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Le Larlé Naaba Tigré, “Homme de l’année 2006” de Sidwaya

Publié le vendredi 5 janvier 2007 à 11h03min

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Le Larlé Naaba Tigré

Le Larlé Naaba Tigré a été désigné “Homme de l’année 2006” par les Editions Sidwaya. Cette distinction sur le plan national vient en appui à celle attribuée par Plan International en novembre 2006. Le Larlé Naaba Tigré est chef coutumier, ministre du Mogho Naaba.

Il est également député à l’Assemblée nationale , président de l’association Bélem Wend Tiga (BELWET) et président fondateur de “Tradition et modernité”. Cette panoplie de titres fait de lui un homme d’action sur plusieurs fronts de combat : le bien-être social (dons de vivres et de médicaments), l’éducation (construction d’écoles et formation des enfants aux valeurs traditionnelles et aux coutumes), valorisation de la culture (construction d’espace culturel, etc.).

Sur tous ces fronts, il s’est battu avec abnégation avec un seul credo : la lutte contre l’exclusion sociale, la recherche du bonheur pour tous. Autant de combats et de réalisations qui lui ont valu la distinction par Sidwaya comme “Homme de l’année 2006”.

Sidwaya (S.) : Vous avez été désigné “Homme de l’année 2006” par les Editions Sidwaya. Comment accueillez-vous cette distinction ?

Larlé Naaba Tigré (L.N.T.) : C’est avec grande émotion que j’accueille cette nouvelle. Je ne m’attendais pas du tout à cela. Ce n’est pas comme pour un concours ou un examen et cette information m’émeut. Si je tiens compte de la multitude d’actions de différentes personnalités au cours de l’année 2006 dans ce pays, être alors distingué parmi tous ceux-là qui ont travaillé, provoque une émotion mais également un grand honneur. C’est également un honneur qui est fait à tous les garants de la tradition, particulièrement au Mogho Naaba ,ma principale source d’inspiration.

Le Mogho Naaba s’est toujours battu pour la paix. En témoignent ses interventions dans l’affaire du marché Rood Woko avec les commerçants, pour la reprise des cinq cents élèves policiers et il y a quelque temps déjà , pour l’apaisement d’une tension dans le secteur de la santé, etc. Dans ce sens, si un honneur m’est fait, j’estime que c’est à lui que cela revient également en priorité.

D’autre part, c’est un honneur fait au chef de l’Etat, car dans tout le combat que je mène et qui a été reconnu, j’ai toujours souligné que je m’inspire du programme du président Compaoré “Le Progrès continu pour une société d’espérance”. Hier , c’était le “Programme de large rassemblement”. Mes actions ont toujours été menées dans ce sens. Donc, à César ce qui est à César. Dans notre culture, on dit souvent “ Burkin ka segd n yima sabaab soab ye” ( l’homme intègre ne doit pas oublier son bienfaiteur).

S. : Vous êtes chef coutumier, député, président d’une association, cela fait quand même beaucoup d’activités à la fois ?

L.N.T. : Effectivement, je dois dire que je mène mon combat avec beaucoup d’engagement, de passion. Mes actions sont diverses. Au niveau culturel, en tant que chef coutumier, ministre du Mogho Naaba, tous les matins à partir de 7h, je reçois mes notables. A 7h 30, j’ai le devoir quotidien d’aller faire allégeance au Mogho Naaba. Au retour, en période de session, je vais à l’Assemblée nationale pour les travaux de commission à 9h. A midi, j’accorde des audiences à domicile, jusqu’à à 14h 30-15h et je repars à l’Assemblée à 16 h pour les plénières. A 18h, j’accorde à nouveau des audiences jusqu’à 22h, quelquefois jusqu’à minuit.

Par ailleurs, j’ai créé un espace culturel, “le Festin du terroir” où je permets aux Burkinabè et aux étrangers de découvrir quelques mets traditionnels de chez nous. Il y a également les contes traditionnels qui font l’un des points d’honneur de la famille et que mon grand-père a créés en 1961 et qui ont été perpétués par mon père. Je m’inspire alors de ce que mes aïeux ont laissé comme répertoire de contes, mais aussi des échanges que j’ai avec les personnes âgées.

