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2006 : La joie de vivre

Publié le samedi 30 décembre 2006 à 10h41min

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Le temps passe. Par ruissellement ou par rafales, il s’éloigne de nous. Ou, plus justement : nous passons à travers le temps avec, chargés sur nos épaules, la moisson de nos victoires. Dans le ventre, le tremblement de nos inquiétudes. Sous nos pieds, le sable mouvant de l’attente. Dans nos esprits, la nourrice d’un certain espoir.

Il y a en effet plus d’une raison, les unes aussi légitimes que les autres, permettant à chacun de nous de s’avouer en son âme et conscience : « un tel, ce n’est pas mal ». Et au peuple burkinabé tout entier de se dire : « c’est bien ». Un visiteur averti en sciences et bon observateur de l’évolution du Burkina a reconnu, dans nos services...que le pays des Femmes et des Hommes intègres avance lentement, mais sûrement. Et il explique que, souvent, du hublot de son avion, empruntant les lignes ou la trajectoire Bamako-Ouagadougou et Niamey-Ouagadougou, voire Takikro-Sunyani-Kokologho-Ouagadougou, il s’amuse à compter les points d’eau sur le territoire burkinabé : toutes les cinq minutes, en moyenne, il en voit un.

A basse altitude, a-t-il ajouté, on se rend également compte que le développement de l’infrastructure routière est une réalité au Burkina Faso. Et dire que tout cela, conclut-il, est mis à la disposition d’un peuple que l’on sait généreux dans le travail. Notre visiteur n’a pas tort. Mais il ignore qu’un effort non moins louable est fait, à travers le Plan décennal de développement de l’enseignement de base (PDDEB) par exemple, pour que chez nous, l’instruction pour tous cesse d’être un simple slogan...

L’histoire devrait inscrire dans ses annales : au cours de l’année 2006, l’Eau, la Route et l’Ecole. Les trois moteurs déterminants du développement ont connu un essor qualitatif et quantitatif indéniable au Burkina Faso.

L’histoire devrait donc inscrire dans ses annales : au cours de l’année 2006, l’Eau, la Route et l’Ecole. Les trois moteurs déterminants du développement ont connu un essor qualitatif et quantitatif indéniable au Burkina Faso. Toutefois, ce qui fait aussi le charme d’une cité, ce sont ses rumeurs et fureurs spécifiques qu’il faut savoir transcender pour qu’elles deviennent école de l’homme politique et du citoyen. Nous voulons suggérer que, quel que soit le parti que l’opinion publique nationale et internationale prendra à l’égard des gouvernants actuels de notre pays, une chose demeurera inattaquable : ces gouvernants se sont servis des pouvoir et moyen de décision dont ils disposent pour donner à la base de notre développement, trois piliers indestructibles, inébranlables : l’eau, la route et l’école. Par là, ils ont ajouté quelque chose d’éternel à l’espoir déjà infini du peuple burkinabé.

Ces acquis, ajoutés aux performances de la société civile : le succès remporté par nos vaillants agriculteurs et éleveurs en cette année particulièrement bénie des dieux de la pluie et des récoltes, la présence généreuse des ONG, le sérieux et l’efficacité de la médiation burkinabé dans les relations internationales, la percée de nos sportifs, de nos artisans et artistes, le rayonnement conquérant de nos chercheurs et hommes d’affaires, l’agressivité positive de notre diplomatie, la tenue honorable de nos étudiants à l’intérieur comme à l’extérieur du pays,...ces acquis dis-je, sont une victoire que rien, personne, en 2007 et au-delà, ne saurait nous enlever. Tout Burkinabé, entrant dans cette nouvelle année, devrait s’incliner devant l’auguste destin pour lui dire merci, et se féliciter d’avoir participé corps et âme à la réalisation d’un pan aussi important de l’idéal national.

Il reste, cependant, que dans la vie quotidienne du Burkinabé, tout n’est pas aussi rassurant qu’une route bitumée, aussi limpide que l’eau d’un barrage flambant neuf ou, encore, aussi serein que l’atmosphère d’une salle de classe studieuse.

Quand on pense à la situation du pauvre dans la mondialisation, il y a de quoi dire à la manière des Anciens : « Wênd na yiis yôngr lingê. » (Puisse Dieu faire sortir la souris de la gourde.)

Les retombées de nos efforts solidaires, en termes de bien-être personnel et familial, sont encore très maigres. Chaque immeuble qui pousse, chaque convention qu’on signe, chaque colloque qu’on organise...provoque des cauchemars parce que, quelque part, grâce et à cause de ces réalisations et manifestations, des citoyens vont manquer de sommeil.

Le général, on le sait, ne grandit qu’au péril du particulier. Il ne s’embellit qu’en couvrant ce particulier de pustules et de laideur. Et, de plus en plus, les Burkinabé fragilisés ne font que cela : périr à petit feu ! La géographie du péril est même en train de coïncider, presque, avec la géographie du territoire national. On périt en campagne et en ville. Aux stations d’essence, on périt. Aux portes des magasins, on périt. On périt à l’école comme on périt dans les gares et au marché. Rien à dire de l’hôpital. Et si, cahin-caha, on regagne sa maison le soir, c’est pour constater que la SONABEL (la nationale de l’électricité) a déposé l’ordonnance du péril à votre porte, juste quelques minutes avant le passage de sa coépouse de malheur, l’ONEA (la nationale de l’eau).

