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Laurent Gbagbo-Blaise Compaoré : Le baiser de Judas

Publié le mercredi 10 janvier 2007 à 07h35min

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Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré

Une fois encore, le président Blaise Compaoré vient d’être sollicité pour jouer le rôle combien délicat mais noble tant pour lui que pour le Burkina Faso tout entier, de médiateur dans une crise interne à un Etat voisin, la Côte d’Ivoire, après avoir réussi brillamment celui pour lequel il s’était engagé au Togo.

En effet, ce n’est plus un secret pour personne, les autorités ivoiriennes et le président Laurent Koudou Gbagbo ont sollicité le président du Faso pour "souhaiter des négociations directes avec les Forces nouvelles", lors de l’intervention télévisée du 19 décembre 2006 du président ivoirien. Cette "sollicitation" a depuis lors été relayée par la presse internationale notamment.

Il s’agit pour M. Gbagbo, de demander à son homologue burkinabè, de jouer de son influence réelle ou supposée, pour amener les Forces nouvelles à accepter la "négociation interne" à la Côte d’Ivoire. Nouvelle trouvaille du "stratège" politique de Mama pour refuser et fouler aux pieds la Résolution 1721 de l’ONU à laquelle justement, les Forces nouvelles tiennent comme à la prunelle de leurs yeux ?

Autant les FN tiennent à la Résolution 1721 de l’ONU, autant, sans même attendre un début de mise en oeuvre, le camp présidentiel la rejette avec dédain et mépris, affichant par là même, le peu de considération qu’il a vis-à-vis de l’opinion internationale, des institutions sous- régionales et de l’ONU, qui, depuis septembre 2002, n’ont cessé de se dépenser pour la résolution pacifique d’une crise qui perdure.

Laurent Koudou Gbagbo sait plus que quiconque, que dans l’état actuel des choses, une négociation interne à la Côte d’Ivoire n’est ni possible, ni acceptable comme voie d’accès à la paix et à la réconciliation nationales. Il est aisé en effet de remarquer que si Gbagbo était plus sincère dans sa proposition, il ne pouvait en même temps rejeter la fameuse Résolution 1721 qui est plus consensuelle et qui, du reste, lui faisait la part belle.

Sa motivation profonde est donc ailleurs : convaincu qu’il perdrait indubitablement des élections régulièrement conduites (il a fait la preuve de ses limites) Gbagbo n’est certainement pas pressé de voir la fin de la crise qui secoue son pays et dont il se nourrit allègrement (au sens propre comme au sens figuré). Disons-le tout net, il a plutôt intérêt dans la non-résolution de la crise, et cette situation de ni paix ni guerre l’arrange assurément.

Et c’est peut-être pour cela, qu’en homme rusé et pour brouiller davantage les cartes, Gbagbo, versatile comme à son habitude, renie ses positions antérieures pour demander l’intervention de Blaise Compaoré dans le processus de sortie de crise. Quelle ironie du sort ! Ou tout au moins s’agit-il de la volonté machiavélique de Gbagbo de mettre le président du Faso au pied du mur, lui qui s’était jusque-là convaincu que les FN en particulier étaient soutenues, encouragées voire armées par le Burkina Faso pour le déstabiliser.

Ce qui est sûr, après l’échec de la mission conjointe Ggabgo - Mbeki à Ouagadougou, la sincérité et l’honnêteté du grand pâtissier ivoirien sont suspectées, naturellement par tous ceux qui ont appris à le connaître. Sa nouvelle disposition à solliciter l’intermédiation de Blaise Compaoré ressemble en beaucoup de ses aspects à un "baiser de Judas" que le premier voudrait donner au second : indexer Blaise Compaoré comme étant le maître à penser de Guillaume Soro, pour ensuite le rendre responsable de l’échec programmé et voulu de lui.

Car, en réalité, seules les FN sont suffisamment conséquentes, convaincues et représentatives politiquement pour faire échec à la stratégie de Gbagbo qui veut rester au pouvoir en évitant autant qu’il pourra les élections. La cohésion du G7 n’est pas garantie et le niet des FN à toute perspective autre que la Résolution 1721 en fait la véritable ennemie à abattre par le clan présidentiel ivoirien.

Gbagbo veut créer une plus grande confusion dans le bourbier ivoirien en jouant sur les nouvelles responsabilités régionales et sous-régionales qui attendent le président Compaoré (président en exercice de la CEDEAO, de l’UEMOA) pendant l’année 2007. Que le président du Faso accepte et arrive à convaincre les FN à rejoindre la table de négociation interne (malgré leur refus de principe) et il achèvera de convaincre que Gbagbo avait raison en le désignant comme le manipulateur de Guillaume Soro ; qu’il échoue ou ne veuille pas s’engager en dehors des cadres régionaux et internationaux (UA, ONU) et des différentes résolutions adoptées et le même Gbagbo lui imputerait la non-résolution de la crise.

Sur ce plan au moins, le président ivoirien fait preuve d’intelligence politique. Il sait que c’est un cadeau empoisonné qu’il tend à Blaise. Il sait que le contexte international est en 2007 préoccupé par d’autres événements que la crise ivoirienne. Il voudrait attendre l’issue des multiples élections présidentielles qui se dessinent un peu partout en Afrique et en France... Il sait enfin que c’est autant d’opportunités à saisir pour faire durer la crise, retarder des élections en Côte d’Ivoire... et donc rester plus longtemps au pouvoir... en toute légitimité. Reste à savoir si tous les protagonistes de la crise ivoirienne vont mordre à son appât.

Très certainement, Blaise Compaoré aura des difficultés à jouer avec succès au médiateur dans la crise ivoirienne. Voudrait-il, ou pourrait-il seul, réussir là où des institutions auront échoué sans se discréditer et cela quelle que soit l’issue de sa médiation ? En tout cas, la Côte d’Ivoire, ce n’est pas le Togo.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 10 janvier 2007 à 18:55 En réponse à : > Laurent Gbagbo-Blaise Compaoré : Le baiser de Judas

    Certes, la Côte d’Ivoire n’est pas le Togo.
    En revanche, Monsieur Le Président Blaise COMPAORE peut réussir haut-la-main cette délicate mission à condition que Monsieur Laurent GBAGBO en accepte les termes.
    J’ai déjà écrit, et ce, depuis de longs mois, que la résolution de la crise ivoirienne passe par le Burkina Faso.
    Au lieu d’indexer les burkinabè comme étant la cause de la crise, il convenait, pour le président ivoirien de s’appuyer sur les autorités politiques du Burkina afin de rechercher les solutions idoines à cette crise, néfaste pour les deux pays.
    N’oublions pas que ce n’est qu’en 1947 que le Burkina Faso (ancienne Haute Volta) a été rétabli dans ses frontières actuelles. Antérieurement et notamment en 1932, ces deux pays constituaient une même entité politique. Ce sont ces liens historiques qu’il convient de conserver pour l’amour des peuples burkinabè et ivoirien. Ceux qui méconnaissent ce principe de cohésion entre les deux peuples sont contre le développement de ces deux pays et partant de toute la région ouest-africaine. Qui peut apporter une autre contribution allant dans le sens de la paix en Côte d’Ivoire ? Ange TAMPSOBA, France.

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