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Sanctions contre des militants CDP de Diébougou : Un "témoin" dénonce une cabale contre un député

Publié le vendredi 5 janvier 2007 à 11h01min

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Après son 3e congrès ordinaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir, avait pris des sanctions contre certains militants. Voici la lecture que fait de cette décision, Joseph Patrice Quenum, en ce qui concerne la province de la Bougouriba.

Le congrès du CDP tenu du 9 au 11 novembre derniers a situé les uns et les autres sur le sort réservé à certains militants accusés pour certains d’indiscipline lors des élections municipales dernières et pour d’autres de non-respect des directives du parti, notamment la Directive n° 2005 / 002 / CDP /CN / BPN / BEN relative à la désignation des candidats sur les listes CDP aux élections municipales du 23 avril 2006.

La parution dans la presse de la liste des militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) sanctionnés pour indiscipline me donne l’occasion de donner mon appréciation sur la quantité et la qualité des militants CDP sanctionnés dans la province de la Bougouriba (5 blâmés et 6 exclusions).

Je ne me fais pas un leurre sur les répercussions éventuelles que pourraient inspirer cette présente analyse qui, du reste, ne m’a pas été demandée.

Sans être le porte-parole de qui que ce soit, je suis persuadé et convaincu de partager cette analyse avec tous ceux-là qui de près ou de loin ont suivi les différentes péripéties que nous avions et continuons de vivre dans la Bougouriba et notamment dans la commune de Diébougou.

Des raisons évoquées

Parmi les militants CDP de la Bougouriba qui ont été sanctionnés, certains avaient été invités à s’expliquer par écrit, relativement à un certain nombre de faits qui leur étaient reprochés par la section provinciale de la Bougouriba et l’ancien commissaire politique régional du Sud-Ouest.

Il s’agit, en l’occurrence ;
- d’actes d’indiscipline au cours de la campagne pour les élections municipales et lors des opérations de vote pour le choix des différents responsables de la commune de Diébougou ;
- d’incitation à manifester contre les structures et les responsables du parti ;
- de soutien actif à l’ADF/RDA et d’appel à voter contre le CDP ;
- etc.

En son temps, nous avons saisi l’occasion que nous offraient certains apprentis politiciens arrivés sur le tard, pour expliquer à l’opinion publique les risques que ceux-ci continuent d’ailleurs à faire courir à la commune de Diébougou.

Les présentes sanctions sont certainement irréversibles. Cependant, la vérité est là, imperturbable, mère d’insomnie pour certains et que seuls ceux qui ne veulent pas la percevoir ne la voient évidemment pas.

La province de la Bougouriba compte cinq communes qui sont : Bondigui, Diébougou, Dolo, Iolonioro et Tiankoura.

Aux lendemains des élections municipales dernières, seule Diébougou est tombée entre les mains de l’opposition (ADF/RDA). Le CDP a donc engrangé les quatre autres communes.

Lorsqu’on regarde de près la liste des sanctionnés de la commune de Diébougou, on se rend compte qu’ils ne sont que trois militants, en l’occurrence, Ouattara Germain, Sanogho Boureima et Karantao Drissa. Voilà donc trois bonshommes qui, à eux seuls sont arrivés, du fait de leurs actes d’indiscipline et de leurs appels au vote sanction, à faire mordre la poussière à la superstructure qu’est le CDP.

A supposer que les griefs contre eux portés soient vrais, que veut-on alors prêter à ces trois messieurs ?
- qu’ils doivent être crédibles pour avoir été écoutés et suivis par les électeurs de la commune ;
- qu’ils ont certainement une force inégalable de mobilisation ;
- qu’ils sont certainement les véritables militants que le CDP se devrait de ménager ;
- etc.

