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Côte d’ivoire : Que reste-t-il comme armes à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille" politico-diplomatique

Publié le samedi 6 janvier 2007 à 09h39min

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Gbagbo et Mbeki

L’ONU a changé de patron le 1er janvier 2007. L’Union africaine va devoir désigner un successeur à Alpha Oumar Konaré guère enthousiaste pour rempiler à la présidence de la Commission. La France est entrée en campagne pour la présidentielle 2007 (et l’on sait que Nicolas Sarkozy n’est pas favorable au maintien de Licorne s’il n’y a pas une perspective électorale "rapprochée").

Près de deux mois se sont écoulés depuis d’adoption de la résolution 1721 (un premier bilan de sa mise en application sera assuré à compter du 1er février 2007). En Afrique, la communauté internationale a les yeux rivés sur le Darfour d’une part et la Somalie d’autre part.
Autant dire que Laurent Gbagbo a quelques jours de répit devant lui.

Mais, une fois encore, le compte à rebours est enclenché et nous voilà déjà à dix mois seulement de la prochaine échéance... électorale. Gbagbo a d’ores et déjà réussi l’impossible : demeurer au pouvoir toute la durée de son quinquennat et obtenir deux "rallonges" d’un an chacune !

Et ceux qui croient qu’une consultation électorale, libre et transparente, pourra être organisée fin octobre 2007 sont les mêmes qui affirmaient qu’elle se tiendrait en octobre 2005 puis en octobre 2006. Ce sont eux aussi qui-affirmaient que la nomination au poste de Premier ministre de Charles Konan Banny allait changer la donne et qui pensent encore, aujourd’hui, que la résolution 1721 va lui donner l’occasion de s’imposer face à Gbagbo.

Gbagbo, quant à lui, il y a belle lurette qu’il sait que le Père Noël n’existe pas et que la meilleure façon de ne pas être déçu par ses cadeaux, c’est de s’en occuper soi-même. Il est au pouvoir et il entend y rester le plus longtemps possible. Peu importe que ce ne soit pas dans un cadre légal, ou légitime, ou démocratique, ou socialiste. Peu importe que l’absence de solution à la crise ivoirienne ait fait sombrer le pays dans une "criminalisation " de son mode de production politique et économique et que cette "criminalisation" s’étende, de plus en plus, dans toute la sous-région.

Gbagbo ne cultive pas les états d’âme. Il n’est quand même pas au mieux de sa forme. Et sa stratégie ayant fait long feu (faire de "l’ivoirité" l’outil de son maintien au pouvoir), sa tactique n’ayant pas porté ses fruits (dénoncer aux yeux des Africains - et tout particulièrement des Sud-Africains - la volonté hégémonique du Burkina Faso soutenue par l’impérialisme français), il en est réduit à concevoir quelques minables "magouilles" politico-diplomatiques. Dont l’effet le plus immédiat est de rendre plus probante encore la paralysie qui frappe tout à la fois le Premier ministre et les leaders de l’opposition ivoirienne.

Il y a quelques mois, l’affaire du Probo Koala pouvait laisser penser que les Ivoiriens, lassés des atermoiements des politiques et directement victimes du comportement irresponsable de ceux qui ont en charge la gestion du pays, allaient se mobiliser contre un système politique (pouvoir et opposition) qui les condamne. Il n’en a rien été : pas de manifestations d’ampleur, pas de grève générale. La réintégration des présumés coupables a provoqué l’indifférence ; cela n’a pas été plus loin qu’un communiqué de presse alors que des leaders de l’opposition (dont notamment un candidat à la primature face à Konan Banny) ont des dossiers sur les malversations de certaines personnalités mises en cause (dont le directeur général du port, Marcel Gossio, bien avant qu’il n’occupe ce poste).

L’immobilisme des leaders de l’opposition est l’expression de l’état des lieux. Henri Konan Bédié, que l’on n’entend plus du tout (alors que les rumeurs sur son état de santé se font de plus en plus insistantes), laisse ainsi (à son corps défendant) le champ libre à la tête du PDCI à son héritier putatif, Charles Konan Banny. Ce qui n’arrange pas les affaires de Alassane Ouattara qui voudrait bien, semble-t-il, ramener son parti, le RDR, au sein de la maison-mère, le PDCI. Cela permettrait de recomposer un grand parti national ayant un fondement historique.

Pour y parvenir, il lui faut affaiblir Konan Banny sans, pour autant, cesser de le soutenir vis-à-vis de la communauté internationale et, plus particulièrement, de la France. Or, engager la confrontation directe avec Gbagbo, c’est faciliter la tâche de Konan Banny. Impensable. Ouattara se tient donc en retrait ; pour ne pas dire en retraite. Et pour sortir de sa retraite, il faudra d’abord que Gbagbo ait dévoré Konan Banny.

Le RDR pourra dès lors se rassembler avec le PDCI dans de bien meilleures conditions que ne le permet l’hypocrite accord "houphouëtiste" (qui a donné naissance au RHDP) signé voici quelques mois entre Ouattara et Bédié, chacun des deux pensant qu’il doit lui profiter plutôt qu’à l’autre. Ce grand PDCI réunifié serait alors à même d’accueillir en son sein les autres partis signataires des accords de Marcoussis et de tirer un trait définitif sur quinze années de brouille (et le mot est faible) entre Ouattara et Bédié.

Nous n’en sommes pas là. Mais Gbagbo a senti le danger. Il avait joué la partition des "Horaces contre Curiaces" mais voilà que cela tourne à "David contre Goliath". Et il n’y a que dans les mythologies et autres contes que les petits l’emportent face aux costauds, dans la réalité chacun sait que l’union fait la force. Un grand parti des Baoulés et des Dioulas, adossé à la "toute puissance" burkinabé, c’est nécessairement intenable. Il va donc reprendre sa vieille antienne du "diviser pour régner".

