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Justice au Burkina Faso : Une réforme en profondeur

Publié le jeudi 11 janvier 2007 à 00h00min

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L’une des priorités du gouvernement du Burkina Faso est d’entraîner le système judiciaire vers la perfection. De nombreux actes sont posés dans ce sens depuis le retour à l’Etat de droit en 1991. Un diagnostic du système judiciaire aujourd’hui laisse transparaître de nombreuses avancées qui méritent toutefois d’être consolidées.

Le judiciaire, l’un des trois pouvoirs légalement reconnus au Burkina Faso avec la Constitution du 2 juin 1991, est toujours en quête de ses lettres de noblesse. Et cela, en dépit de nombreux sacrifices consentis par les autorités de la IVe République et les acteurs de la justice eux-mêmes. Le premier véritable diagnostic de l’appareil judiciaire burkinabè a été fait au cours d’un forum organisé du 5 au 7 octobre 1998 à Ouagadougou sous l’impulsion du président du Faso Blaise Compaoré. Le forum a regroupé plus de 500 personnes venues du monde de la justice, de la société civile, du secteur privé, etc.

Les conclusions de cette rencontre sont sans complaisance : « Il y a bel et bien un dysfonctionnement sur l’ensemble du système judiciaire ». A ce constat, viendront s’ajouter les insuffisances de la justice relevées par le Collège des sages chargé à l’époque de trouver les voies et moyens pour réconcilier le peuple burkinabè avec lui-même après la crise née du drame de Sapouy, le l3 décembre 1998. En somme, il y avait donc nécessité de réformer la justice burkinabè afin de la rendre plus efficace, signe d’un Etat de droit. Le forum et le Collège des sages avaient fait des recommandations dans ce sens.

C’est ainsi qu’il a été demandé l’éclatement de la Cour suprême. Cela a été une réalité avec la loi du 11 avril 2000, consacrant la fin de ladite Cour, et l’érection de ses quatre chambres en trois juridictions supérieures et une institution. Il s’agit du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. L’objectif de cette mesure est surtout de renforcer l’autonomie, et la spécialisation des juridictions supérieures.

Le PANRJ

24 heures après cette loi, soit le 12 avril de la même .année, le gouvernement adoptait en Conseil des ministres un Plan d’action nationale de reforme de la justice (PANRJ). Le plan dont la mise en œuvre effective a concerné la période 2002-2006 (pour une première phase), s’était fixé pour ambition de soigner la place du pouvoir judiciaire au sein de l’Etat et de la société. Ce qui implique un renforcement des institutions qui concourent au fonctionnement de la justice, un élargissement de l’accès à la justice et une plus grande efficacité des services judiciaires. Concrètement, le gouvernement a pu entreprendre avec ses partenaires, le PADEG notamment, une décentralisation de l’appareil judiciaire.

Les juridictions du droit commun, les Tribunaux de grandes instance (TGI) en occurrence, sont surtout concernés. Ainsi, Il était prévu dans le Plan, la construction de 14 TGI supplémentaires, dotés de maison d’arrêt et de correction. A la date du 9 octobre 2006 (inauguration du TGI de Yako), le nombre des TGI est passé de 11 (en 2002) à 22), tous équipés en mobiliers de bureau et en matériels roulant.

Cette première composante du PANRJ a pour but de rapprocher la justice du justiciable. Toute chose qui permet aux citoyens burkinabè de réduire considérablement la distance qu’ils devaient parcourir pour accéder à la justice. Et comme la justice, c’est aussi les hommes, le PANRJ a intégré le recrutement de 150 magistrats (soit 30 magistrats par an depuis 2002), de 25 greffiers en chef, de 60 greffiers, des interprètes, des gardes de sécurité pénitentiaire, etc. Au-delà de la formation initiale, le plan a développé un vaste programme de formation continue des magistrats, leur permettant ainsi de mettre à jour leurs connaissances.

Par ailleurs, les acteurs de la justice, les magistrats surtout ont vu leurs conditions de vie améliorées du point de vue salarial et indemnitaire. Des mesures qui ont pour ambition de mettre les « faiseurs de justice », à l’abri de la corruption et rendre au pouvoir qu’ils exercent, toute son indépendance et son intégrité.

Il reste à faire

De façon générale, le « PANRJ a eu un impact très positif sur le fonctionnement de la justice ». En tout cas, c’est ce que pensent certains acteurs à l’instar de Mme Hariadiata Dakouré, premier président du Conseil d’Etat. Toutefois, les acquis du plan méritent d’être consolidés. Et le département en charge de la Justice dirigé par Boureima Badini en est conscient.

En effet, un plan de consolidation du PANRJ est en élaboration avec pour but de doter chacune des 45 provinces du Burkina Faso d’un TGI, comme le veut le gouvernement. Aussi la corruption qui sévit dans la société burkinabè, n’épargne pas le monde judiciaire. « Le juge n’est pas isolé de son milieu », a expliqué pour sa part Mme Hariadiata Dakouré. Pourtant, celui qui prétend juger les autres devrait se mettre au-dessus de la mêlée.
Mais aujourd’hui, pour beaucoup de Burkinabè, leur justice serait aux ordres et donnerait raison à celui qui aurait l’argent pour corrompre. Le ministre de la Justice garde des Sceaux, Boureima Badini à travers ses différentes interventions sur la question de la corruption, pense qu’il faut relativiser.

Tout en reconnaissant l’existence du phénomène dans ses rangs, il affirme que son département travaille chaque jour davantage pour que le magistrat donne des jugements justes, indépendants pour tous. Effectivement, un comité a diligenté une étude sur la corruption et a fait des recommandations à même de remédier aux dérives. Suite à ces recommandations, un projet de code de déontologie du magistrat a été élaboré et attend d’être adopté. Un code saura-t-il résoudre le problème ? Mme Dakouré n’y croit pas trop... Pour elle « le plus important pour un juge, c’est d’abord sa conscience ».

Cela sous-entend à son avis que c’est surtout l’éducation, les valeurs morales inculquées à l’individu en famille et au sein de la société, qui lui permettront d’être un juge modèle demain. En outre, elle pense que le combat contre la corruption ne saurait être mené isolément (Ndlr : dans le milieu de la justice) dans la mesure où « s’il y a des corrompus, c’est qu’il y a des corrupteurs ». Il faudra que le Burkinabè se convainc qu’il est possible d’avoir raison en justice, sans avoir à user des pots de vin ou des relations.

Une autre difficulté du système judiciaire burkinabè reste le conflit de compétences : entre institutions judiciaires elles-mêmes et avec d’autres institutions républicaines. « Ces conflits existent depuis longtemps », nous a confié Mme Hariadiata Dakouré.

Et à l’occasion de la rentrée judiciaire 2006-2007, la question était sur la table. Ces conflits pouvant être positifs (deux ou plusieurs structures se disent compétentes pour une même affaire), ou négatifs (toutes les structures se désengagent) seraient liés selon Mme Dakouré, au flou qui entoure certains textes. Ce qui, a-t-elle expliqué, laisse la place à des interprétations trop larges. La solution à ce problème viendrait donc de textes aussi clairs que possible, a-t-elle préconisé.

Koumia Alassane KARAMA

Sidwaya

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