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Accords de partenariat économique : "Un danger pour le Burkina"

Publié le mardi 26 décembre 2006 à 07h07min

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Le plus grand danger pour l’avenir économique de notre pays est en ce moment les APE (Accords de partenariat économique). Je suis presque depuis cinquante ans dans ce pays, mais je suis parfois découragé : la plupart des Burkinabè ne voient même pas les menaces pour leur avenir et celui de leurs enfants.

Les APE veulent nous enfoncer dans le sous-développement. Les Européens veulent nous prendre le peu d’argent que nous avons encore.

Supprimer les douanes pour les importations des produits alimentaires, ça veut dire : dans quelques années nous mangerons le to du maïs d’Europe, et le mil importé coûtera moins cher que le mil de nos paysans. Le TEC est une convention de la CEDEAO (15 pays, dont le Burkina) qui supprime les douanes mais laisse la possibilité d’imposer 5% 10% ou 20% de taxes de douane. C’est notre président, Blaise Compaoré, qui a conclu cette convention.

Le ROPPA, dans sa rencontre du 15-17 juin 2006 à Gao, s’est dit contre. L’ATTAC (Association pour la taxation des transactions pour l’aide aux citoyens) est contre. La CPF (Confédération paysanne du Faso) est contre. La FENOP (Fédération nationale des organisations paysannes) est contre. L’Église catholique du Burkina est contre. La délégation française pour l’Union européenne est contre. Le Réseau Foi et Justice Afrique-Europe est contre. La Conférence des ministres du Commerce de l’Union africaine à Nairobi (2006) est contre.

Je pourrais encore continuer à énumérer des études et des déclarations qui sont contre les APE dans leur forme actuelle, qui veulent supprimer toutes les barrières douanières. Mais je pense que cette énumération suffit. Quand y aura-t-il une réaction populaire contre cette convention ?

Comment est-ce possible ? Je suis allé à la cellule de la CEDEAO, qui est un service du ministère de l’Economie. J’ai vu la responsable qui a eu l’amabilité de me recevoir. Elle, une experte ou au moins une spécialiste dans cette affaire, n’a pas pu répondre à mes arguments qui démontraient que les APE étaient catastrophiques pour notre pays. "Nous exécutons le travail de notre ministre : allez lui demander des explications", m’a-t-elle répondu. Son Excellence Seydou Bouda m’a reçu. Il m’a dit qu’il ne connaissait pas les arguments pour l’acceptation du TEC. Il disait que c’était le Chef de l’Etat qui avait signé cette convention, et qu’il allait s’informer.

Je lui ai demandé de pouvoir revenir pour entendre sa réponse et il était d’accord. Mais il n’y a pas d’autre réponse que les arguments faux des Européens. Malgré mes visites fréquentes et de nombreux coups de téléphone, je n’ai donc plus jamais rencontré le ministre. C’est clair : il n’y a pas de réponse satisfaisante pour accepter le TEC. Le président a signé l’accord, alors qu’est-ce qui reste à faire au ministre ?

Qu’est-ce qu’il y a encore à faire ? La seule chose que je voie, c’est d’expliquer au plus grand nombre de personnes la catastrophe des APE.

1. Par les APE, l’Europe veut supprimer les douanes sur les importations de produits alimentaires dans notre pays.

2. Les Européens subventionnent ces produits et ce qu’ils n’arrivent pas à vendre ailleurs, ils le vendent en Afrique à des prix très bas.

3. Dans quelques années, les paysans ne pourront plus vendre leur maïs, leurs poules, leur mil, pas même leurs cochons et leurs bœufs.

4. Au début, les APE semblent un bien pour les citadins, car les prix baissent, mais après quelques années, tout notre argent partira à l’étranger et nous n’aurons plus d’argent dans notre pays pour payer les fonctionnaires et les ouvriers, et les gens n’auront plus d’argent pour soigner leurs enfants ou pour les envoyer à l’école.

Parlez de ces quatre points avec tout le monde ; si tout le monde en parle, cela ne se réalisera pas, car ailleurs on est aussi contre les APE. Cette fois-ci, c’est une question de vie ou de mort. La corruption empêche le développement, mais le APE détruisent ce que nous avons encore. Allez en petits groupes en parler aux maires ou aux hauts-commissaires. Parlez-en dans votre quartier, au sein de l’ONG dont vous êtes membres, aussi dans les équipes de foot et tout autre mouvement, même pas reconnu. Pas de manifestations, mais de petits groupes qui demandent pitié aux maires et aux hauts-commissaires. Les quatre points sont clairs. Pour une fois, vous pouvez faire quelque chose sans danger, sans avoir peur. Ce n’est pas contre le gouvernement, mais contre les Européens de mauvaise volonté.

Le commerce inéquitable du coton empêche les producteurs de coton de notre pays de sortir de la pauvreté, mais les APE détruisent ce qu’ils ont encore. Le président Blaise Compaoré a encore prononcé un très bon discours à Washington le 27 octobre contre les subventions du coton qui pénalisent nos producteurs de coton. C’est bien, c’est même très bien, mais le grand président du petit pays pauvre ne doit pas penser qu’il peut infléchir la politique des Américains ou des Européens et les amener à diminuer les subventions à leurs propres paysans. Blaise Compaoré doit faire dans son propre pays ce qui est possible : hausser les tarifs de douane. S’il dit qu’il ne peut pas, moi je dis que Thomas Sankara l’aurait pu et l’aurait fait. Blaise va le faire si beaucoup de gens le demandent.

Mesdames, messieurs, chers compatriotes (comme Blaise Compaoré aime à le dire), parlez entre vous des quatre points que j’ai mentionnés. Aucun danger politique, pas la peine d’avoir peur. N’oublions pas que la pauvreté est une très bonne source pour le terrorisme, qui nous touche peu, mais aussi une source de banditisme qui nous touchera de plus en plus. Je vous en prie, chers Burkinabè, parlez des APE et critiquez-les. Ce n’est pas pour moi-même, car je serai mort avant votre descente complète aux enfers, mais je vous exhorte à le faire pour votre propre bien et surtout pour le bien de vos enfants.

Essayons de développer notre pays et consommons burkinabè.

Les évêques du Sénégal ont dit : "Développez votre économie pour que le plus grand nombre bénéficie de sa propriété".

Il faut que cela change chez nous.

Bonne nouvelle : Les agriculteurs de la CEDEAO ont marché à Ouagadougou au moment où leurs chefs d’Etat devaient se réunir à Ouaga, les 23 et 24 décembre.

F.Balemans
B.P.332
Koudougou.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 26 décembre 2006 à 11:25, par innsa En réponse à : > Accords de partenariat économique : "Un danger pour le Burkina"

    Merci pour ton texte :

    - Ce que l’occident nous impose, c’est ce qu’ils se refusent eux a faire.
    Il continus a subventionner l’agriculture chez eux, mais nous imposent de ne pas le faire
    Ils refusent de privatiser les services publiques de premiere necessité chez eux, mais nous imposent de le faire.

    Au Burkina, on se retrouve avec du coton, mais rien a manger. Le riz qu’on mange est cultivé a 8000 km de chez nous.

    L’autosuffisance alimentaire est une base. Tant qu’on est dépendant des autres pour se nourrir, on est pas libre. On ne peut pas etre libre.

    La mondialisation crée encore plus de pauvreté.

    Les differents accords signées par nos pays sont a l’avantage de l’occident.

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