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Baba Hama (FESPACO) : “A la date du 24 janvier, nous aurons proclamé les résultats des différentes sections en compétition”

Publié le mardi 16 janvier 2007 à 12h49min

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Baba Hama

La XXe édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a lieu dans un mois (24 février au 3 mars 2007). Evénement grandeur nature pour le pays des Hommes intègres et vitrine du cinéma africain, le FESPACO est, selon son délégué général, Baba Hama la carte de visite du Burkina Faso.

Il nous entretient sur les préparatifs de cette XXe édition, les grandes innovations et l’avenir même du cinéma africain.

Sidwaya (S.) : Comment vont les préparatifs du FESPACO 2007 ?

Baba Hama : (B.H.) : Nous sommes à la phase finale à deux niveaux. Au niveau de la sélection des films, nous avons déjà examiné les 99 films inscrits sur support 35 mm. Nous avons aussi examiné au moins 90% des 223 films inscrits dans la section TV vidéo. C’est vous dire qu’à la date du 31 janvier, date butoir pour l’inscription des films, nous avons reçu 99 films support 35 mm pour la projection et 223 dans la section vidéo. Le Festival comporte deux grandes sections, à savoir : la section film (long métrage, court métrage, fiction) et la section TV vidéo professionnelle qui comporte également des fictions, des séries et des sitcoms.

Le comité de sélection chargé de visionner toutes les œuvres au fur et à mesure qu’elles arrivent, nous permettra de retenir environ 20 longs métrages pour la compétition, 20 courts métrages, une dizaine de films documentaires en compétition (une des innovations) et au niveau de la TV vidéo également, une vingtaine d’œuvres de fiction en compétition et une quinzaine dans la section séries et sitcoms. Ce travail-là n’est peut-être pas la partie visible du travail du comité d’organisation. Je puis vous dire qu’à la date du 24 janvier, nous aurons proclamé les résultats des différentes sections en compétition.

Il y a un volet de rencontres professionnelles en préparation. Nous avons prévu pour cela plusieurs rencontres, notamment un colloque international sur le thème, “Cinéma africain et diversité culturelle”. Toutes les invitations ont été envoyées ainsi que les appels à propositions pour les communications. Il ne reste plus qu’à organiser les différents voyages des participants. Nous avons prévu un panel sur le thème, “Cinéma populaire, cinéma d’auteurs africains”. D’autres panels vont avoir lieu et portent sur des thèmes tels que “La musique de films”, “Le rôle des professionnels africains du cinéma et de l’audiovisuel dans la promotion de la santé de la reproduction”, “Le cinéma numérique”.

Nous préparons par ailleurs, des masters class (une innovation) pour ouvrir une fenêtre sur la jeunesse. Il y a de moins en moins d’écoles de formation et de plus en plus un certain nombre d’acteurs du cinéma africain sont formés sur le tas, mais à l’instar d’autres festivals, nous pensons que les masters class permettront à des professionnels confirmés de partager leurs expériences sur des secteurs particuliers sur le plan technique (réalisation, photos) avec des jeunes.

Au jour d’aujourd’hui (11 janvier 2007), il ne nous reste plus qu’à organiser le voyage et le séjour de ceux et celles qui vont animer ces différentes rencontres. Un troisième volet concerne celui festif, c’est-à-dire tout ce qui concerne l’animation culturelle. La commission chargée de cela a déjà reçu pas mal de propositions que ce soit d’artistes-musiciens ou plasticiens, etc. Une sélection est en train d’être faite.

Nous avons enfin, le volet exposition-rue marchande. L’Office national du commerce extérieur (ONAC) a lancé dans les journaux, des appels pour l’occupation des stands. Pour cette édition, la particularité à ce niveau est que nous allons retenir trois lieux-phares. Il y a d’abord, la place de la Nation, espace très ouvert qui va accueillir l’essentiel de la rue marchande (exposition des objets d’art et autres articles), l’enceinte de la Maison du peuple sera réservée à la gastronomie et enfin, la cour du siège du FESPACO sera un endroit à la fois de détente et d’animation culturelle.

