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Vandalisme dans l’Armée : Non, c’est pas acceptable !

Publié le mardi 2 janvier 2007 à 07h57min

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On l’a toujours dit, l’impunité conduit tout droit au chaos. Nous en avons eu la pleine démonstration avec ce qui vient de se passer les 20 et 21 décembre dernier. Il faut craindre pour l’avenir !

Les faits sont assez connus, pour que nous ne nous arrêtions pas longtemps la dessus. D’une banale altercation à l’occasion d’un concert de musique au stade municipal, la rixe entre les policiers de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) et un petit groupe de jeunes militaires a tourné au drame dans la nuit du 19 au 20 décembre au jardin du Rond Point. Un militaire tué sur place, à bout portant disent des sources militaires, et trois autres blessés dans leur fuite, dont un gravement. Et voilà la déflagration.

Toute la journée du 20 décembre, militaires et policiers se sont fait face dans la capitale avant que la nuit tombée, les militaires ne finissent par prendre le dessus et mettre à sac tous les symboles de la police dans la ville de Ouagadougou. Malheureuse nuit que celle du 20 au 21 où Ouagadougou a été bercé au son strident des armes de guerre.

Pour une ville qui se préparait à accueillir l’important sommet de la CEDEAO, franchement y a pas de quoi être particulièrement fière. Mais où étaient donc passées les autorités ? En dehors du laconique communiqué conjoint de Yero Boly et de Djibril Bassolet, lu sur les antennes de la télévision nationale du Burkina Faso, on a cru que l’Etat était en laisse guidon.

Parce que franchement, si la démonstration a eu le mérite de flatter l’ego des petites recrues, pour nombreux encore tout subjugués par le charme des armes, pour notre armée de façon générale, il y a de quoi s’inquiéter. Pour avoir fait un tour le matin au camp Guillaume Ouédraogo, le foyer de la contestation, nous avons fait deux constats contradictoires à la fois.

Dans un premier temps, nous avons eu l’impression que le mouvement était bien ordonné, puisque les sentinelles nous renvoyaient systématiquement à la hiérarchie et à mesure que le temps passe, c’est plutôt le sentiment inverse que nous avons eu. Voici le récit de l’ambiance de la matinée au Camp Guillaume.

Quand nous sommes arrivés sous le coup de 8 heures, le Colonel Lougué, chef d’Etat major adjoint était en concertation avec un groupe de gendarmes devant le camp. Ça n’a pas duré et le petit attroupement s’est séparé. Et nous sommes interpellés par de jeunes militaires qui nous demandent ce que nous cherchions. Nous avons répondu que nous étions des journalistes et sommes venus pour comprendre. Le soldat rend compte à un officier qui se porte à notre rencontre. Nous lui répétons que nous sommes journalistes et sommes venus à la recherche de l’information.

Cet officier militaire que nous avons connu en d’autres circonstances, nous dit qu’il va aller rendre compte. Il s’éclipse dans le camp et revient dix minutes après, pour nous dire que le colonel, nous demande d’aller voir le colonel Cissé de la division information. Comme notre interlocuteur est une vieille connaissance, nous risquons une conversation. Il fait mine de ne pas avoir entendu et s’éclipse.

En cette matinée, la devanture du camp est monopolisée par les soldats et certains sous officiers. Et comme nous étions présents, et qu’ils nous ont pour nombre d’entre eux reconnu, certains parlaient à haute et intelligible voix pour que nous puissions entendre.

Un soldat, justement s’adressant à un autre : " RFI a dit hier, matin que c’est la police qui tenait la ville. J’aimerais entendre ce qu’ils disent ce matin ", et un autre, sûrement un bobolais qui s’en va "dans le babiais des CRS..." en regardant ses camarades occupés à chercher à démarrer les motos neuves qu’ils ont certainement dû arracher aux CRS. Et il s’en va dans sa récrimination "...c’est parce qu’ils avaient ces motos, qu’ils faisaient leur petit malin".

Effectivement, une bonne dizaine de Moto Cross, dernière dotation des CRS, étaient entre les mains de la meute déterminée, en l’absence des clés, à vouloir les démarrer. Ils ont pour se faire sectionner les fils des démarreurs. Malgré tout les motos refusaient de démarrer. Alors les voix ont commencé à crier qu’il fallait les brûler tout simplement, s’ils ne peuvent pas s’en servir. L’ambition de la meute était de prendre les motos pour aller escorter la dépouille de leurs camarades de la morgue au cimetière.
Etat d’excitation totale devant ce camp, où personne apparemment ne semble avoir de contrôle sur les jeunes recrues.