J’anime mensuellement une émission de contes à la TNB depuis 1998 et à la radio, tous les mardis soir à 19h 45 depuis 1990. Cette année, j’ai fait une surprise agréable au Mogho Naaba, en improvisant un orchestre traditionnel uniquement composé de chefs , le jour de sa fête coutumière , le Basga (le 23 décembre 2006).

Il m’est difficile d’énumérer tout ce que je fais car je suis moi-même souvent surpris de certains actes que je pose. Cette année encore, j’ai rencontré les recteurs des universités de la Sorbonne et d’Alexandrie avec les membres du comité scientifique du journal “Tradition et modernité”. Tout ceci constitue des moments forts dans la vie.

En tant que président de l’association Bélem Wend Tiga (BELWET), je mène également de nombreuses activités. BELWET a été créée en 2003 et notre objectif premier a été de travailler à donner les moyens aux femmes pour mener des activités rémunératrices. Nous avons donc créé une activité de micro-finance au profit des femmes.

Aujourd’hui, il y a plus de 1800 bénéficiaires. Vous savez, il est facile de faire du crédit, mais il n’est pas facile d’épargner dans un pays pauvre comme le nôtre. Nous avons combiné les deux . Nous avons par ailleurs, dans les activités de BELWET, créé l’amphithéâtre Pawitraoogo.
L’espace peut contenir plus de 400 personnes.

Nous y avons lancé le livre de la monographie de la famille Tiendrébéogo, qui doit paraître durant le premier semestre de l’année 2007. La tâche a été confiée au professeur Kientéga Jean -Baptiste et son équipe. Nous avons aussi lancé l’initiation des jeunes, des enfants sur le thème “Coutumes traditionnelles et droits de l’enfant”. Cela a constitué un temps fort de la vie de l’association. Nous avons été débordé car nous avons accueilli au-delà du nombre de 100 enfants prévus pour la formation.

L’initiative sera renouvelée avec une déconcentration de l’activité. Nous avons créé la “Journée de l’espoir” au cours de laquelle 532 personnes ont été bénéficiaires. 32 enfants ont bénéficié de bourses et de kits scolaires, 500 personnes démunies ont bénéficié de céréales. Parmi celles-là, des paysans qui n’ont pas les moyens d’acheter des semences de qualité, en ont bénéficié
Dans tout mon combat, je me focalise sur la lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale. Mon repère essentiel, c’est le nécessaire mariage, la cohabitation positive entre tradition et modernité.

En plus de ces multiples activités, je fais de l’élevage des chèvres rousses de Maradi, des moutons du Nord, des bœufs, des porcs, des poules. Je fais aussi la semence. Dans ce sens, j’ai été distingué en 2004 à Gaoua par le chef de l’Etat lors de la 9è Journée nationale du paysan, comme 1er producteur du meilleur fourrage.

En 2006, il se pourrait que je sois reconnu comme celui qui a eu le plus de semences en niebé. L’occasion m’a été donnée en 2006 d’aller initier les étudiants (plus de 190) dans ma ferme agricole aux techniques de maraîchage et d’agriculture. Au Burkina, le déficit céréalier est complété par les cultures de contre-saison, donc de tout ce qui est édicté par le programme du chef de l’Etat qui puisse conforter, donner un coup de fouet au développement, j’ai toujours eu l’engagement d’apporter ma pierre à l’édifice.

S. : Vous intervenez beaucoup dans l’action humanitaire (dons de vivres et de médicaments). Est-ce le député ou le chef coutumier qui est au-devant de ces actions ?

L.N.T. : Pour tout ce que je fais, je voudrais tout d’abord rendre un vibrant hommage à sa Majesté le Mogho Naaba pour son soutien, ses conseils et ses suggestions. Pour répondre à votre question, je dirai qu’il est difficile de séparer le chef coutumier du député. Dans la modernité, il y a des droits qu’on confère à des titres.

