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Candidatures indépendantes : Chacun devrait s’y mettre et notre démocratie y gagnera

Publié le lundi 8 janvier 2007 à 07h35min

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La reconnaissance des candidatures indépendantes aux élections municipales et législatives pourrait contribuer à l’ancrage de la démocratie dans notre pays. Et en faire une revendication constitue une contribution au renforcement de celle-ci. Ainsi, Aly Sanou, dont l’analyse suit, prend le contre-pied d’Alexis Yaméogo pour qui "chacun devrait rester à sa place et les moutons seront bien gardés". Cf. l’Observateur Paalga du 28 décembre 2006.

Dans sa livraison du 28 décembre 2006, l’Observateur Paalga publiait un article de monsieur Alexis Yaméogo, consultant, intitulé « Candidatures indépendantes. Chacun devrait rester à sa place, et les moutons seront bien gardés). Dans son écrit, monsieur Yaméogo après avoir défini à sa manière les concepts d’Etat, de société civile et de parti politique (définitions que nous ne partageons pas toujours), revient sur les rôles respectifs de la société civile et des partis politiques au sein de l’Etat. Pour lui, les organisations de la société civile doivent contribuer "au renforcement de la démocratie de plusieurs manières" et laisser les partis politiques participer "directement, comme le stipule la Constitution et la loi, à l’exercice du pouvoir politique avec l’Etat" ; toutes choses qui semblent évidentes à nos yeux. Mais le "péché originel" commis par notre consultant est d’affirmer sans sourciller dès les premières lignes de son article que le MBDHP a initié une pétition pour "une révision du code électoral qui permettrait aux responsables de la société civile d’être candidats indépendants aux prochaines élections législatives". Et cette fausse perception est à l’origine de l’analyse erronée de monsieur Yaméogo. D’ailleurs, de quoi tient-il sa certitude que si le principe des candidatures indépendantes était admis, « les responsables de la société civile » seraient candidats « aux prochaines élections législatives » ? Il me semble que le consultant a une lecture biaisée des motivations profondes du MBDHP et qui, malheureusement, dépeint fort négativement son analyse.

Certains en effet, comme monsieur Yaméogo (de bonne ou de mauvaise foi), pensent qu’en lançant la campagne pour les candidatures indépendantes, le MBDHP veut tout simplement envoyer tel dirigeant syndical ou d’ONG au sein de tel conseil municipal ou à la tête de telle mairie aux tous prochains scrutins. Et de se dire alors : « qu’ils se défassent de leurs manteaux actuels et s’investissent carrément en politique pour cela !) Et ensuite, de citer pêle-mêle Chiluba (ex-président zambien), Lula Da Silva (actuel président du Brésil), etc. pour conforter leurs thèses.

Au nom de la Constitution

C’est là une lecture simpliste, subjective et réductrice des objectifs de la campagne pour les candidatures indépendantes. Ainsi que l’a souligné le MBDHP au cours de sa conférence de presse de lancement de la campagne, il s’agit de libérer des femmes et des hommes valeureux et responsables qui, dans nos contrées les plus reculées et pour les élections locales, n’ont aucune chance de figurer sur une liste de candidats, simplement parce qu’ils n’ont aucun appui de bonzes d’un parti. Ce n’est donc pas - à priori et forcément - une question de « responsables de la société civile » qui risquent de se faire élire « aux prochaines élections législatives » au détriment des partis politiques. Par ailleurs, il nous semble nécessaire de préciser que la Constitution de notre pays (citée par monsieur Yaméogo) dispose en son article 12 que « Tous les Burkinabè, sans distinction aucune, ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la société) et de ce fait, n’accorde aucune chasse gardée aux partis politiques en matière d’élections.

Cette précision est importante et permet de savoir que la reconnaissance des candidatures indépendantes n’est en rien contraire à notre loi fondamentale. Bien au contraire, elle permettrait de rétablir l’exercice d’un droit citoyen injustement monopolisé par les partis politiques. Il s’agit donc de permettre aux citoyens à la base de participer plus activement à la gestion de leur cité en dehors de toute contrainte partisane et non aux leaders de la société civile de se présenter aux élections comme candidats indépendants. Du reste, aujourd’hui au Burkina, point n’est besoin de sondage pour se rendre à l’évidence qu’en dehors de certains chefs de partis (qui ont du mal à le justifier), la grande majorité des Burkinabè (qui est loin d’être composée de « responsables de la société civile ») est largement favorable aux candidatures indépendantes, que tout bon démocrate devrait comprendre et accepter.

Curieuse contradiction

« Et les moutons seront bien gardés », conclue, lui-même, le consultant ! Peut-être dira-t-il qu’il ne s’agit là que d’une expression. Sinon, à le prendre au mot (ou à la formule), c’est bien là une des raisons principales de la démarche du MBDHP en faveur des candidatures indépendantes. Bien de militants de certains partis en effet, sont devenus de véritables bétails électoraux marchant au doigt et à l’œil de tel ou tel mentor. Pire, des électeurs sont de plus en plus désemparés par le nomadisme politique d’élus. Certes, les candidatures indépendantes ne viendront pas régler illico presto ces travers devenus courants, mais elles pourraient contribuer à assainir à certains endroits, le jeu politique notamment au niveau des circonscriptions électorales de base.

En outre, il faut rappeler que les candidatures indépendantes ne constituent pas en elles-mêmes une « innovation démocratique » dont le Burkina Faso serait le pionnier. Pour ne rester qu’en Afrique, plusieurs pays (Bénin, Mauritanie, Côte d’Ivoire, etc.) admettent les candidats indépendants lors des élections. La société civile y a-t-elle remplacé les partis politiques ? Ou en est-elle pour autant sortie de son rôle de contre-pouvoir ? Par ailleurs, les candidatures indépendantes sont reconnues dans notre pays, mais uniquement pour les élections présidentielles (ce qui est tout de même curieux). A notre connaissance, la société civile ne cherche pas pour autant à « mettre au pouvoir ses hommes ».

Il faudrait donc revenir à de justes proportions et s’en tenir à l’avancée démocratique que constitue dans le fond la reconnaissance des candidatures indépendantes aux élections de proximité (municipales et législatives). En effet, dans un Etat de droit démocratique, les élections permettent aux populations de choisir en toute liberté leurs représentants. Or, le monopole concédé aux partis politiques par le code électoral conduit à mettre à l’écart de la gestion de la cité des femmes et des hommes pourtant désireux d’apporter leur contribution à la gestion de leur milieu de vie, mais hors de tout cadre partisan. Cette situation malheureuse enlève aux élections toute leur importance et restreint l’éventail de choix des populations obligées de porter leurs voix à des candidats bien souvent imposés par les partis politiques depuis la capitale et coupés de leurs réalités et de leurs préoccupations ; ce qui pourrait en partie expliquer les faibles taux de participation aux élections.

De ce qui précède, il nous semble évident que la reconnaissance des candidatures indépendantes aux élections municipales et législatives pourrait contribuer à l’ancrage de la démocratie dans notre pays. Et en faire une revendication constitue une contribution au renforcement de la démocratie ; rôle que monsieur Yaméogo reconnaît à la société civile.

Chacun devrait donc s’y mettre. Et le rôle de l’intellectuel est de contribuer à imprimer à son temps, une orientation qui fasse évoluer la société. En jaugeant les courants non pas par opportunisme, mais en vue d’en stimuler les aspects positifs et de les conforter par son apport intellectuel.

Sanou Aly sanoualy@yahoo.fr

Observateur Paalga

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