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Le Burkina politique 2006 : L’année de transition

Publié le samedi 30 décembre 2006 à 10h41min

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Commencée sur des chapeaux de roue avec les élections locales du 23 avril 2006, l’année qui vient de s’écouler s’est terminée avec la mort du professeur Joseph Ki-Zerbo, figure de proue de la politique et de l’intelligentsia burkinabè avec, entre les deux événements, un "attentisme" observé au niveau des états-majors des différents partis politiques.

Une attitude somme toute compréhensible, cette année 2006 succédant à celle qui a vu se tenir la présidentielle et précédant celle au cours de laquelle se tiendront les législatives. La transition n’aura cependant pas été de tout repos, les partis politiques s’étant activés à réussir le scrutin à venir. Flash-back sur une année 2006 qui restera à jamais comme celle du professeur Ki-Zerbo au Burkina.

L’année 2006 au plan politique a vu le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) confirmer son assise nationale à l’occasion des municipales du 23 avril 2006. Après avoir laminé ses adversaires lors de l’élection présidentielle de novembre 2005, le CDP s’est à nouveau imposé brillamment lors du scrutin municipal. Des succès qui n’ont cependant pas empêché le parti d’exclure de nombreux militants lors de son troisième congrès ordinaire.

C’est qu’en dépit de son leadership sur le landerneau politique, le parti n’est jusque-là pas parvenu à guérir de ses maladies infantiles dont le clientélisme découlant de la diversité des courants de pensée et de l’absence de culture militante est la manifestation la plus visible. Et, les "éruptions cutanées" constatées dans certaines localités lors des municipales sont venues le rappeler à la direction du parti qui a décidé de circonscrire, une fois pour toute, le mal.

Exit donc les "mauvais" militants et place à la formation intensive des militants et au respect strict de la discipline pour des conquêtes "encore plus glorieuses" comme l’ont souligné les "gourous" au sortir de leur congrès ordinaire. Si le "grand CDP" lui-même a des problèmes, que dire de ses adversaires déjà handicapés par le manque de moyens et la conception "ventrale" que bon nombre de Burkinabè ont de la politique et qui, cerise sur le gâteau, ont, pour les plus représentatifs, connus eux-aussi leurs crises de croissance et d’excroissance.

Première victime de ce nomadisme politique, l’ADF/RDA dont nombre de militants ont mal digéré le "compromis politique", avec le CDP lors de la présidentielle. Conséquence, le parti de l’éléphant a perdu de sa superbe lors des municipales à l’occasion desquelles il est devenu presque quelconque. C’est dire si maître Gilbert Noël Ouédraogo doit batailler ferme pour redonner au parti tout son lustre et les législatives à venir constitueront un test majeur.

Pour l’heure, le fils du Duc du Yatenga observe un calme olympien (le feu sous la glace ?) nonobstant la volée de bois verts qui s’abat sur lui. Il faut dire qu’il n’est pas le seul à avoir des "tuiles", des partis jadis "assis" et jouissant d’un relatif crédit populaire comme le Parti pour la démocratie et le progrès, Parti socialiste, (PDP/PS) et l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) de maître Hermann Yaméogo ont vécu, en 2006, des crises dont les effets se feront ressentir au cours des législatives.

La retraite politique de Fidèle Hien, fidèle compagnon et inspirateur de l’ombre d’Hermann Yaméogo et les querelles de tendance constatées, au sein du PDP/PS (la nouvelle génération y a du mal à se faire une place au soleil) semblent ouvrir un boulevard pour le CDP qui est dans la même situation qu’en 1992, lorsqu’il écrasait tous les autres partis de son poids.

Blaise Compaoré, seul au monde ?

Dans cette morne plaine qu’a été le monde politique burkinabè en 2006, seule l’Union pour la République (UPR) un rassemblement de partis de la mouvance présidentielle a tiré son épingle du jeu. Une brève analyse qui amène à constater une fois encore, la pauvreté tant au niveau des hommes que des idées qui est le lot de nombre de partis politiques burkinabè qui se posent pourtant en "alternance alternative".

Comment réaliser cette alternance dans ces conditions surtout que dans le camp d’en-face et nonobstant les luttes de positionnement, l’atout maître du jeu politique burkinabè, Blaise Compaoré est là pour tempérer les ardeurs. Un Blaise Compaoré tourné vers la réalisation de son programme quinquennal et qui n’entend plus perdre de temps après cette année de transition.

En indiquant que "la préservation des acquis accumulés depuis 1960 devient une exigence afin d’assurer au Burkina Faso, les conditions de succès de son aspiration comme pays émergent", c’est une invite au travail créateur de richesses et libérateur que le président du Faso lance à ses compatriotes. Elu avec une majorité qui confirme son acceptation par le pays réel, plébiscité par ses pairs et jouissant d’un solide réseau relationnel, Compaoré apparaît comme l’alpha et l’oméga de la scène politique.

Même au sein de l’opposition, sa carrure d’homme d’Etat ne passe pas inaperçue au point que le parti de l’éléphant a noué cette alliance lors de la présidentielle. Du coup, on en arrive à "s’effrayer" quand on pense qu’il ne lui reste "plus que" une décennie à passer au pouvoir (s’il consent à se présenter en 2010) d’une part et du mal qu’une telle opposition structurellement faible et en proie à ses maladies infantiles (forte propension au verbiage et aux prises de position alimentaire) aura à s’organiser un temps si court.

Dix ans, ce n’est rien dans la vie d’une Nation en pleine construction dont l’élan pourrait être brisé si un changement radical intervenait. Ce n’est pas un procès en sorcellerie contre l’opposition, mais, avec les expériences d’alternance vécues çà et là sur le continent dont certaines ont tourné au cauchemar et les tares sus indiquées, on peut être un adepte du changement pour le changement. Comme l’a si bien indiqué un ministre tchadien, "pourquoi changer quand le peuple est satisfait" ?

Du coup, il se pose cette question de la "prise en otage" de nos processus démocratiques par le biais de ces limitations intempestives du mandat présidentiel (seuls les USA expérimentent cette méthode parmi les "vieilles" démocraties) qui cisaillent nos efforts de développement en nous contraignant à repartir chaque fois sur de nouvelles bases. Une donne que les peuples africains devront avoir à l’esprit en se disant que nos "experts es-démocratie" ne veulent pas toujours notre bien. Le débat n’est donc pas totalement épuisé et pour revenir à notre sujet, disons que le CDP est parti pour recouvrer son hégémonie sur le landerneau politique, ce qui est de bonne augure pour l’exécution du programme quinquennal de son "grand militant", Blaise Compaoré.

Somme toute, l’année 2006 n’aura pas été si terne que cela au plan politique si tant est qu’elle aura permis de se rendre compte qu’entre la volonté de gouverner et l’assouvissement de cette volonté, "bouche-parler" seul ne suffit pas.

Et puis, cette année aurait-elle voulu être banale que la mort du professeur Joseph Ki-Zerbo vient lui conférer une signification particulière. Ce vieillard pétri d’intelligence et de connaissances, sentencieux sans être irrévérencieux, emporte avec lui une certaine image de l’opposition, celle qui justement pouvait se poser en "alternance alternative". Les hommages unanimes qu’il a reçus devront inspirer ses héritiers (?) politiques. On verra en 2007 si ceux-ci ont jeté aux orties leur propension à faire de la politique "estudiantine", afin qu’au Faso l’on assiste à des débats relevés où les coups en dessous de la ceinture sont proscrits. Vous avez dit vou pieux ?

Boubacar SY

Sidwaya

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