Quand vous êtes député, votre mission est le contrôle de l’action gouvernementale, le vote des lois, la levée de l’impôt. Mais dans notre tradition particulièrement africaine, moi qui suis un chef, je dois avoir une vision large des choses. Le chef est au cœur de tout. Il doit travailler à l’unité de son peuple, ce qui fait sa propre fierté.

J’ai souvent l’habitude de dire que tout ce que l’on fait dans la vie se reconstitue en bien ou en mal pour soi ou pour sa progéniture. Je ne peux exercer mon mandat de député et ma fonction de chef coutumier comme un tout autre citoyen . Je dois respecter mon devoir de député dans ses missions régaliennes et en tant que coutumier, je me dois aussi de ne pas ignorer cette image. Le chef doit veiller à la paix, à l’abondance, à l’évolution de son peuple et en la matière, notre chef suprême, le Mogho Naaba ,constitue pour nous une source inépuisable d’inspiration.

C’est pour vous dire que lorsque j’agis, c’est en même temps le député et le chef qui agissent. Ma mission de chef coutumier ne s’est pas arrêtée lorsque je suis devenu député. Ma mission de chef coutumier est une mission traditionnelle qui est à vie ; quant à celle de député, il s’agit d’un mandat de cinq ans. Au total, les actes que nous posons au quotidien s’inscrivent dans nos repères, notre culture. Je pense alors que j’agis avec pour repère ma culture, aussi bien en politique que dans le domaine coutumier.

S. : Comment arrivez-vous à réunir les fonds nécessaires pour toutes ces activités ?

L.N.T. : Sans trahir un quelconque secret, les moyens proviennent d’abord de mon salaire de député. Je suis représentant du peuple. Pour cela, je dois partager ce que je gagne avec mon peuple. Il y a des partenaires financiers (que je remercie) qui m’accompagnent. Il y a mes amis personnels, qui , à chaque fois que je leur ai soumis un projet pour appuyer le programme du chef de l’Etat, les aspirations de notre peuple, ont toujours répondu présent. Voilà d’où proviennent les moyens qui me permettent de réaliser pas mal de projets.

Mais il faut dire que tout ne dépend pas toujours des moyens financiers. Il y a aussi mon cœur, mon engagement pour le peuple. Je n’oublie pas la contribution des journalistes. Ceux-ci ne me demandent jamais grand-chose. Lorsqu’ils sont informés de mes activités, particulièrement Sidwaya, ils ont toujours été au rendez-vous, ce qui en assure la visibilité. Cela ne s’évalue pas. Alors, je dis que le cœur peut souvent vous amener à réaliser des choses que les moyens financiers ne
permettent pas.

S. : Vous êtes un chef coutumier beaucoup attaché à la tradition. Comment jugez-vous la culture burkinabè ?

L.N.T. : Aucune culture n’est statique. Notre culture évolue à son rythme et selon les contraintes du temps. Il y a cependant une bonne marche. Les citoyens burkinabè sont de plus en plus en train de tirer l’essentiel de nos traditions pour avancer.

Sans vouloir aller dans les détails, par rapport au mariage par exemple, les questions de dot étaient très complexes, le mariage inter ethnique connaissait d’énormes difficultés. Tout cela est en passe d’être relégué aux oubliettes. Et c’est cela qui est bon, parce que nous avons un peuple qui est très hétérogène mais positif dans ses liaisons.

Il faut encourager et saluer cela. Au niveau de la musique, il y a un grand travail qui a été fait par les autorités de ce pays et les jeunes sont en train de valoriser notre culture. La musique est beaucoup mise en relief et appréciée par les nationaux comme par les étrangers. Nous avons une richesse culturelle incommensurable et il appartient à chacun de nous de pouvoir en tirer profit dans nos recherches de valeur pour s’enrichir, enrichir notre peuple et les autres peuples.

S. : Comment avez-vous vécu les récents événements entre militaires et policiers ?

L.N.T. : Je dois dire qu’à commencer par les protagonistes eux-mêmes, tout le monde a déploré cette situation. . Nous avons besoin de l’armée tous comme nous avons besoin de la police. Ce sont deux structures qui se complètent .

