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Casamance : Le processus de paix orphelin de "Papa Koulimpi"

Publié le mardi 16 janvier 2007 à 08h39min

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Abbé Augustin Diamacoune

Alors qu’il étrennait la robe de la prêtrise en avril 1956, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor savait-il seulement qu’un quart de siècle plus tard, il prendrait la tête du mouvement irrédentiste casamançais ?

Sans doute pas, mais toujours est-il que lors de son ordination, il a pris, en principe, entre autres, comme règles de son sacerdoce : le dialogue et surtout la paix. Des principes dont il a eu besoin puisque dès décembre 1980, il jetait un gros pavé dans les eaux passablement troubles de Ziguinchor, en réclamant l’indépendance de la région, dans des lettres envoyées au président sénégalais de l’époque, Léopold Sédar Senghor.

L’embryon de ce qui allait donner naissance au mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) venait de prendre corps et verra le jour officiellement en 1982. A l’époque, à coup de brûlots et de marches de protestations, les militants du MFDC dénoncèrent les avantages accordés par les autorités aux "nordistes", entendez ceux de Dakar et d’autres villes qui venaient s’installer en Casamance, au détriment des "résidents" d’origine.

C’est justement au cours d’une marche à Ziguinchor le 26 décembre 1982 que les séparatistes tentèrent de descendre le drapeau sénégalais au palais du gouverneur pour en hisser un blanc et que les choses se gatêrent, puisque s’en suivirent la mort tragique et l’arrestation de plusieurs manifestants. Avec comme conséquences, la radicalisation du mouvement, qui passa à la lutte armée et son premier "militaire" fut, en 1984, Sidy Badji qui fonda "Atika" (la flèche en Diola).

Embastillé alors, l’abbé Diamancoune Senghor n’en demeurait pas moins la figure emblématique du MFDC. Il n’avait pas changé de ton et maintenait mordicus ses positions, épousant même la voie des armes, empruntée par Badji pour l’obtention de l’autonomie de la Casamance.

Du reste, entre 1995 et fin 2004 (année de la signature de l’accord de paix), le prêtre restera en résidence surveillée à la direction diocésaine des œuvres catholiques de Ziguinchor. Jusqu’à son décès à l’hôpital du Val-de-Grâce (Paris) dans la nuit du 13 au 14 janvier dernier, il est resté président, d’aucuns parlent de "président d’honneur" du MFDC, malgré les scissiparités dont a souffert le mouvement.

A présent, la grande interrogation demeure le devenir de la paix dans cette région où malgré une relative accalmie, tout semble indiquer qu’on est en présence d’une paix fourrée.

En effet, si dès son installation à la présidence, Abdoulaye Wade avait promis qu’il réglerait le problème casamançais au plus vite, il est rapidement revenu à la réalité et il faudra attendre le 30 décembre 2004, pour voir la signature d’un "accord général de paix" devant mettre un terme au conflit indépendantiste de Casamance. Du reste, des négociations devaient débuter en fin 2005, qui ont été reportées en 2006, puis sine die.

Un accord qui, comme on s’en rendra compte, n’est pas totalement respecté sur le terrain, puisque des combats sont signalés de temps en temps dans la région, faisant toujours des victimes, sans oublier les mines anti-personnel, dont l’enlèvement devient de plus en plus un véritable serpent de mer.

En fait, l’accord de fin 2004 bute sur un homme : Salif Sadio qui, depuis quelques années, dirige l’aile dure du MFDC.

Déjà du vivant de l’abbé Diamancoune, Sadio avait refusé de dialoguer avec les autorités sénégalaises, préférant toujours le dialogue du "maquis". Certes, il a subi une hémoragie au sein de ses rangs avec les attaques conjuguées des armées sénégalaise et bissau-guinéenne, mais avec l’aide ou du moins la bienveillance des autorités gambiennes, Sadio se refait des forces.

Des autorités gambiennes qui, soit dit en passant, donnent un coup de main à Sadio, en représailles au putsch manqué en mars 2006 contre Yayah Jameh, putsch dans lequel serait impliqué l’ambassadeur du Sénégal à Banjul, "rappelé depuis quelques mois à Dakar pour consultation", et remplacé par un autre.

"Papa Koulimpi" comme l’appellent les Ziguinchorois mort, manifestement, le processus de paix est grippé, car il avait opté pour la "voie pacifique" et était devenu "le fédérateur du MFDC". Fini donc l’unicité du commandement, qui était déjà mis à rude épreuve par la branche armée.

Ainsi, on se rappelle qu’alors que l’abbé Diamancoune était entre la vie et la mort à Paris, le président du Conseil régional de Ziguinchor, Oumar Lamine Badji, était assassiné à Sindian. Un meurtre que l’on a vite fait de mettre sur le dos du MFDC, le défunt étant un vieux compagnon d’Abdoulaye Wade (Wade a promis une prime de 50 millions à qui retrouvera ses assassins) et dont le discours tranchait avec la langue de bois.

Quelques jours avant ce crime non encore élucidé, des membres du MFDC étaient arrêtés à Dilacoune, pour activités séditieuses, ce qui a étonné l’un des responsables du mouvement, Abou Elinkine Diatta, qui affirmé que "Le MFDC a été reconnu par les autorités, alors, il peut mener des activités en toute légalité".

Quoiqu’il en soit, la paix, qui était déjà fragile, vient, avec le décès du célèbre prêtre, de recevoir un coup de canif, même si depuis quelque temps, le chef de l’Etat a adopté une autre méthode pour résoudre la problématique casamançaise : le pape du sopi veut maintenant négocier avec des sages de la région qui ont une certaine réputation et de l’ascendant sur les maquisards.

On pense notamment à l’architecte Pierre Goudiaby Ateppa ou à Robert Sagna, grande personnalité du PS. Encore faut-il que les autorités sénégalaises sachent avec quel interlocuteur discuter. En effet, une sourde guerre de succession, qui faisait déjà rage du vivant de l’abbé Diamancoune, verra sans doute le jour.

Entre Mamadou N’Krumah Sané, exilé en France, représentant du MFDC à l’extérieur et Jean-Marie Biagui, désigné, lui, par le défunt à ce poste. Autrement dit, il faut une paix au sein même du mouvement, avant la paix avec les autres. Ce qui est aussi loin d’être fait que de la coupe aux lèvres.

Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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