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« On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle... » dixit Djibril Bassolé

Publié le lundi 8 janvier 2007 à 08h07min

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Djibrill Bassolé

Si le ministère de la Défense a reporté les siens qui devaient avoir lieu le même jour, le personnel de la police nationale a présenté, ce vendredi 5 décembre 2007, ses vœux de nouvel an au ministre de la Sécurité, Djibril Bassolé.

La cérémonie, empreinte de convivialité, a pourtant laissé transparaître par moments, le profond ressentiment de la hiérarchie policière, signe de l’état d’esprit maison, quelque deux semaines après les affrontements meurtriers entre flics et bidasses qui ont fait deux morts chez les premiers et trois chez les seconds.

Dans la pantomime, il y a eu une volonté de faire oublier, peu ou prou, « les affrontements malheureux entre policiers et militaires à travers les incidents des 17, 19 et 20 décembre » : sourires ininterrompus d’élèves policières faisant office d’hôtesses dans la cour de l’Ecole nationale de la police, claquements d’accolades par-ci, tapotements à l’épaule par-là, de puissants baffles distillant des sonorités musicales burkinabé, et prestations très réussies des artistes Hamed Smani et Sami Rama.

Par contre, dans les allocutions, préparées ou improvisées, irrésistiblement ont ressurgi les réminiscences des heurts frissonnants survenus en fin décembre dernier : « Merci, (pour la cérémonie) particulièrement en ce moment où l’institution policière entière, profondément choquée et outrée de ce qui lui est arrivé ces derniers jours de l’année 2006, sort timidement de sa torpeur pour retrouver ses repères », s’est fait le devoir de rappeler au ministre Djibril Bassolé, le secrétaire général du département, Antoine Poda.

Incertitude dans les rangs de la police

Par-delà donc l’usage requis dans les institutions républicaines de sacrifier à la traditionnelle présentation de vœux, la cérémonie est, selon toujours le porte-parole du personnel de la police, un appel de détresse à la haute hiérarchie pour un retour de la sérénité dans les rangs : « En ces moments, s’est-il adressé à Djibril Bassolé, beaucoup d’incertitudes nourries d’interrogations multiformes assaillent nos esprits. Tous les regards sont tournés vers vous, le chef de famille, pour qu’en cette occasion, vous puissiez rassurer tous ceux qui, pour diverses raisons légitimes, s’interrogent sur l’avenir de l’entité et les enjeux de son rôle dans le processus d’édification de l’Etat de droit ». Puis de regretter : « Nous aurions tourné la page de l’année 2006 avec un grand sentiment de fierté et d’orgueil légitime, au regard des résultats largement éloquents enregistrés. Les événements survenus aux derniers jours de l’année sont comme pour salir cette page ».

Côté bilan donc des actions menées au cours de l’année écoulée, la satisfaction semble être le sentiment le mieux partagé au sein de l’institution. En atteste le long inventaire des « acquis » auquel s’est prêté le numéro deux de la « famille » : mise en œuvre de la police de proximité, baisse remarquable des attaques à main armée, démantèlement d’une dizaine de réseaux de coupeurs de route, mise à la disposition de l’autorité judiciaire de plus de 400 individus, lutte contre la criminalité transfrontalière, participation aux opérations de maintien de la paix dans le monde... ont été présentés comme autant de résultats concrets et positifs « institutionnels et individuels » dont peut se réjouir l’ensemble des forces de sécurité.

De bons résultats qui ont suscité des convoitises

Et particulièrement le ministre de tutelle « dont l’opiniâtreté, en dépit des résistances multiformes dont certains d’entre nous ont pu être témoins, ont permis d’obtenir ces acquis. Ils sont les signes, a poursuivi le S.G., d’une révolution positive dans la réhabilitation des forces de sécurité en général, et de la police nationale en particulier. Une telle performance n’est pas sans susciter des convoitises ou de la réprobation, des calomnies et des médisances diverses, pour ne pas parler de la désinformation et de la diversion ».

