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CONSTITUTION : Civiliser les débats passionnés sur l’article 37

Publié le mercredi 14 avril 2004 à 22h32min

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A lire attentivement l’article de monsieur Traoré Sayouba paru dans l’Observateur paalga du mardi 24 février 2004, on est tenté de lui répondre pour espérer améliorer ultérieurement le niveau des débats, qui par ailleurs semblent ne plus être nécessaires car les uns et les autres sont maintenant suffisamment éclairés par les différentes prestations dans les journaux.

Aussi, même si les débats sont teintés de passion, ils devraient garder une certaine hauteur de vue, une certaine politesse et une certaine courtoisie. En effet, les observations suivantes peuvent être formulées sur ledit article.

L’article est plutôt méprisant, injurieux que démonstratif

La méthode des bâtonnets utilisés de manière pédagogique dans le temps par des enseignants respectueux de leur métier et animés de la volonté de communiquer leurs connaissances aux futurs bâtisseurs du pays a connu un très grand succès et reste encore gravé dans nos mémoires. C’est le cas ici de rendre hommage à tous ces braves enseignants qui ont permis à beaucoup d’entre nous d’avoir aujourd’hui un esprit logique et critique.

Mais il convient d’ajouter que ces enseignants avaient un rôle d’éducateurs complets qui leur a permis de nous transmettre aussi entre autres la courtoisie, l’humilité et le respect d’autrui.

C’est en cela que le sieur Traoré aurait dû puiser en plus de la démonstration par les bâtonnets, car son texte pêche par ces défauts, ce qui annihile tous ses efforts mis avec passion pour démontrer mathématiquement que le président Blaise Compaoré ne doit plus se présenter ou se représenter. Nous reviendrons sur cette démonstration, mais les aspects méprisants ou injurieux de son texte semblent mériter une mise au point.

- Les révisions constitutionnelles sont des politicailleries ou mieux des "politiracailleries"

Les révisions de la Constitution sont des actes légaux dont les objectifs sont la recherche d’une meilleure adéquation de celle-ci avec les vicissitudes de la vie politique. La Constitution, comme toute loi est vivante et évolutive dans le sens de son perfectionnement ou de son abandon. Les procédures de révision de la constitution sont consignées dans les articles 161 à 165, et les acteurs qui font ce travail de révision ne sont pas choisis au hasard ou par sectarisme partisan.

C’est un travail collectif, d’équipe et ce serait manquer de mesure et de respect que de les qualifier de politicailleries ou de racailles politiques dans l’acceptation du sens de politiracaillerie. Si le premier mot signifie politique basse, mesquinerie selon le dictionnaire, le deuxième mot quant à lui n’existe pas encore dans le dictionnaire, sinon dans la langue fransaise.

L’expression "politiracaillerie" semble être une simple invention de monsieur Traoré, à moins qu’il ait emprunté le terme chez une autre personne, et à mon avis, tout son article dans le journal a été monté pour nous apprendre ce "nouveau mot" de son vocabulaire argotique.

Quand on connaît le sens de racaille, si l’expression "politiracaillerie" veut signifier "racaille politique", je ne pense pas me tromper qu’il s’agit de proférer des injures et du mépris à l’équipe qui a révisé la Constitution, dans laquelle figuraient certainement aussi les amis politiques de monsieur Traoré. Traiter ainsi ses propres amis, ou mêmes de simples citoyens qui ont accompli un devoir plutôt technique que politique, c’est manquer de sérieux et de probité intellectuelle en politique.

Et je pense que cette attitude n’est pas digne de ceux qui prônent le changement, l’alternance politique et vraisemblablement ils ne feront pas mieux que ceux qui sont à l’épreuve. Il est démontré qu’on est généralement plus joueur quand on est spectateur dans les gradins qu’acteur sur le terrain.

- Les "convaincus"du CDP

Pour terminer son message, monsieur Traoré revient avec aigreur à la charge pour signifier en terme ambigu et énigmatique, qu’au sein du CDP, il y a des cons vaincus et non des convaincus.

Le CDP est un parti responsable et soucieux du respect des autres partis dans l’intérêt bien compris de la recherche et du développement de la démocratie et de la sauvegarde des intérêts majeurs de notre peuple. Il ne faut pas confondre l’humilité de ses dirigeants avec une quelconque faiblesse de leur part. Il n’y a pas de cons au CDP, encore moins des cons vaincus. Si monsieur Traoré veut vraiment se montrer créatif par ces genres de mots, je le conseille d’y ajouter la modestie et le respect de ceux qui ne pensent pas comme lui. Le respect des différences est un des fondements principaux de la démocratie dont nous recherchons tous.

Un mandat + un mandat = 4 mandats - 2 mandats

Je reste pour ma part convaincu que le président Compaoré est le président de tous les Burkinabè, et qu’il aura le droit comme tout Burkinabè de se présenter conformément à l’esprit de la Constitution ou le devoir de se représenter conformément à la volonté de l’ensemble des militants de son parti. La logique arithmétique de "1 bâtonnet plus 1 bâtonnet égalent 2 bâtonnets" est bien connue, mais à bien lire les mutations de la Constitution et à bien appréhender les droits de chacun, ce n’est pas cette logique qui s’applique à la situation actuelle, et puisque la solution veut qu’on trouve 2 bâtonnets, on peut aussi en calculer autrement : "4 bâtonnets moins deux bâtonnets égalent 2 bâtonnets", 4 mandats moins 2 mandats = 2 mandats.

Dans tous les cas, la solution est la même, c’est-à-dire 2 bâtonnets comme chez Monsieur Traoré, mais la façon d’aboutir à la solution n’est pas identique, et celle de Monsieur Traoré ne tient pas compte du contexte et des paramètres du problème posé. Si nous nous accordons sur ces solutions "bâtonnétiques", on pourra dans 10 ans, puisqu’un bâtonnet = 5 ans, trouver une nouvelle formule qui tiendra cette fois-ci compte du développement économique propulsé par la stabilité et la paix du régime Compaoré. A propos, on pourra dire que la longévité au pouvoir de tout président élu par les urnes tend vers X, (X étant sa durée de vie) quand le taux de croissance économique tend vers 2 bâtonnets, c’est-à-dire 10.

En économie, ça sera enfin le miracle burkinabè. C’est dire donc que ce sont les actions du pouvoir en matière de développement économique et de lutte contre la pauvreté qui détermineront sa pérennité et sa finalité. Le développement économique se fait généralement dans la stabilité certaine d’un régime, que dans l’alternance incertaine d’une démocratie probable des temps nouveaux.

L’infantilisme ou la volonté aveugle de puissance nous donne droit souvent à des combats de coqs meurtriers pour le peuple confronté à un éternel recommencement ou à un "renouveau" pour parler comme un sage papa. Louons tout de même le courage de M Traoré pour avoir exposé ses inquiétudes, ses angoisses et sa logique dans la compréhension de la loi fondamentale révisée. Cela est un indice de démocratie.

En effet, le président actuel du Faso peut-il se présenter ou se représenter ? La question ne semble plus d’actualité, et même si le Conseil constitutionnel tranchera s’il le faut en temps opportun, en attendant, les errements des non-spécialistes sont admis dans notre régime de démocratie libérale, et osons espérer que d’ici 10 ans, le développement économique permettra à M. Traoré de ne plus calculer avec des bâtonnets, mais avec des calculatrices, voire même des ordinateurs, surtout pour mesurer la longévité optimale du pouvoir d’un président qui sert son peuple comme il peut dans une multitude de contraintes sociales, politiques et économiques.

Zéphirin Toé François (ZTF)

Liberté de penser

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