Les raisons invoquées ne tiennent pas

Témoin privilégié de la scène politique diébougoulaise, je mets à défi quiconque de me prouver que ces trois militants blâmés renferment en eux ces qualités que l’on veut leur prêter. Du même coup, les raisons invoquées pour les sanctionner ne tiennent pas la route parce qu’insuffisantes pour faire perdre le parti dans la commune. Il faut alors chercher ailleurs les raisons objectives de l’échec du parti dans cette commune. Je me permets de jeter quelques indices qui, à mon humble avis, devraient être explorés pour une véritable renaissance du parti dans la région tout entière. Il s’agit :

Pour ceux qui ne le savent pas, ce sont les mêmes personnes qui sont à la tête du parti depuis la création du CDP (1996) jusqu’à nos jours sans qu’aucune possibilité d’alternance ne soit donnée aux jeunes ou aux véritables militants qui font le travail. Toutes les tentatives de renouvellement des structures de base du parti ont été biaisées. On a, sur la base de directives, assisté plutôt à des désignations, à des cooptations de commensaux du fait de camaraderie qu’à des élections que prévoient les statuts et règlement intérieur du parti. C’est vérifiable !

Depuis le congrès de 2003, une seule conférence provinciale s’est tenue. Le bureau provincial de la section n’a jamais pu se réunir au complet. Le patrimoine du parti a souffert d’une gestion opaque. Personne ne pouvait savoir combien le parti avait envoyé pour telle ou telle campagne. A la fin de chaque campagne, aucun bilan n’est fait ni aux membres de la section, ni aux militants de base.

Cette façon de gérer le parti a nécessairement fait des frustrés, des victimes qui sont d’abord des humains et par conséquent dotés de sensibilité, de raison ou tout au moins la leur.

Tout le pouvoir, trop de pouvoir enhardi exagérément, déshumanise et fait croire à son détenteur que tout lui est permis. L’immensité de la toute puissance endort, et comme son détenteur s’abreuve et se nourrit de flatteries enrobées suffisamment de "oui patron", il ne perçoit pas qu’il s’est entouré de prédateurs qui, le moment venu, se délectent à le regarder de haut, tellement son échec est fracassant et sa chute lourde.

C’est malheureusement ce qui s’est passé à Diébougou. Les archives sont là, il n’y a qu’à les confronter pour me démentir, et je promets d’adresser à qui de droit mon mea culpa.

Alors imaginez qu’en plus d’avoir tout le pouvoir depuis tout le temps, l’on se permet certains travers dans la gestion du bien commun.

Il faut le reconnaître, le CDP a été victime du dysfonctionnement de ses structures locales et d’un mauvais management de ses troupes. Au moment où vous lisez ceci, le secrétaire général de la section provinciale et son adjoint ne résident pas dans leur Zone d’activités politiques (ZAP). Il y a bien longtemps que le secrétaire à la formation politique et civique n’est plus de ce monde (paix à son âme !).

Le parti ne peut que demeurer dans une léthargie et ne peut résister au moindre coup de vent. Or, en lieu et place de simple coup de vent, c’était un véritable "Tsunami".

Comment veut-on cumuler tous les pouvoirs sur soi se sachant désavoué par ses militants et vouloir réussir une élection de proximité si ce n’est mentir à ses mentors et à ses supérieurs. La politique n’est pas du domaine de l’incantatoire !

A propos du député Mamadou Ouattara

Tout autre chose, c’est le refus du secrétaire général de la section provinciale de procéder démocratiquement à la désignation des candidats aux élections municipales comme indiqué par les directives du parti.

En lieu et place du bilan réclamé à cor et à cri par les populations après plus d’une décennie de gestion de la commune, c’est une armada sécuritaire qu’on a fait venir et qui a maté les populations qui devraient faire une marche pacifique pour exiger ce bilan. Ce faisant, il a braqué les populations qui ne sont autre que ses militants contre sa personne, et partant, sa candidature aux municipales.

Il était donc prévisible qu’après cette forfaiture, son parti ne pouvait plus réussir tant qu’il figurerait sur les listes électorales. C’est à mon avis ici que l’on devrait trouver les véritables raisons de l’échec du CDP dans la ville de Diébougou.

