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Procès : Autopsie de la première semaine

Publié le mardi 13 avril 2004 à 07h19min

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Le pasteur Pascal Israël Paré

Une certitude, un constat et plusieurs interrogations, telle peut être résumée la première semaine du procès des présumés putschistes. La certitude tient au fait que le coup d’Etat était bel et bien une réalité. Le constat face à cette certitude, c’est que les avocats de la défense n’ont pas toujours adopté l’attitude qui seyait dans la défense de leurs clients. Enfin, les interrogations sont nombreuses et vont des "parrains" et autres commanditaires du coup aux ramifications de celui-ci.

"J’ai voulu mettre fin à la compaorose". Cet aveu fait devant la barre du Tribunal militaire de Ouagadougou, par le capitaine Ouali Luther Diapagri, suffit à convaincre les plus sceptiques. Le putsch de septembre - octobre 2003, était bel et bien en gestation et seules la vigilance de nos forces de sécurité et la rétractation à la dernière minute de celui qui devait en être un des principaux acteurs (le lieutenant Philippe Minoungou) ont permis de le déjouer.

Ouali Luther Diapagri voulait "faire" Blaise Compaoré, et il a mis en œuvre les moyens matériels, humains et intellectuels pour atteindre son objectif macabre.
Recherche de fonds, recrutement d’exécutants de la basse besogne, "bénédiction" des conjurés, élaboration d’un plan d’attaque, discussion sur le choix du futur "boss", rien n’a été laissé au hasard par le capitaine Ouali et sa bande.

Une défense à reculons

Devant des faits aussi avérés et limpides et reconnus par les principaux mis en cause, on attendait de la défense des arguments solides à même d’atténuer les sanctions auxquelles s’exposaient ces putschistes. Au lieu de cela, celle-ci s’est jusque-là arc-boutée dans un premier temps sur des exceptions de nullité tenant à la procédure (dans le but d’empêcher la tenue du procès) avant de "briller" dans un argumentaire et une attitude qui n’honorent pas le barreau burkinabè.

Dans ce registre, on a été surpris qu’un avocat, celui du Pasteur Paré Pascal Israël en l’occurrence, demande la requalification des griefs reprochés à son client en "complicité d’attentat contre la sûreté de l’Etat", alors que le Pasteur lui-même plaidait jusque-là, non coupable. Un avocat qui enfonce son client dans une affaire aussi délicate, avouez que cela fait un peu désordre. De même, on a été surpris qu’un autre avocat, dénie à la presse son droit d’informer l’opinion publique, au motif que le "travail" des journalistes pouvait influer sur le comportement de certains témoins. Enfin, on a frôlé le ridicule lorsque la défense (à l’exception de maîtres Toé - Bouda et Sanon Sogotéré Serges) avait décidé de se retirer du procès au motif que le président du tribunal empêchait ses clients de s’exprimer sur certains points.

En fait, les avocats de la défense réagissaient là à l’attitude légitime du président Franck Compaoré, qui tenait à ce que le procès se déroule sur son objet. Que certains des accusés veuillent faire le procès du régime de la IVe république est légitime, mais la "tribune" du tribunal n’est pas le "lieu indiqué" pour le magistrat Compaoré. La cabale politico-judiciaire n’aura donc pas lieu et en vertu de l’article 109 du code de justice militaire qui lui reconnaît le droit d’assurer la police des débats, Franck Compaoré a toujours veillé à ce que ceux-ci ne dérapent.

Qui est derrière Ouali ?

Les faits ne sont pas contestés et c’est sur leur base que le tribunal tient à statuer. En attendant, la lecture de ces faits et les révélations faites jusque-là, ne permettent pas de cerner tous les contours de l’affaire. Qu’on le veuille ou non, Ouali et ses "douze gars" n’étaient pas à même de déstabiliser les institutions républicaines. Bien sûr, ils sont allés à Pô pour chercher le "bras armé" du putsch, mais, les commanditaires intellectuels demeurent jusque-là tapis dans l’ombre. Un coup d’Etat au Faso n’a jamais été l’affaire de seuls militaires, même si le capitaine Ouali se garde d’invoquer ses "parrains civils".

Mais la rhétorique qu’il développe pour justifier sa tentative de putsch emprunte beaucoup à celle qui a cours dans certains milieux politiques. Grosso modo, il y est question de "déficit de confiance" entre Blaise Compaoré et le peuple, résultant d’une mauvaise gouvernance politique et économique. Aussi, la "politique étrangère aventureuse" de la IVe république est condamnée. Un refrain que l’on a entendu il n’y a guère longtemps à l’occasion de la crise née de la réunion anarchique de certains commerçants à Rood-Woko. Enfin, Ouali comme certains de nos politiques, a fréquenté assidûment les bords de la lagune Ebrié ces dernières années, ramenant des subsides conséquents de ses voyages. La "jonction" a-t-elle été opérée entre tous ces milieux dans la perspective d’un coup d’Etat ? Rien ne permet de l’affirmer ni de l’infirmer, surtout que du côté d’Abidjan, on clame son innocence. C’est dire que l’on attend beaucoup de la deuxième semaine du procès qui devra éclairer toutes ces zones d’ombre.

Boubacar SY
Alassane KARAMA
Sidwawya

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