Un adjudant qui essaye en vain de se faire obéir, par la meute toute occupée à vouloir brigander les motos, fini par lâcher : "on vous avait dit la nuit de ne pas faire des rafales, vous n’avez pas obéit, vous voyez les conséquences...." Et un autre sous officier de parler pour que nous entendions bien : "vous êtes passés devant le commissariat central...c’est bien non ! ".

Situation malheureuse, qui comme le reconnaît un ami policier devait hélas arrivé au regard des tueries qui ont émaillé le parcours des forces de sécurité ces derniers temps. Depuis quelques années maintenant tuer ne signifie plus rien pour nombre d’éléments des forces de sécurité. Il y a eu Balpouré...puis il y a seulement quelques jours Pièla. Le drame du jardin du rond point n’est donc pas un incident isolé.

Seulement on doit regretter l’excès des soldats dans leur riposte. Les policiers ne sont pas tous coupables et l’institution policière n’est pas non plus coupable. Certains soldats invoquent l’impunité en citant à l’appui les exemples que nous avons évoqué plus haut. C’est vrai. Mais si ces meurtres sont restés impunis, c’est moins le fait du corps de la police. C’est la hiérarchie qui n’a pas pris ses responsabilités.

Et précisément, le ministre Bassolet. C’est lui qu’il faut incriminer et non l’ensemble de la police. En tout cas, ce n’est pas heureux ce qui est survenu dans la nuit du 20 au 21 décembre dernier. Militaires ou policiers, ce sont avant tout des burkinabè et parfois même des frères. La preuve, le soldat tué était le neveu d’un voisin de quartier qui lui est un policier à la retraite.

Les militaires ont peut-être montré la suprématie de leur corps sur les autres. Mais il reste que sur le terrain, ils n’auront d’autre choix que de cohabiter. Et certains militaires, parce que fils ou neveux de policiers s’en retourneront à la maison. Comment vont-ils se regarder. C’est franchement une vilaine bêtise


Le film des événements côté police

Au commencement était le spectacle organisé par notre le dimanche 17 décembre dans la cuvette du Stade municipal situé au quartier Bilbalogo au cœur de Ouagadougou. Des hommes se présentent à une des portes d’entrée avec des tickets de 500F. On leur fait savoir que cette porte est réservée aux détenteurs des tickets de 1000F. Ils insistent pour rentrer au besoin par la force.

Ils tentent de forcer le passage à l’aide de leur ceinturon les policiers présent les repoussent avec détermination. Ces derniers comprennent bien qu’ils ont à faire à des militaires. Dans la nuit du mardi au mercredi, il se passe un événement curieux dans les environs du Rond point des Nations Unies.

Alors qu’une patrouille de police était de passage dans les environs, elle aperçoive un groupe de jeunes gens. A leur vue, deux éléments du groupe prennent la fuite. Le véhicule de police freine à la hauteur du groupe d’où sont partis les fuyards. C’est alors que des individus sortent de leur cachette et encerclent les éléments de la patrouille.

Une voix s’élève pour dire : la merde que vous avez semée au stade ne se passera pas comme ça. Tout de suite, les policiers comprennent qu’ils sont tombés dans un guet-apens. ¨Parmi eux en effet, plusieurs éléments avaient participé aux événements du stade. Un policier a l’idée de sortir son Talkie walkie pour appeler du renfort. Deux véhicules bondés de policiers arrivent peu après sur les lieux.

C’est la bagarre et des coups de feu éclatent. Les policiers se dégagent et prennent la tangente. Ils ne savent pas à ce moment là qu’une balle a mortellement atteint un des agresseurs. Ils rendent compte aussitôt à la hiérarchie. On est le mercredi matin. Au Commissariat central, on comprend que l’heure est grave et que les incidents de la nuit peuvent avoir une suite fâcheuse.

A la réunion des directeurs régionaux de la Police qui a lieu le même jour, le directeur régional du Centre fait part de ses préoccupations. On lui fait comprendre que le problème sera géré. Mais dans les faits ses hommes sont inquiets. Certains nous confient qu’ils ne voient aucune disposition venir qui prenne en compte leurs préoccupations sécuritaires.

La hiérarchie décide de mettre en place un dispositif sécuritaire interne. Des hommes sont postés en dehors du commissariat tandis que le réseau d’information fonctionne à plein régime. Ils apprennent minute par minute ce qui se prépare au camp Guillaume. Les militaires en rébellion sont sortis du camp avec des armes offensives dont des rockets. La consigne chez les policiers est de ne pas riposter.

Mais quand les militaires s’approchent du Commissariat central, les éléments de la police postés à l’extérieur rejoignent leur base et s’y barricadent. Pendant quatre heures au moins, le commissariat central fera l’objet de tirs nourris. On y déplorera un blessé à la cuisse et un au crâne. Les pompiers appelés à la rescousse seront refoulés par les militaires insurgés.