Au nombre des militants sanctionnés dans la Bougouriba figure l’honorable député Ouattara Mamadou Christophe qui, lui, a été blâmé.

A lui également il est question de :
- d’incitation à manifester contre les structures et les responsables du parti ;
- de soutien actif à l’ADF/RDA et d’appel à voter contre le CDP ;
- de soutiens financier et matériel à des partis adverses ;

Le député Ouattara était candidat du CDP aux dernières élections municipales dans son département d’origine qu’est Dolo. Je ne sais pas si son statut de député lui confère les prérogatives de s’interférer dans la campagne quoique du CDP. Mais ce dont je suis certain, c’est qu’il s’est fait dire que « chacun s’occupe de sa commune » lorsqu’il a voulu connaître de la stratégie de campagne échafaudée par les responsables locaux du parti.

Que l’on ne me prête pas l’intention de vouloir jouer à l’avocat du diable. Mais je veux comprendre. N’ayant pas un don d’ubiquité, je ne puis présager de ce que le député Ouattara a pu faire ou dit à Dolo, son fief, lors de la campagne ou bien après. Pour ce que je sais, et la seule fois que le député a pu prendre la parole en public à Diébougou que ce soit avant, pendant ou après les élections municipales, c’est le 18 janvier 2006 sur la place funéraire.

En effet, le mercredi 18 janvier 2006, les populations se préparaient à attaquer frontalement les forces de l’ordre venues pour broyer du marcheur. Seul le député a fait le déplacement de Ouagadougou à Diébougou. C’est d’ailleurs son intervention qui a limité les dégâts, car les populations n’entendaient pas rester les bras croisés alors que des vieux et des vieilles sont sauvagement molestés, écroués, et certains d’entre eux déférés à la maison d’arrêt de Gaoua.

A ce propos d’ailleurs, ceux-ci ont été condamnés à dix mois avec sursis chacun, et au remboursement du pare-brise d’un véhicule de la gendarmerie estimé à environ 320 000 F CFA. Solidairement et dans ce contexte de pauvreté généralisée, la population a pris l’engagement de rembourser cette somme, s’estimant autant coupable que les appréhendés.

La messe semble être dite

Pour toutes ces raisons, le risque est grand de voir se cristalliser les rancœurs et d’amener les militants sanctionnés (avec toute la force de mobilisation qu’on leur prête si tant est qu’à eux seuls ils peuvent ébranler le CDP) à faire bloc avec armes et bagages autour du député Ouattara.

Si le député Ouattara a pu se rendre coupable des faits qui lui sont reprochés, c’est certainement à Dolo. Mais à quelles fins, étant lui-même candidat à ces mêmes élections ?

Le soutien moral que le député a apporté aux populations de Diébougou pendant les moments chauds où elles avaient le plus besoin de l’assistance, de la solidarité des uns et des autres ne sera certainement pas sacrifié au nom d’une prétendue discipline du parti. Ces populations qui ont suffisamment en partage leurs misères et conscientes de leur statut d’orphelin politique sauront le lui rendre le moment venu.

Ce qui me paraît être comme une cabale contre le député Ouattara, c’est la nature et l’origine des militants exclus du CDP. En effet, lorsque vous regardez la liste des exclus, ceux-ci sont tous des militants proches au député et originaires de sa zone d’activités politiques de prédilection (Dolo, Tiankoura et Iolonioro).

La messe semble être dite pour le député Ouattara quant à sa carrière politique depuis la parution du nouveau Bureau politique national (BPN) du CDP issu du congrès des 9, 10 et 11 novembre derniers. Blâmé comme il est, je présage déjà que sa candidature aux législatives prochaines aura du mal à être acceptée par le nouveau commissaire politique régional, précédemment à la commission de contrôle du CDP, qui ne manquera pas l’occasion de se faire une légitimité parce que n’ayant pas pour le moment un mandat électif.