Entendons-nous bien : dans l’absolu, ni aucun gouvernement, ni aucun ministre n’est responsable de cette insécurité généralisée. Nous sommes aujourd’hui entrés, petits et grands, dans un monde qui nous déborde de tous côtés. Entre autres : nous n’avons pas de puits de pétrole, mais devons-nous saigner sans cesse pour permettre à ceux qui en ont de continuer à les exploiter.

La mondialisation et son rêve d’un village planétaire où tout est beau ne sont pas donnés à tous. Nous sommes les tondus d’une civilisation à haut risque. Quand on pense à la situation du pauvre dans la mondialisation, il y a de quoi dire à la manière des Anciens : « Wênd na yiis yôngr lingê. » (Puisse Dieu faire sortir la souris de la gourde [où elle est tombée]). Mais est-ce la peine, si la prisonnière libérée devait rencontrer un chat dès sa sortie ? Cela dit, il reste que nous pouvons vivre en bonne intelligence avec notre situation de pauvre, tout en nous appliquant à créer les conditions d’une vie meilleure. Quand, par exemple, en début octobre 2006, sachant que les deux-roues sont les véhicules le plus à la portée de tous les Burkinabé et qu’il n’y a pas une seule famille qui n’en dispose, sans rien ignorer de l’augmentation générale des frais de scolarité et des fournitures, alors que le prix du carburant continue à grimper à nos maigres bourses défendant, et que le Burkina profond sort lourdement de la saison la plus éprouvante matériellement parlant,...des fondés de pouvoirs qui savent par ailleurs que ces « chars » sont indispensables au « combat » de la vie quotidienne au Burkina, sévissent et imposent le port des casques aux motocyclistes, ce n’est ni une erreur, ni un signe ordinaire d’autoritarisme, mais à la fois un signal et une preuve, attestant que le sommet de notre société a fini de rompre avec la base. Sous d’autres cieux, quand un démocrate authentique se rend compte qu’un tel écart s’est creusé entre lui et ceux qui l’ont élu, il se remet en question pour mieux servir son pays.

Nous attendons que, sur le plateau de la balance, le panier de la ménagère pèse un peu plus que deux coques d’arachide. Nous attendons que ceux des Burkinabé qui auront à souffrir comprennent au moins pourquoi ils doivent souffrir.

Ainsi, pour 2007, nous attendons, l’oreille collée aux vents de tous les pôles. Nous attendons que le sommet renoue avec sa base pour nous permettre de remporter des victoires encore plus éclatantes. Nous attendons que, sur le plateau de la balance, le panier de la ménagère pèse un peu plus que deux coques d’arachide. Nous attendons que ceux des Burkinabé qui auront à souffrir comprennent au moins pourquoi ils doivent souffrir. Peut-être pourront-ils, alors, apprivoiser leurs souffrances. Il y a plusieurs manières d’attendre. Pourquoi ne pas le faire comme le poète, contemplant un ruisseau.

« Coule le ruisseau, Meurt le temps ; douce Romance

Le chour du vent nous encense.

Mais toi tu es mon enfance

Dans les pores de mes sens ».

( : Etienne Nicolas Kiba, dans Sonorités sahéliennes - Friandises, recueil publié par les éditions Jamana, Bamako, quatrième trimestre 2006, poème « Le ruisseau », page 23.)

Par El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 30 décembre 2006 à 15:55, par Un lecteur du Maroc En réponse à : > 2006 : Vraiment la joie de vivre !

    J’ai pu, en lisant ce paragraphe, le segmenté en trois parties : 1) les exploits de 2006, qui, à bien y regarder, traduisent effectivement les acquis de notre chère nation, 2) les manquements, erreurs, ou plus simplement les défis que nous n’avons pas pu relever ; et là dessus, l’auteur fait bien de situer les responsabilités, et 3) l’espoir nourri pour 2007, un espoir justifié par les actions à entreprendre, par l’effort à fournir.

    Et le texte bien rimé est un poême de joie de vivre, d’espérance pour dire que malgré l’inflation, malgré la hausse des factures, malgré la souffrance en un mot, l’année 2007 peut et doit être l’année de bonheur pour tous les Burkinabè.

    Bonne et heureuse année à tous !

  • Le 9 janvier 2007 à 17:39, par steffy En réponse à : > 2006 : La joie de vivre

    bravo pour votre article ! par contre la fin me laisse un peu perplexe... Je suis étudiante fraichement sortie du lycée alors je vous prie alors de m’excuser si jms je vous interprete mal, mai j’ai l’impression que la fin laisse entendre que le burkinabé devrait en quelque sorte rester simple spectateur de son destin entierement aux mains de ses dirigeants... d’autre part je voudrai également (si cela ne vous dérange pas) connaitre votre point de vue sur la quetion du développement autrement dit j’aimerai savoir si vous croyez vrmt en la possibilité que ce dernier améliore le sort des burkinabés....

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