En plus des dégâts causés sur les bâtiments, on déplore des véhicules détruits dont un a été amené dehors et incendié, des mobylettes emportées. De la fenêtre où se trouvait un des policiers assiégés, il a pu observer un soldat qui a ouvert la porte de la basse-cour du commissaire et emporté trois poulets.

A 4h du matin, le siège du commissariat est levé sur intervention semble t-il d’éléments du RSP. Les autres casernes de la police ont été visitées la nuit par les insurgés. C’est le cas de la DCIR, de la SRPJ, mais les dégâts ont été assez légers sauf à la Direction générale où semble t-il une résistance se serait manifestée. Le bilan non encore confirmé fait ressortir deux morts, coté police.

Au commissariat central, des militaires seraient revenus à la charge à 6 h du matin ce jeudi matin à mobylette et armés de lance-rockets pour parachever le travail. Ils y ont rencontré des gendarmes en faction,et non pas fait usage de leurs armes.


La presse en situation de crise

Que doit faire la presse dans une situation de crise comme celle que nous venons de vivre ? Question importante, puisque à la fois quand il y a quelque chose tout le monde se rue sur les journaux pour comprendre et dans le même temps, tout est mis en œuvre pour ne pas laisser les journalistes faire leur travail.

Le matin du 21, nous entreprenons de faire la ronde pour constater ce qui s’est passé. RFI a annoncé dans ces bulletins du matin que les portes de la prison centrale avaient été défoncées. Nous nous rendons sur place pour voir. A première vue les portes sont intactes, nous profitons de l’arrivée des autorités du ministère de la justice pour voir. Et là impossible.

Nous sommes interdits de faire des images des dégâts. Nous nous déportons à la direction de la Sûreté, où les dégâts sont importants. Notre appareil photo est saisi par les gendarmes en faction. Nous continuons au camp Guillaume, pour voir avec les insurgés ce qui se passe. Notre journaliste Ramata Soré est violemment prise à partie par des soldats qui la violentent à coup de cross. Sur ce point particulièrement, la limite du tolérable a été franchie.

Dans la vie il y a des choses qui sont sacrées. Sont de celles là, le fait de porter la main sur une femme, qui ne vous menace pas et qui est justement venue faire son travail. Nous sommes vraiment indignés et espérons que la hiérarchie éduquera mieux ses recrues. Car même en temps de guerre il y a des valeurs à respecter. L’art de la guerre est un art et non de la voyoucratie.

Ce que nous avons vu ce matin au camp Guillaume s’apparentait plus à la voyoucratie

Par Newton Ahmed Barry, Ramata Soré et Germain B. Nama

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 2 janvier 2007 à 11:26 En réponse à : > Vandalisme dans l’Armée : Non, c’est pas acceptable !

    Je suis un fidèle lecteur de votre journal. J’apprecie le professionalisme et l’objectivité avec lesquels vous avez traité le sujet sur la folle nuit du 20 au 21 décembre.
    Aussi, je condamne fermément l’agression dont a été victime votre journaliste, la très talentueuse Ramata SORE.
    Tous mes voeux les meilleurs en ce début d’année 2007 et surtout continuez à nous tenir informé de l’actualité et des travers de la vie au pays des hommes intègres.

  • Le 2 janvier 2007 à 20:40, par Paulin En réponse à : > Vandalisme dans l’Armée : Non, c’est pas acceptable !

    Courage a vous de l’Evenement !! C’est vraiment malheureux pour nous de nous rendre compte que nous sommes dans un pays artificiel. Oui, avec ce que nous avons vu, nous n’avons pas un pays a comparer avec nous. Un pays ou l’armee n’existe pas !!!... Elle s’est presentee comme une bande de voyous. C’est peut-etre la Somalie avec les "seigneurs de guerre" qui peut nous etre comparee. Meme en cas de rebellion, coup d’etat, mutinerie, aucune armee ne se conduit pas comme ce que nous avons vu. C’est vraiment dommage !! Quelqu’un proposait de sortir et de marcher contre ces actes de vandalisme. Je dirais aux parents (peres et meres) de revoir l’education. Car je n’ai pas reconnu d’ou sont sortie cette nouvelle race d’individus. Je ne parle meme pas de militaires. C’est malheureux. Et je souhaite qu’une reponse soit apportee a ce comportement. Pas une reponse violente mais un diagnostic profond avec une reponse educative dans le civisme.
    Excusez moi d’etre trop amer. Ne deseperons. Je souhaite que les autres collegues dans l’armee qui desaprouvent ces actes se manifestent aussi dans le calme civilise afin de tenter de corriger cette image insolite que notre pays a presente les 20-21 Dec. Courage !

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