Les festivaliers auront alors sur l’axe Avenue du Kadiogo-Avenue Nelson Mandela, une série d’endroits pour l’animation culturelle et de l’animation musicale que des partenaires nous ont proposés. Du point de vue de la participation, tout le travail de demande de quotas de chambre, de places au niveau des compagnies aériennes a été fait et il ne reste que la mise en route pour faire en sorte que le 24 février 2006, nous puissions démarrer la fête.

Pour ce qui concerne les cérémonies d’ouverture et de clôture, nous aurons un spectacle événementiel qui mettra l’accent sur la richesse et la diversité culturelle, les expressions artistiques culturelles africaines plus que sur les concerts. Et cela pour répondre un peu au thème que nous avons choisi. Nous prévoyons l’invitation de troupes de danse venant de Haïti. Nous aurons une chorégraphie particulière qui mettra en scène des fantasia, des chevauchées, bref un spectacle féerique habillé en sons, en lumière et en laser.

S. : Etes-vous à jour dans l’acquisition de votre budget ?

B.H. : Tout ce qui concerne le volet professionnel (participation des professionnels, voyage, séjour, transport des copies des films, organisation des colloques), il n’y a aucun souci à ce niveau, le budget est bouclé dans la mesure où tous les partenaires que nous avons sollicités (Union européenne, Organisation intergouvernementale de la Francophonie, UNESCO, Pays-Bas, France, la Fondation Prince Klaus Africalia, Ivos) ont tous répondu favorablement. Il reste pour mieux faire la fête et à ce niveau, nous faisons appel à des sponsors de la place. Tous ceux qui sont parties prenantes de cette manifestation ont aussi déjà répondu favorablement.

Nous n’avons pas des soucis d’ordre financier. Nous allons plutôt nous atteler à mieux gérer tous ces efforts fournis par les partenaires du festival et faire en sorte que tout se passe bien. C’est la mise en place des budgets qui pose problème au niveau des organisations. Vous savez, la manifestation se déroule dans le 2e mois de l’année. Mais les plus hautes autorités étant attentives à nos sollicitations, il y a des mesures particulières qui nous sont faites pour débloquer de manière exceptionnelle, des avances de trésorerie. Le FESPACO en tant qu’établissement public de l’Etat, offre toutes les garanties et cela permet à nos partenaires de nous faire confiance.

S. : “Cinéma africain et diversité culturelle”. A quoi renvoie ce thème de la XXe édition du FESPACO ?

B.H. : Le FESPACO a dépassé le stade d’espace de projection seulement de films. Il est vrai que c’est la vocation première d’un festival que de montrer des films. Au fil des années depuis 1969, date de la création du FESPACO, on s’est dit que dans la mesure où c’est un festival qui s’est donné pour mission de faire la promotion du cinéma africain, qui comme vous le savez, est un cinéma qui connaît les mêmes difficultés que nos pays (le sous-développement), notre cinématographie donc ne peut pas se soustraire d’un certain nombre de difficultés.

Pour pallier donc ces difficultés, il faut qu’on en discute. Et au fur et à mesure de son évolution, le festival s’est mué en tribune de réflexion autour des questions de développement des sociétés ou du continent africain mais pour lesquelles la contribution des cinéastes africains est demandée. Peut-être que nous allons évoluer vers d’autres formes de cinéma mais la plupart des créateurs africains se veulent être des acteurs du développement de notre société. Il y a des questions essentielles qui touchent la société et pour lesquelles les cinéastes africains se trouvent interpellés et c’est le cas de la diversité culturelle.

Depuis quelques années, il y a une bataille qui est menée par l’Europe et les pays du Tiers-monde pour que dans le cadre de la globalisation, la culture soit perçue comme un secteur particulier et que les produits culturels ne soient pas relégués au rang de simples produits marchands. D’où, dans un premier temps, la notion d’exception culturelle et aujourd’hui, de diversité culturelle. Il s’agit de faire en sorte que la culture mondiale ne soit pas univoque, unicolore mais qu’elle soit une mosaïque riche de toutes les particularités, de toutes les cultures.