Nous sommes en démocratie, dans un Etat de droit, je pense alors que si d’aventure des incompréhensions à tous les niveaux survenaient, les structures habilitées à connaître de ces questions doivent être saisies. La hiérarchie des deux corps a déjà eu des rencontres et nous espérons que cela va se poursuivre afin d’avoir des conclusions positives pour ne plus vivre de tels événements. Le plus grand fonds de commerce du Burkina, c’est sa paix, sa stabilité dont nous sommes tous fiers.

Nous devons prier Dieu et les ancêtres pour qu’ils sèment davantage la graine du pardon et de l’amour, de la paix dans le cœur de tous les citoyens burkinabè. Comme l’a si bien dit le chef de l’Etat, cela nous rappelle que la démocratie et l’Etat de droit sont une quête permanente.

S. : Parlez-nous des projets à court terme de BELWET ?

L.N.T. : Le 25 février 2007 , au lendemain de l’ouverture du FESPACO, je me propose de célébrer le prix Plan pour l’enfance que j’ai reçu lors du 30e anniversaire de l’ONG Plan International. C’est un prix qui récompense les mérites d’un chef traditionnel qui s’investit beaucoup dans l’éducation à travers la construction d’écoles, les dotations en fournitures scolaires, etc. Ce prix sera célébré en communion avec la presse (j’estime que c’est d’abord elle qui est à saluer) qui a toujours été présente pour promouvoir mes actions.

Je n’ai pas envoyé un dossier à Plan pour être distingué. Cela a été une surprise comme c’est le cas aujourd’hui avec Sidwaya. Mes partenaires financiers, mes amis du Burkina Faso comme de l’étranger, et aussi les femmes, les jeunes seront conviés. Ce sera un moment de grande importance car je vais recevoir plus d’un millier de gens pour célébrer ce prix.

Comme les idées sont fécondes et comme il faut servir au peuple d’autres idées pour fonder le développement, je saurai quoi dire à la date précise. Le parrain de l’événement sera d’ailleurs le directeur de Plan/Burkina. Après cela, des actions s’inscrivant dans la lutte contre la pauvreté, la lutte pour les droits de l’enfant, la connaissance de nos valeurs traditionnelles. Beaucoup d’activités seront menées dans ce sens.

L’année 2007 sera jalonnée d’actions, si Dieu me donne longue vie et la santé. Comme on dit, l’appétit vient en mangeant ; j’avais promis aux femmes en 2002 de leur créer une activité rémunératrice en 2003. Dieu aidant et les femmes voulant, cela a été une réalité. D’ici à la fin 2007, je vais créer aussi une structure de microfinance au profit des jeunes.

J’ai espoir que les jeunes à l’instar de leurs mamans, sauront mériter la confiance placée en eux. J’aime dire qu’au moment où j’ai les idées, je n’ai pas les moyens de les mettre en œuvre ; mais quand je décide de mettre en œuvre, Dieu, les mânes et les amis ont toujours répondu présent. Je rends grâce alors à Dieu pour tout cela.

La monographie de la famille sera également réceptionnée en 2007. Cela va être un temps fort de toute la famille et la communauté scientifique. J’espère que cela fera tache d’huile pour que nous puissions réécrire notre histoire. Le monde a commencé avec les Noirs et il faut que nous travaillions à être fiers de nous.

S. : Nous sommes au début d’une nouvelle année. Quels sont vos vœux ?

L.N.T. : Mes vœux sont des vœux de paix, de stabilité. Mon souhait est que la lutte contre l’exclusion sociale soit une question à l’ordre du jour.
C’est du reste l’une des grandes préoccupations du chef de l’Etat. Je demande à Dieu et aux mânes des ancêtres de donner une bonne santé aux partenaires et aux amis afin qu’ensemble, nous puissions cheminer sur les chantiers du développement. Seul, on est impuissant mais ensemble on est toujours plus fort pour relever les défis.

Je souhaite une bonne année à l’ensemble du peuple burkinabè et aux autorités politiques, coutumières et religieuses. Puisse Dieu et les mânes toujours les inspirer dans leur vie quotidienne pour qu’ils soient des leaders éclairés. Bonne et heureuse année à la presse, à Sidwaya en particulier dont la qualité du travail est unanimement reconnue.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA

Sidwaya

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