, sur fond de capture d’un chef d’Etat africain souverain, comme ce fut le cas de l’ancien président du Panama, Manuel Noriéga, pris comme un rat à la suite d’un débarquement de forces spéciales américaines, puis extradé aux Etats-Unis où il fut condamné en 1992.

Non, il ne s’agit pas de ce type d’ingérence. Mais plutôt d’une ingérence sous la forme de pressions diverses destinées à amener un régime vermoulu et aux abois, à entendre raison, à prêter l’oreille aux cris de détresse d’un peuple souffrant et littéralement désorienté.

Il s’agit d’interpeller Lansana Conté sur ses travers, ses balourdises et ses crétineries, à travers des pressions morales, diplomatiques, etc.

Le peuple guinéen étant dans l’oeil d’un cyclone qui n’est pas près de s’estomper, un devoir d’ingérence en Guinée s’impose assurément de la part de la communauté internationale. Elle doit entendre les cris de détresse du peuple guinéen, accepter de se pencher enfin au chevet d’une Guinée aussi malade que son ubuesque général-président, Lansana Conté. Il est vrai qu’on le savait fougueux, vulgaire, impétueux, insolent, boulimique du pouvoir et jaloux de son autorité.

Mais cette fois, le président dictateur - même si les Occidentaux se sont jusque-là, soigneusement gardés de lui coller un tel attribut -, a poussé le bouchon un peu trop loin. Lansana Conté aurait-il perdu la tête ? En tout cas, ses récents propos face à ses interlocuteurs, au devant des scènes contestataires qui continuent de paralyser le pays, ne sont pas loin de l’image d’un chef d’Etat qui a dépassé les bornes, qui pis est, semble avoir pété les plombs ! Pour emprunter une expression courante en Afrique, le bidasse guinéen a "versé le visage de la Guinée et au-delà, celui de l’Afrique tout entière, par terre !" Menacer en effet de "chicoter" ses vis-à-vis qui s’étaient adressés à lui en vue de trouver une issue négociée à la crise sociale qui secoue en ce moment le pays, les congédier aussitôt qu’il a fini d’assener ses vérités sans leur serrer la main, n’est pas digne d’un chef d’Etat, fût-il africain.

On verrait mal un dirigeant occidental descendre si bas. Pas plus qu’on verrait certains chefs d’Etat africains tenir de tels propos. Même dans leur ultime manoeuvre pour la conservation d’un pouvoir qui leur filait de plus en plus entre les doigts, nombre de dictateurs africains avaient quand même eu le souci, sinon le scrupule de conserver leur respectabilité. A la question posée par un professeur à un étudiant d’une prestigieuse école française, "quelles sont les matières premières de l’Hexagone ?" , ce dernier a répondu : "l’Afrique et les Africains".

Une anecdote qui, certes, peut prêter à sourire, mais qui traduit une dure réalité : l’Afrique, scandale géologique dans son ensemble, continuera davantage à être pillée tant que des présidents impopulaires et contestés, des potentats, véritables relais des intérêts occidentaux, troqueront les richesses de leur Etat contre la garantie de leur fauteuil par les puissances occidentales.

La même question aurait pu d’ailleurs s’adresser à bien d’autres pays occidentaux passés maîtres dans l’art du pillage systématique des ressources du continent, pour l’abandonner ensuite à ses propres errances. Et qui casque après ce dépeçage en règle ? Le peuple, toujours à scruter l’horizon d’un avenir incertain. Qu’est-ce qui fait courir les investisseurs étrangers en Guinée ?

Tout le monde le sait, ce pays est bourré de ressources naturelles, notamment la bauxite. Mais ce qui est moins connu, c’est la chape de plomb que fait peser le pouvoir Conté sur la Guinée. Un sujet que les pouvoirs occidentaux semblent manifestement s’employer à ignorer. Motus et bouche cousue semble être la règle pour tous.

Tout laisse croire que les populations auront beau étaler leur désespoir, manifester leur mécontentement et crier à la face du monde leur ras-le-bol, tant que leurs intérêts seront sauvegardés, rien ne bougera ! Car, rien, ou presque, ne semble fait pour contraindre le président Conté à la reculade. Jacques Chirac ne s’était-il pas lui-même attiré les foudres d’une large opinion publique africaine, quand il s’était empressé de féliciter Lansana Conté avant même le terme d’une élection qui avait par la suite été très contestée ?

Cela étant, que deviennent l’élite et l’opposition guinéennes dans tout cela ? Ont-elles la bouche pleine, au point qu’elles ne puissent plus donner suffisamment de la voix ? Ou bien ont-elles été finalement neutralisées par le régime répressif guinéen ? En tout cas, dans ce singulier contexte guinéen, il faut saluer, comme nous l’évoquions dans notre rubrique hebdomadaire, "La semaine de Raogo" (dans notre livraison du 11 janvier 2007), le courage et la pugnacité d’une femme, Rabiatou Serah Diallo, secrétaire générale de la Conférence nationale des travailleurs de Guinée. Une grande dame qui a tout simplement le sens du sacrifice.

"Le Pays"

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