Ce combat est en passe d’être gagné puisqu’au niveau de l’UNESCO, plus d’une trentaine de pays ont signé l’accord sur la diversité culturelle. Nous nous sommes dit que la XXe édition se déroulant dans un contexte où l’on est en train de mettre en œuvre la convention sur la diversité culturelle, c’est alors le lieu d’inviter les professionnels africains du cinéma et de l’audiovisuel à réfléchir sur leur contribution à cette diversité culturelle.

Qu’est-ce que le cinéma va être et plus particulièrement, qu’est-ce que le cinéma africain va être dans cette diversité culturelle ? Quelle sera la contribution du cinéma et de l’audiovisuel dans la promotion de cette diversité culturelle ? Le thème est alors d’actualité et nous saisissons toujours l’opportunité de la tenue de nos éditions pour réfléchir sur la contribution du cinéma dans un problème ou un sujet débattu à l’échelle du continent ou du monde. Tous nos partenaires ont salué cette initiative.

S. : Quelles sont les grandes innovations pour cette XXe édition ?

B.H. : Les innovations sont à percevoir à deux niveaux. Au niveau professionnel, il y a les masters class, la création d’une catégorie compétitive en films documentaires, l’ouverture d’une section cinéma d’écoles. Un certain nombre d’écoles notamment l’Iris, NAFTI au Ghana, au Kenya, en Afrique du Sud ont été invitées à participer à cette XXe édition pour montrer des films d’écoles. Cette initiative vise à préparer la relève et à montrer un peu ce qui se fait dans ces écoles de formation, afin de permettre aux responsables de ces écoles de formation de se rencontrer et d’échanger pour voir comment créer les passerelles nécessaires pour apporter leurs contributions à la formation des professionnels. Le cinéma, c’est un métier et un métier s’apprend.

Autre innovation majeure, c’est le fait qu’il y aura deux salles exclusivement réservées à la projection TV vidéo grand public et en projection numérique. Cela permettra au public de suivre l’évolution technologique dans ce domaine. Les salles retenues sont celles du CBC et du CGP. Nous avons créé un espace dénommé “Espace junior”. Il sera campé dans l’enceinte du SIAO avec des projections de films pour enfants et des ateliers. Nous aurons des ateliers de bourses, c’est-à-dire faire en sorte de pouvoir offrir un cadre de présentation de projet pour de jeunes réalisateurs dans le sens du développement d’un scénario, etc. Ces ateliers devraient déboucher sur l’octroi de bourses pour permettre de finaliser des projets.

Au niveau festif, nous avons la délocalisation des différents points d’animation culturelle au niveau de la ville pour faire en sorte qu’on puisse joindre l’utile à l’agréable car c’est aussi un moment important de brassage des peuples. Rien que l’édition précédente, nous avons reçu 82 nationalités dont 32 pays africains. Le FESPACO est donc un lieu de rencontre et d’échange et il est important que nous puissions offrir davantage d’espaces de rencontre aux festivaliers et aux professionnels.

S. : Peut-on savoir le nombre de films burkinabè proposés ?

B. H. : Les films proposés au niveau du Burkina Faso sont nombreux. Au niveau de la vidéo, c’est une vingtaine (fictions, documentaires, séries et sitcoms). En matière de séries et de sitcoms, notre pays est le pays phare. Dans la section “séries et sitcoms”, il y a majoritairement des réalisateurs burkinabè. Dans la vidéo, il y a en également. De manière rétrospective, l’année écoulée a montré beaucoup de films aux Burkinabè. Les films sur support 35 mm, longs et courts métrages confondus, il y a au moins cinq (5) films. Les plus récents sont ceux de Issa Traoré de Brahima, Adama Rouamba, Tahirou Tasséré Ouédraogo et Boubacar Diallo. Nous avons reçu des documentaires de réalisateurs tels St Pierre Yaméogo et bien d’autres.