Première étape : l’annonce par le colonel Hilaire Gohourou Babri, à la télévision nationale, le 12 décembre 2006, qu’un coup d’Etat a été déjoué. Il devait être organisé entre le mardi 12 et le dimanche 17 décembre (le week-end avant le déclenchement des troubles au Burkina Faso !). Les "principaux acteurs [en] sont connus" et les "investigations se poursuivent aux fins d’apporter des preuves irréfutables que les FDS [Forces de défense et de sécurité] détiennent". On ne saura jamais rien de plus sur cette affaire si ce n’est qu’elle met en cause, bien évidemment, certains cadres du RDR.

Quelques jours plus tard, le 14 décembre 2006, c’est le Burkina Faso qui est mis en cause. Pas directement mais personne n’a de doutes quand Gbagbo évoque "un pays voisin ". De quoi s’agit-il ? D’une rencontre au palais présidentiel entre le chef de l’Etat et la Coordination des nordistes pour la République (CNR). Pour Gbagbo, il s’agit de démontrer qu’il n’y a pas d’un côté les "sudistes" et de l’autre les "nordistes" mais des richesses du Nord (coton, diamants, or, etc.) qui sont "pillées" par le Burkina Faso. "Mais, a annoncé le chef de l’Etat, tôt ou tard, les pillards vont payer".

De la même façon, il expliquera qu’on ne peut pas refuser l’attribution d’un acte de naissance aux parents d’un enfant né sur le territoire ivoirien. Mais, il ajoute aussitôt : "Ce qui ne veut pas dire qu’il est Ivoirien [...] Une fois qu’il a eu son acte de naissance, le père peut aller au consulat pour dire je suis Burkinabé, voilà mon fils, il est Burkinabé, donnez-moi un papier burkinabé ".

Autre explication de Gbagbo aux "nordistes " : "La xénophonie, dit-il, c ’est un mot créé par les politiciens pour créer des problèmes à la Côte d’Ivoire ". Et d’expliquer que ce qui prouve qu’il n’a rien contre ses "frères du RDR ", c’est qu’il a été en prison avec son fondateur, Djeny Kobina, en 1971, qu’il a travaillé "pendant deux mois sur les statuts du RDR" et que son "frère Alassane Dramane Ouattara [lui] fait l’amitié de [lui] téléphoner chaque fois qu’il doit voyager [...] On cause tous les jours, on n’est pas en guerre". Et si la guerre existe, c’est qu’elle a été déclarée en janvier 1993 par Henri Konan Bédié, alors président de l’Assemblée nationale, à Ouattara, alors premier ministre, à l’occasion du débat sur la privatisation des entreprises du secteur public.

"Je ne savais pas encore, dit-il, que les deux luttaient pour remplacer Houphouët-Boigny qui allait mourir [...] C’est ce jour-là que j’ai compris que ces deux-là ne pouvaient jamais se réconcilier".

<I< A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 7 janvier 2007 à 07:24, par COCO En réponse à : > Côte d’ivoire : Que reste-t-il comme armes à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille" politico-diplomatique

    QUEL EST LE BUT DE CET ARTICLE ???

    LES ARMES DE GBAGBO C’EST JESUS-CHRIST ET PERSONNE NE POURRA RIEN CONTRE LUI TANT QUE LE SEIGNEUR EST AVEC LUI.
    VOILA POUR VOTRE GOUVERNE.

    IL EST AU POUVOIR TANT QUE LE SEIGNEUR LE PERMETTRA.

    • Le 9 janvier 2007 à 12:10 En réponse à : > Côte d’ivoire : Que reste-t-il comme armes à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille" politico-diplomatique

      Est-ce le Jésus Christ des chrétiens ou un autre qui garde Gbagbo au pouvoir ? Si c’est celui des chrétiens alors moi je dis que je ne suis pas le fils de mon père.
      SI VOUS N’AVEZ PAS DE CRITIQUE CONSTRUCTIVE, ALORS TAISEZ-VOUS ET LAISSEZ LES JOURNALISTES FAIRE LEUR BOULOT.
      Si le président Gbagbo ne met pas fin à ses magouilles politiciennes, à sa politique du "diviser pour régner", la Cote d’Ivoire ne sortira jamais de l’impasse dans laquelle elle est. C’est trop facile et c’est même lâche de toujours chercher la cause de ses problèmes internes dans les "pays voisins". Le problème avec le président Gbagbo c’est que les difficultés il se dépêche de les faire apparaitre, mais les solutions....

      • Le 9 janvier 2007 à 19:22, par DAGNOG’O En réponse à : > Côte d’ivoire : Que reste-t-il comme armes à Laurent Gbagbo ? Rien d’autre que la "magouille" politico-diplomatique

        après lecture de cet article je ne vois pas ce que Gbagbo dit de mal sur le Burkina ou tout autre voisin. le plus important ne se trouve pas dans ce que l’on regarde mais dans notre propre regard. on veut regarder Gbagbo en demon que ce soit ainsi c’est notre choix sinon aucune partie des discours de Gbagbo n’indexe le BF alors pourquoi chercher la bête là où elle ne se trouve pas.
        De plus aucun journal ou site ivoirien ne peut chercher à décortiquer mot pour mot chaque propos du Président B. Compaoré pourtant ce ne sont les insultes et autres injures à l’endroit du peuple frère ivoirien qui manqent.
        Si nous les aimons tant laissons les pour une fois vivre leurs difficultés ils s’en sortiront inch alla !

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