A l’appel de ses hommes pour plus de quiétude et d’assurance dans l’accomplissement de leur mission, le premier responsable de la sécurité les a exhortés à plus d’engagement dans le combat contre la grande criminalité dans le respect de l’éthique du policier malgré la persistance d’une « certaine opinion qui ne retiendra de votre action que les incidents de Boulporé, de Pièla et autres, se faisant ainsi l’arbitre dans une opposition dramatique entre police et bandits ». Dans la foulée, il a annoncé la reprise, dès cette année, du service de la police de route, dont la suspension ces dernières années est consécutive aux nombreux cas de corruption constatés dans le domaine de la sécurité routière.

Des dernières échauffourées entre policiers et militaires, Djibril Bassolé dira que ce n’est ni le lieu ni le moment de parler des causes et des responsabilités, se limitant à recommander : « Il importe d’en tirer toutes les leçons pour consolider la paix et la sécurité publique ». Il a aussi formulé le vœu de voir l’année 2007 éloigner le souvenir des « derniers événements malheureux », pour sceller définitivement des relations fraternelles entre ses hommes et les militaires.

Bassolé, kèlèmassa ou hèrèmassa ?

Au moment de la remise du cadeau (un bronze symbolisant un guerrier armé d’une lance) , le directeur général de la police nationale, Thomas Dakouré, monte au podium, se saisit du micro et lance : « Peu avant le déclenchement des incidents de décembre, vous nous avez demandé de rester groupés. Aujourd’hui, nous percevons la pertinence de cet appel. Non seulement nous serons groupés, mais nous le serons autour de vous, car vous êtes un « kèlèmassa » [chef de guerre en dioula]. Et Djibril Bassolé de rétorquer à l’occasion : « Je suis un hèrèmassa [chef de paix] » et non un kèlèmassa. Mais comme pour obtenir le hèrè [la paix] il faut le kèlè [la guerre], je serai toujours avec vous [les policiers] ».

Une réplique que le ministre a assorti d’une autre, plus martiale et qui déclenchera un tonnerre d’applaudissements de l’assistance : « On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle au même endroit ». Bien inspiré qui saura saisir le sens de cette maxime bien de chez nous, mais qui dans le contexte actuel, fera l’objet de moult interprétations. Mais une chose est au moins claire : chez le ministre Bassolé, il y a peu de place pour le hasard dans les propos.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 8 janvier 2007 à 16:41, par RAKA En réponse à : > « On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle... » dixit Djibril Bassolé

    C’est avec plaisir que je m’informe par le truchement de vos billets bien rédigés. Je voudrais seuleument vous signaler une coquille :
    il s’agit de vendredi 5 janvier 2007 et non de vendredi 5 décembre 2007.
    Cordiales salutations.

  • Le 8 janvier 2007 à 17:57, par Wendy En réponse à : > « On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle... » dixit Djibril Bassolé

    Voyez-vous, pendant qu’on cherche les voies et moyens pour un retour au calme (si calme il peut y avoir encore !), ces genres de formules sont à éviter. Qu’est-ce que le Ministre veut signifier par "on ne piétine pas les testicules d’un aveugle au même endroit" ? Peut-il nous expliquer ? A priori cet adage lui va parfaitement et je m’explique : il y a maintenant eu au moins deux choses indignes sous son même "règne" (donc au même endroit et il devra avoir le courage d’en tirer TOUTES les conséquences ) dont la première fut le soulèvement des élèves-policiers, leur radiation sur coup de tête sans chercher à comprendre et la désapprobation de sa décision par ses supérieurs à travers la réhabilitation de ces élèves. Je passe sous silence les bavures policières (Boulporé et Pièla) dont j’espère l’aboutissement des enquêtes y relatives. Vraiment ce pays-là...

  • Le 9 janvier 2007 à 14:46, par Molengué ti kodro En réponse à : > « On ne piétine pas deux fois les testicules d’un aveugle... » dixit Djibril Bassolé

    Je suis particulièrement ému de cette déclaration du ministre, trop c’est trop...un peu de respect pour les autres corps habillés n’est ce pas ? c’est tout comme chez moi où les gendarmes et autres sont considérés comme des civils et encore comment...
    Le centro !

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