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Indépendance du système judiciaire burkinabè : Mythe ou réalité ?

Publié le jeudi 11 janvier 2007 à 00h00min

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Au Burkina Faso, l’article 129 de la Constitution du 11 juin 1991 affirme sans détour que le pouvoir judiciaire est indépendant. De même, l’ordonnance n°91-50/PRES du 26 août 1991 portant statut du corps de la magistrature énonce en son article 2 que les magistrats sont indépendants et ne peuvent être inquiétés en raison des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leur mission, hormis les cas prévus par la loi sous réserve du pouvoir disciplinaire.

Au regard de ces dispositions, peut-on soutenir que le pouvoir judiciaire est totalement indépendant au Burkina Faso ?

Au Burkina Faso, il est généralement admis qu’en vertu de l’indépendance du pouvoir judiciaire, « tout juge est libre de régler les affaires dont il est saisi, selon son interprétation des faits et de la loi, sans être soumis à des influences, des incitations ou des pressions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit pour quelque raison que ce soit ».

« Que le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs exécutif et législatif ». Pour que cette indépendance soit mise en œuvre au quotidien, il existe des systèmes comme l’inamovibilité, le conseil supérieur de la magistrature, etc. De tous ces éléments, l’inamovibilité parait fondamentale. En vertu de l’inamovibilité, le juge, fut-il nommé ou élu, ne peut être ni révoqué, ni suspendu, ni mis à la retraite prématurément, ni déplacé arbitrairement, en dehors des cas et sans observation de formes et conditions prévues par la loi. L’inamovibilité du juge constitue essentiellement une garantie de la bonne administration de la justice. Elle permet aux justiciables de pouvoir compter sur des juges qui ne sacrifieront point la justice, ni la vérité à des considérations particulières. Ainsi, pour qu’il y ait indépendance de la justice, le juge doit travailler à dire la vérité et ne pas se laisser influencer par les justiciables, tout comme ceux-ci doivent travailler à ne pas faire obstruction à la vérité. Situation qui n’est pas toujours le cas de part et d’autre, d’où la prise en otage de la justice ! Analysé sous l’angle de l’exigence d’une indépendance totale vis-à-vis des deux autres pouvoirs classiques que sont l’exécutif et le législatif, l’existence d’un pouvoir judiciaire véritable, au pays des Hommes intègres paraît douteuse.

De l’indépendance de la justice face à l’exécutif

Deux considérations au moins contribuent à réduire la marge d’indépendance théorique reconnue à l’organe judiciaire du Burkina. Il s’agit d’une part de la tutelle administrative et financière étroitement exercée sur lui par l’exécutif et d’autre part du pouvoir de nomination. Dans le premier cas, le budget est élaboré et exécuté par l’administration centrale du ministère de la Justice et non par les cours et tribunaux détenteurs du pouvoir de juger. Aussi, le recrutement, la répartition et la gestion des magistrats relèvent-ils des services centraux du ministère de la Justice avec un certain droit de regard d’autres ministères tels que la Fonction publique et les Finances.
En plus de la tutelle administrative et financière que l’exécutif exerce sur le corps judiciaire, le pouvoir exécutif est détenteur d’une importante capacité pour limiter l’indépendance des juges : le pouvoir de nomination.
Au terme de l’article 13 de l’ordonnance portant statut du corps de la magistrature, « les magistrats sont nommés par décret du chef de l’Etat pris en conseil des ministres, sur proposition du ministre chargé de la Justice après avis du Conseil supérieur de la magistrature, en ce qui concerne les magistrats du siège ». Comme autre limite à l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’article 3 de l’ordonnance ci-dessus cité atténue les effets de l’inamovibilité des juges quand il dispose qu’ils peuvent être déplacés par l’autorité de nomination toutes les fois que nécessité de service l’exige. Dans la même veine, l’expérience a prouvé que le principe de l’inamovibilité n’a pas toujours reçu une application heureuse suivant les contingences du moment, la notion de « nécessité de service » étant élastique et laissée à l’appréciation de l’autorité de nomination. De ce qui précède, l’affirmation de l’article 129 de la Constitution du Burkina Faso suivant laquelle le pouvoir judiciaire est indépendant ne sera rien d’autre qu’un mythe tant que des dispositions urgentes n’auront pas été prises pour rétablir la notoriété de l’institution judiciaire. Aussi, cette indépendance doit se manifester dans le rendu des décisions de justice. Cela pour dire que la sentence rendue doit être crédible, juste et concourir à ramener la paix entre les parties au procès. L’impartialité du juge, voilà le fondement premier de l’indépendance de la magistrature, et la responsabilité de tous est ici engagée : les pouvoirs publics, les juges, les justiciables, la défense... C’est en définitive une œuvre commune qui concourra à l’avènement d’une justice acceptée par tous.

Ali TRAORE

Sidwaya

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