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Mort du dictateur turmène : Dieu ait pitié de son âme damnée

Publié le mercredi 27 décembre 2006 à 08h03min

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Le président du Turkménistan, Saparmourat Niazov alias Turkmenbashi, est mort le jeudi 21 décembre 2006. Mais avouons tout de suite que pour pouvoir verser ne serait-ce qu’une petite larme de crocodile à l’annonce de la disparition de ce personnage qui, depuis 1991, avait la destinée des Turkmènes en main, il faudrait être rompu à l’art consommé du jeu théâtral.

Tant il y avait de la méchanceté et de la mégalomanie en cet homme qui, curieusement, se faisait appeler Turkmenbashi, c’est-à-dire le Père de tous les Turkmènes. Pourtant, quel mauvais papa il fut ! Lui qui, en 15 ans de règne et selon les estimations, n’a pas hésité à envoyer près de la moitié de la population en prison. Niazov jouait tellement son rôle qu’il se croyait omnipotent et omniscient.

Tous les immeubles et les billets de banque du pays portent son image ; les douze mois de l’année, les noms de ses enfants. Le livre de chevet obligatoire de tous ses sujets est dénommé le « Rukhnama » ; écrit par le président, son assimilation complète donnerait droit au paradis selon son auteur. Des extraits sont même inscrits sur les murs des mosquées à côté des sourates du Coran.

Un jour, dans sa plus grande folie, il a décidé de la fermeture de tous les hôpitaux de l’intérieur du pays, intimant l’ordre à tout malade de venir se soigner dans la capitale. Avec un pays presque deux fois plus grand que le Burkina, l’on se fait une idée de l’ignominie de la mesure. Mais à chaque oukase de celui qui ne se gênait pas quand on disait de lui qu’il était le 12e prophète, les pauvres habitants du pays applaudissaient à tout rompre. Avec juste raison : il y avait toujours de la place dans les centres de détention, où la torture serait le moindre mal.

Ainsi donc régnait ce chef d’Etat fantasque, aux côtés de qui, nos Mengistu Hailé Mariam, Bokassa et autres Idi Amin Dada feraient pâle figure. Et dans le silence complice des pays occidentaux, ces soi-disant redresseurs de torts. Il ne faut surtout pas déranger cet homme tout simplement parce que quelques aigris se plaignent. Mais l’on se demande comment un tel pays peut encore exister sans que la communauté internationale, et surtout les Etats-Unis, grands redresseurs de torts, s’en offusquent. C’est un mystère.

Enfin, pas tant que ça. D’abord, à la faveur du 11 septembre, le Turkménistan a en partie joué le jeu des Américains. Il n’a pas autorisé le stationnement des troupes américaines sur son sol ; son statut de neutre pouvait difficilement l’y autoriser, mais il a permis le survol de son territoire vers l’Afghanistan. Le Turkménistan était pourtant un des rares pays à avoir reconnu le régime des Talibans. Sous le couvert d’un trafic de drogue, dit-on.

Coincé entre l’Iran, l’Afghanistan, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, il est situé à un endroit stratégique. Et à Washington comme à Moscou, on préfère voir un satrape illuminé maltraiter son peuple mais assurer la stabilité dans la région, plutôt que de voir se créer une poche agitée sous prétexte de droits de l’homme. Enfin, et c’est sans doute le plus important, dans le grand projet du pipeline transcaspien voulu par les Américains, le Turkménistan, 5e producteur mondial de gaz, est, là encore, un partenaire de première importance qu’on ne va pas énerver en lui réclamant des comptes démocratiques.

C’est cela la politique de deux poids deux mesures de nos chers objecteurs de conscience. Quand vous faites leur affaire, vous avez beau être de la pire racaille, on ferme les yeux. Mais si vous vous mettez en travers de leurs intérêts économiques et géostratégiques, ces gendarmes du monde poussent des cris d’orfraie en jurant votre perte.

Même si vous êtes un ange de la démocratie, élu dans les règles de l’art. En attendant, le mauvais exemple du Turkménistan montre aux manichéistes de tous bords qu’il n’y a pas que dans nos républiques bananières africaines qu’on trouve des tyrans de la pire espèce qui se prennent pour le nombril de la terre. Dommage que ce président fantasque ait rejoint l’au-delà sans avoir goûté au centuple de ses méfaits sur terre, avant le possible jugement au ciel.

Lui, d’ailleurs, qui semble s’être endormi l’âme en paix, n’ayant pas constaté l’enfer dans lequel il a mis les habitants de cette ex-république soviétique. Ne disait-il pas aux visiteurs occidentaux non désintéressés qui venaient à lui que les Turkmènes sont comme des enfants qui s’éveillent seulement à la liberté et qui ont besoin d’avoir un guide protecteur auquel s’identifier ? Maintenant qu’il est mort, le moindre mal que l’on puisse souhaiter aux Turkmènes, c’est d’avoir à leur tête un chef d’Etat moins dictatorial. N’en déplaise aux chasseurs de gaz naturel.

Issa K. Barry

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 27 décembre 2006 à 14:10 En réponse à : > Mort du dictateur turmène : Dieu ait pitié de son âme damnée

    très bon article

  • Le 27 décembre 2006 à 18:04 En réponse à : > Mort du dictateur turmène : Dieu ait pitié de son âme damnée

    Quand un president veut faire sortir son peuple de la misere,il est qualifie de dictateur.Dans ce pays l’eau l’electricite l’enseignement...sont gratuits.Dans quel pays dit democratique peut-on avoir tout cela ?La france chantre du droit de l’homme blanc ?les Etats stupides d’Amerique ?Qui au burkina n’aimerai pas etre soigne gratuitement ou inscrire son enfant a l’ecole toujour gratuitement ?je m’arrete la en entendant la reaction des ceux qui qualifient les revolutionnaires de dictateurs.En plus il dirige ce pays depuis 1985.

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