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Nigéria-Mali-Sénégal : Elections en eaux claires-obscures

Publié le jeudi 18 janvier 2007 à 07h56min

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L’Ouest-africain connaîtra une année électorale chargée avec les élections présidentielles au Nigéria, au Mali et au Sénégal. Si dans les deux derniers pays, le scrutin devra se dérouler sans heurts avec une issue prévisible dans le cas du Mali, au Nigéria, « l’irrédentisme » qui a cours dans le « Niger State » n’est pas loin de ressembler à un remake en miniature de la Sécession biafraise.

La faute à des candidats manquant de carrure, voire de légitimité et à la volonté des sudistes de redistribuer les cartes politiques.

Le 25 février prochain, le président sénégalais Abdoulaye Wade remettra son titre en jeu. L’ex plus vieil opposant africain qui avait sorti sans coup férir, Abdou Diouf du palais de l’Avenue Roume, n’aura pas la partie belle cette fois-ci, pour, cause de bilan économique mitigé et de la volonté (théorique ?) de l’opposition de faire bloc pour lui barrer la route de la présidence.

Sur le premier point, il faut dire que Wade, qui avait été élu sur la base d’une plate-forme pragmatique et volontariste (grands travaux, « boostage » de l’agriculture, lutte contre le chômage) n’a pas transformé l’essai, laissant pratiquement, la demande sociale en l’état.

Conséquence, la base sociale du « Sopi » (changement en wolof) s’est effritée, avec une jeunesse de plus en plus désabusée et des paysans qui continuent de subir les affres de la mondialisation par le biais d’un effritement du cours de l’arachide, sa principale source de revenus.

Et, comme la coalition politique qui l’avait porté au pouvoir a éclaté, elle aussi et qu’au sein même du Parti démocratique sénégalais (PDS), la mise à l’écart d’Idrissa Seck continue de faire des vagues, le vieil avocat n’en mène pas large. Même s’il peut compter sur un ex-baron du Parti socialiste comme Djibo Ka, la partie s’annonce rude, surtout si l’opposition ne se désunit pas.

On peut compter sur Wade pour y ouvrer, surtout que des « maillons faibles » existent au sein de cette opposition et que les inimitiés y sont fortes. Moustapha Niasse de l’AFP (Alliance des forces du progrès) et Ousmane Tanor Dieng, « champion » du parti socialiste ont un vieux contentieux datant de l’époque d’Abdou Diouf ce qui pourrait fractionner les voix de l’opposition.

C’est-à-dire, que les jeux seront ouverts au pays de la Teranga, contrairement à celui du « Djatiguiya » (le Mali) où Amadou Toumani Touré (ATT) est bien parti pour se succéder à lui-même. Nonobstant les critiques violentes dont il est l’objet pour sa gestion de la dernière crise touarègue (certains lui reprochent d’avoir « capitulé » face aux rebelles) et des reproches qui lui sont faits sur sa politique sociale (Habitat, notamment), l’unanimisme politique joue en sa faveur.

En dehors du président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boubakar Keïta (IBK) qui a indiqué qu’il se présenterait le 29 avril prochain contre ATT, tous les autres leaders politiques (Choguel Maïga, Mountaga Tall) sont entrés dans le rang. Quant à Soumaïla Cissé, il « gère » pour l’heure, l’UEMOA et semble un peu en décalage par rapport aux contingences politiques maliennes.

Le Nigéria dans l’oil du cyclone ?

Du coup, les tracts qui fleurissent à Bamako et qui parlent « d’Atratie » en rapport avec la gestion des Habitations à loyer modéré (HLM) et de l’octroi des postes dans la haute administration ont peu de chance de prospérer.

ATT sur un boulevard, et Wade sur un chemin de campagne reste l’équation nigérianne dont la résolution promet d’être autrement plus corsée. Obasanjo écarté pour « raison constitutionnelle », le candidat du People Démocratic Party (PDP), Ibrahim Yar Adua ne fait pas l’unanimité au sein du parti et pire, au sein de la population, principalement des sudistes qui pensent que leur tour est venu de gérer le « gâteau » nigérian. Le gouverneur de l’Etat de Katsina ne jouit donc pas de toute la légitimité requise, pas plus que son rival, l’ancien président Muhammad Buhari, accablé des mêmes « tares » par une partie de la population.

En fait de légitimité, c’est la redistribution de la rente pétrolière qui pose problème, le Sud d’où est extrait l’essentiel de l’or noir nigérian s’estimant lésé dans le partage. Derrière les bandits qui prennent en otage les hauts cadres des compagnies d’exploitation et sabotent les infrastructures pétrolières, faisant perdre au pays, un quart de sa production journalière, se trouvent souvent des leaders d’opinion, désireux de hâter la redistribution des rôles.

Et comme les Nigérians ne veulent plus d’un militaire au pouvoir (surtout pas de Babanguida qui a pourtant la « surface » requise), on s’achemine vers une fracture entre nordistes et sudistes. L’hypothèse n’est pas farfelue, surtout que la sécession biafraise avait été réglée au forceps avec une communauté internationale pressée de réexploiter la manne pétrolière et peu soucieuse des états d’âme des uns et des autres. Le feu couve sous la cendre et l’état d’esprit actuel pourrait le rallumer.

C’est dire qu’une refondation politique et sociale est indispensable pour éviter au géant ouest-africain de renouer avec ses vieux démons. L’ancien ordre politique où la haute hiérarchie militaire, essentiellement nordiste, faisait et défaisait les rois, est desuet au regard des aspirations démocratiques de plus en plus fortes des peuples africains. Ciel obscur et chargé donc que celui du Nigéria dont l’éruption cutanée n’est pas souhaitable au vu de ses effets incalculables sur une Afrique où la pauvreté indigne, et de mauvais systèmes de gouvernements sont un terreau fertile pour le terrorisme, le crime organisé et les maladies endémiques.

Boubakar SY

Sidwaya

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