En effet, et c’est même très important de le savoir, le tout nouveau commissaire politique régional a par deux fois vu sa candidature aux législatives (1997 et 2002) refusée ou non validée au profit de celle du député Ouattara. Quelle que soit sa bonne foi, sa promotion en tant que commissaire politique régional risque d’être interprétée comme l’occasion inespérée de régler ses comptes avec le député Ouattara.

C’est bon mais ce n’est pas arrivé !

Le sentiment qui animerait les populations de Diébougou est, je l’imagine, un sentiment de frustration, un sentiment de non accompli. En effet, il y a bel et bien un responsable de la torpeur dans laquelle se trouve le CDP dans la province. Mais, visiblement, ce dernier semble s’en être sorti bien blanchi en dépit de tous les griefs avérés et vérifiables faits à son encontre. A voir s’il ne sera pas d’ici là récompensé pour s’être bien servi sur le dos des populations au lieu de les servir. La preuve est définitivement faite que lorsqu’on est du CDP et que l’on bénéficie de la protection d’un "gourou", on peut tout se permettre, et "s’en fout Bouaké !" Tant pis donc pour les populations qui ont subi une décennie de mal gouvernance faite de concussions, de braderie de leur patrimoine, etc.

Refuser de sanctionner ce dernier reviendrait à lui donner raison pour tout ce qu’il a fait et, du même coup, dénier aux populations leur droit d’être regardantes sur la gestion de leurs affaires. C’est clairement dire aux populations que ce qu’elles ont vécu lors de leur lutte des 16, 17 et 18 janvier 2006 pour s’émanciper de la gabegie n’est rien face à ce qui les attendrait si jamais il leur venait à l’esprit de vouloir empêcher les "protégés" de se sucrer sur leur dos.

Les mêmes conséquences pour les mêmes causes ?

Depuis les événements de janvier 2006, il est certain que plus rien ne sera comme avant dans la Bougouriba. Dans un monde qui annonce des mutations permanentes, le bouleversement des sphères économiques, politiques et sociales imprime, voire impose aux pratiques socioprofessionnelles jadis figées une violente dynamique de mouvement tout en les complexifiant. N’a-t-on pas dit "que l’on ne piétine pas par deux fois les testicules d’un aveugle !"

De ce fait, une nouvelle forme de relation avec les autres tant à l’intérieur des institutions qu’en direction des publics est à repenser et à réinventer. En même temps, des processus inédits de réalisation et de construction de projets doivent être initiés au profit des populations qui ont longtemps été spoliées sans que rien ne soit fait pour leur rendre justice.

Alors, les populations de la Bougouriba, après être restés longtemps en marge de leur destin, sont dorénavant et particulièrement attentifs aux mouvements du monde d’aujourd’hui. Des pratiques non linéaires qui offrent d’autres approches plus en phase avec les réalités d’une société en pleine transition se sont imposées aux populations, et l’on devrait impérativement en tenir compte.

Les populations sont dorénavant attentives à tout ce que, pendant longtemps, elles regardaient avec une indifférence coupable. Tout est passé et passera au peigne fin. Nos représentants, s’ils veulent avoir l’onction des populations, devront faire leur preuve de militantisme à la base, c’est-à-dire au sein de ceux qu’ils aspirent représenter.

C’est dire que les modes de désignation des candidats, à quelque scrutin que ce soit, ne doivent plus être imposés aux populations qui, je vous l’assure, refuseront désormais d’être des "bon à voter", des "faiseurs de roitelets" venus de nulle part. Toujours imposer ses choix aux populations est un acte d’une imminence facile mais le risque est tout aussi grand et désinvolte d’en faire des politiciens vaincus, des hommes d’affaires maladroits et des musiciens amateurs.

Joseph Patrice Quenum,
Conseiller d’administration scolaire et universitaire

Le Pays

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