S. : On remarque, par contre, que nos jeunes cinéastes souffrent, les salles de cinéma agonisent. Est-ce que le cinéma burkinabè n’est pas essoufflé ?

B. H. : Il n’y a pas que le cinéma burkinabè, c’est tout le cinéma africain. Nous sommes dans une situation où l’Afrique et l’Europe sont en face de grandes puissances hollywoodienne et bolywoodienne où la logique du cinéma est une logique commerciale. Nous, nous avons un cinéma utile à l’émancipation de nos sociétés, au développement de nos pays. A partir de ce moment, c’est un type de cinématographie qu’on qualifie de cinéma d’auteur qui n’est pas forcément à but lucratif. C’est la raison pour laquelle, nous avons proposé qu’il fasse un panel sur le cinéma et celui d’auteur en Afrique.

Nous sommes convaincus qu’il y a de la place pour ces deux types de cinéma. Si vous n’êtes pas dans une logique de cinéma commerçant, cela veut dire que sur toutes les chaînes, vous ne pouvez vivre que des subventions, et qui dit subvention dit essoufflement peut-être. Vous allez avoir des difficultés au niveau de la distribution, pour l’exploitation des salles qui ont toujours besoin d’être remplies par des films attractifs.

Du coup, il faut s’attendre à ce genre de difficultés. Notre chance sur le continent, c’est qu’il n’y a pas une désaffection du public vis-à-vis du cinéma africain. Lorsque vous enregistrez près de 350 000 spectateurs, c’est phénomenal. Pendant le FESPACO vous êtes témoin, il n’y a pas une seule salle qui est vide. Il est vrai qu’il n’y a pas une chaîne forte au niveau de la distribution et de l’exploitation.

A ce niveau d’ailleurs, la gestion des salles ne se pose pas en termes de la mauvaise qualité des films forcément ou de la désaffection, mais parfois de leur capacité et du pouvoir d’achat des cinéphiles. Le ticket à 1000 F CFA est jugé cher et certaines salles de projection ne font que 1000, 500 places. Combien de mois de projection alors faut-il pour amortir un film loué à un, deux ou trois millions ? Au niveau des distributeurs par pays, il faut disposer d’un portefeuille de salles de projection important.

Un autre problème réside dans la production. Les films coûtent cher. Nous avons par-ci, par-là, des Etats qui font des efforts pour soutenir la production comme le Burkina Faso, mais d’aucuns disent d’ailleurs que le cinéma africain est sous perfusion, parce que l’on est obligé de faire appel à des organisations internationales pour la subvention. Mais le contexte a changé non seulement à cause de la mondialisation, mais également par le fait qu’aujourd’hui, tous les pays africains font du cinéma et à l’intérieur de chaque pays, dix, douze, quinze réalisateurs.

Forcément, il y a le phénomène de saupoudrage qui entraîne inévitablement des difficultés de bouclage d’un financement. Là où vous avez pu avoir 200 millions, si vous trouvez avec 50 millions, il faut alors frapper à plusieurs portes. Voilà un certain nombre de problèmes qui se posent au cinéma africain qui, au départ, n’était pas dans un contexte d’industrie cinématographique. Au niveau spécifiquement de l’exploitation des salles, il y a le phénomène de la télévision. Il y a des bouquets sattelites qui font la concurrence.

Il y a les DVD et les VCD avec le phénomène de la piraterie. Tout cela affaiblit la marge des exploitants de salle. Plus globalement, il est tant de réfléchir à des formes d’organisations sous-régionales, régionales, compte tenu de la chèreté des productions cinématographiques, à l’implication des opérateurs privés pour que ceux-ci sachent que le cinéma est aussi un secteur porteur mais avec ses risques, organiser les billetteries pour que l’on sache combien chaque film rapporte pour une bonne clé de répartition sur toute la chaîne. Ce sont là des réflexions en cours et qui pourront nous permettre de relancer la machine. Il y a d’accord, une sorte de marasme qui s’explique mais ce n’est pas
de la fatalité.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA
Alassane KERE

Sidwaya

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