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CONGO : La pléthore des ministres rimera-t-elle avec l’efficacité ?

Publié le mardi 9 janvier 2007 à 07h55min

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Les Africains ont une conception bien singulière de l’équipe gouvernementale. Alors que les exécutifs des pays développés et riches sont formés autour de cabinets très resserrés - les Etats-Unis comptent une dizaine de secrétaires d’Etat -, en Afrique ils sont marqués par une inflation de postes ministériels qui peut handicaper la synergie d’action et la cohésion nécessaires à un gouvernement.

Pauvres et sans ressources budgétaires conséquentes pour investir en faveur des populations, nos Etats trouvent cependant les moyens, malgré la vigilance des bailleurs de fonds, de former des gouvernements pléthoriques. C’est le fameux train de vie si ostentatoire de l’Etat face auquel les différentes cures économiques et financières sont restées sans effet.

Cette propension des chefs d’Etat à ne pas regarder à la dépense, s’explique d’abord par des raisons de politique politicienne. Sous nos cieux, le maroquin de ministre est plus prestigieux que tout, y compris celui de député. A cause des honneurs et du pouvoir qu’il octroie ? Toujours est-il que la course aux strapontins ministériels est telle que les dirigeants ont compris qu’ils pouvaient s’en servir pour conforter leur pouvoir tout en essayant de récompenser les fidèles ou de racoler les opposants radicaux. Le gouvernement n’est plus, dès lors, un outil pour exécuter un programme mais plus une arme politique aux mains des chefs d’Etat.

La République démocratique du Congo ne fait donc qu’enfoncer une porte déjà ouverte avec son gouvernement de 60 membres. Peut-être bat-il tout simplement le record du nombre, devançant ainsi d’autres pays d’Afrique centrale comme le Gabon, qui, dans les années fastes du pétrole, avait des cohortes de ministres. Comme il est à la tête du pays le plus vaste de la région, Joseph Kabila se croit sans doute obligé d’être devant les autres. Mais de quelle façon ! Il n’y a rien de glorieux pour un pays exsangue comme l’est la RDC, de s’enorgueillir d’avoir 60 membres du gouvernement. Le souci de réconciliation nationale ne peut pas à lui seul justifier un cabinet aussi large et dont la charge pour le budget national sera très lourde.

Très épuisé et affaibli à l’issue de la bataille électorale sans merci que lui a livrée son grand rival Jean-Pierre Bemba, le président Kabila veut réussir le maximum de consensus autour des formations qui l’ont soutenu. Provoquer des remous dans ses propres rangs le fragiliserait face à son opposant Bemba qui est à l’affût. Et comme en Afrique la meilleure récompense politique n’est autre que de se voir bombarder ministre, Kabila n’avait d’autre choix que de satisfaire les appétits de ses alliés d’hier. Autant dire que, forcément, l’efficacité d’un tel attelage en prendra un sacré coup. On voit mal comment l’action "intégrée" qu’évoque le porte-parole du Premier ministre peut être une réalité dans de telles conditions. On ne parle même pas de la mise en œuvre du programme présidentiel sur la base duquel Kabila a été élu ; elle ne peut être à l’ordre du jour avec un gouvernement dont la faiblesse réside dans son émiettement.

Kabila a probablement l’excuse d’inaugurer une nouvelle ère dans l’histoire politique de la RDC. Les nombreuses meurtrissures dont certaines ont des origines ethniques et régionales, nécessitent un traitement délicat. Et aucun sacrifice ne semble de trop pour préserver définitivement la paix dans le pays et ancrer de façon durable la citoyenneté et la démocratie comme seuls réflexes qui vaillent dans tous les actes que viendraient à poser dorénavant tout Congolais. Ce gouvernement peut donc tenir lieu de bricolage provisoire, en attendant justement que l’apaisement des cœurs soit total. Reste à savoir combien de temps il va durer, étant entendu que les chantiers du développement sont immenses et que le peuple ne saurait accorder indéfiniment l’état de grâce au nouveau président.

Il faudra tôt ou tard mettre fin à la recréation et passer aux choses sérieuses. Mais pour atteindre sa vitesse de croisière, le pouvoir de Kabila ne pourra sûrement pas continuer à s’encombrer d’un gouvernement obèse. Un recentrage devra s’opérer avec surtout un resserrement de l’équipe gouvernementale. La cure d’amaigrissement fera sans doute des mécontents, mais Kabila devra faire le choix entre un gouvernement de copains et un gouvernement au service du peuple. Ou, à défaut, trouver le juste milieu. Beaucoup de dirigeants africains, en voulant contenter ou "acheter" des hommes politiques, ont été pris au piège de la désarticulation d’un gouvernement sans âme parce que bâti uniquement sur le socle du clientélisme. Kabila saura-t-il mettre à temps un terme à son gouvernement désincarné et surréaliste ? Il y va, en tout cas, à longue échéance, de la réussite de son mandat et même de sa survie politique. D’autres chefs d’Etat avant lui ne l’ont pas compris, transformant leurs exécutifs en lieux de sinécure. Au grand dam de leur peuple.

Le Pays

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