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Assassinat de Jean Hélène de RFI :la main tueuse est-elle le cerveau tueur ?

Publié le mercredi 5 novembre 2003 à 17h22min

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Jean Hélène n’était pas n’importe qui puisqu’il était journaliste ; il n’était pas non plus n’importe quel journaliste étant donné qu’il était le correspondant permanent de RFI en Côte d’Ivoire.

L’assassinat de cet homme ne pouvait donc pas relever des simples faits divers comme on en connaît tous les jours dans la métropole abidjanaise. Et puis, la main tueuse n’étant pas autre que celle d’un sergent de police, ça en rajoute à l’importance de la question.

Cela étant, l’on n’avait pas besoin d’être un érudit en sciences occultes ou en prophéties de malheur pour prévoir qu’un crime de ce genre pouvait arriver à Abidjan ; l’on n’a pas non plus besoin d’être ce genre de docte pour prévoir également que d’autres assassinats de ce type pourraient se produire en zone sous contrôle gouvernemental si ceux qui sont à même de forcer la main à Laurent Gbagbo et aux extrémistes de son camp restent les bras croisés.

En espérant que nous n’en arriverons pas là, il convient de se demander pourquoi Jean Hélène a été lâchement assassiné, si l’assassin a agi effectivement de son propre chef, qui avait réellement intérêt à supprimer cet homme de média que nombre d’auditeurs appréciaient et quelle peut être la part de responsabilité de chacun des protagonistes de la crise ivoirienne, de la CEDEAO et surtout de la France dans le drame.

A qui profite le crime ?

C’est la question classique dans ce genre de situation. Le sens commun répondrait : bien sûr à Laurent Gbagbo et à ses partisans. Il n’a pas tort, ce sens commun, puisque le travail de RFI, de la BBC et surtout de Jean Hélène a toujours été perçu par eux comme favorable aux Forces nouvelles, au Rassemblement des républicains (RDR) et au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) dans une moindre mesure ; mais en tout état de cause contre Laurent Gbagbo et le Front populaire ivoirien (FPI). Dès lors, il n’y a qu’à ces derniers que ce crime peut profiter.

Et puisque c’est à eux que le crime profite, ils ne sont pas loin (et là c’est un euphémisme) d’en être les cerveaux. Un autre argument conforterait cette thèse : ce n’est pas, surtout dans le contexte actuel de la Côte d’Ivoire, n’importe quel agent de police qui peut être concerné (professionnellement parlant) par la détention et la libération de militants de l’opposition. Autrement dit, ce sont des fonctionnaires de police "sûrs" quant à leur fidélité vis-à-vis du régime qui se voient confier ce genre de mission.

Cependant et aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’assassinat de Jean Hélène profite aux Forces nouvelles et à l’opposition politique dans la mesure où ils peuvent l’attribuer au régime en place et utiliser cette accusation pour réaliser une plus-value politique et diplomatique même si rien ne permet aujourd’hui de prouver que ce sont Laurent Gbagbo et les siens qui ont commandité ce meurtre. Dans cette logique, des pays tels que le Burkina Faso, accusé de soutenir les Forces nouvelles et le RDR, peuvent en imputer également la responsabilité au régime du FPI.

On le voit : ceux qui peuvent tirer profit de ce crime sont nombreux. Mais qui en est le responsable ? La main tueuse est celle d’un fonctionnaire de police qui aurait posé l’acte de son propre chef. A supposer que cela soit vrai, il y a des responsables indirects de cette situation qu’il ne faut pas hésiter à pointer du doigt.

Ces autres responsables de l’assassinat

D’emblée, l’on ne peut qu’indexer le régime Gbagbo dont les escadrons de la mort, les "patriotes", les médias "mille collines", etc., tuent, intimident ou anathémisent ceux qui ne pensent pas comme eux.

Autrement dit, ce ne sont pas seulement les militants de l’opposition qui sont terrorisés. Le sont aussi les personnes qui, sans être partisanes d’un camp ou de l’autre, cultivent une indépendance d’esprit. Médias, organisations non gouvernementales et personnes physiques qui tentent de prendre du recul pour appréhender les problèmes afin de proposer des solutions sont accusés de pactiser avec l’"ennemi" bien qu’ils n’épargnent pas cet "ennemi" dans leurs articles, rapports ou discussions.

On se rappelle ce qui est arrivé aux émetteurs relais d’Africa n°1, de la BBC et de RFI au lendemain du 19 septembre 2002 sans que l’on sache à ce jour qui a fait quoi et dans quel but. On se rappelle le charnier de Yopougon expédié depuis dans les oubliettes. Et que dire de l’assassinat du comédien H.
Aujourd’hui, des partisans du régime ont créé une association de soutien au policier assassin avec la bénédiction discrète du FPI.

Ensuite, la responsabilité de l’assassinat de Jean Hélène incombe à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Sous la présidence du président John Kuffuor du Ghana (que l’on sait favorable à Laurent Gbagbo), la CEDEAO a plus travaillé à sauver le régime ivoirien qu’à œuvrer pour l’application de l’Accord de Marcoussis.

Les grands-messes qui consistent à réunir tantôt les chefs d’Etat, tantôt les ministres des Affaires étrangères n’ont jusqu’à présent servi à rien. Or, il est su et admis par tous que sans des mesures coercitives à l’endroit du régime Gbagbo, l’Accord d’Accra II et celui de Marcoussis ne seront pas appliqués, et tant que ces Accords ne seront pas appliqués, la Côte d’Ivoire ne peut espérer retrouver sa stabilité et son éclat d’antan.

Enfin, il y a la France avec le louvoiement dû à des considérations liées à des intérêts économiques et à la politique intérieure française. Plus que la CEDEAO, c’est elle qui peut imposer au régime d’Abidjan l’application intégrale et rapide de l’Accord. Mais ne l’ayant pas fait et ne comptant apparemment pas le faire, elle a créé ces conditions favorables à l’épanouissement de l’extrémisme, de l’intolérance et donc de l’assassinat de Jean Hélène. Les exigences de vérité exprimées par le président français Jacques Chirac de passage récemment au Mali ressemblent plus à des coups de gueule de circonstance qu’à une détermination devant conduire à des changements qualitatifs au pays de feu Félix Houphouët-Boigny.

Qui a ordonné l’assassinat ?

Difficile à dire (même si l’agent de police affirme être et le cerveau assassin et la main assassine) car l’enquête indépendante réclamée par la France, RFI et les associations de journalistes n’a pas été effectuée. Ce qui fait dire à certains observateurs que le cerveau tueur est constitué de gros bonnets du régime tapis dans l’ombre et que la main tueuse ne serait que du menu fretin à qui l’on aurait dit de porter le chapeau contre des espèces sonnantes et trébuchantes.

L’enquête indépendante réclamée par la France, si elle est menée, permettra peut-être de lever un coin important du voile. Mais en attendant, cette France et cette CEDEAO paient, au prix le plus fort, leurs hésitations, leur inconstance et leur laxisme à travers le sacrifice de Jean Hélène et (qui sait) d’autres futures victimes emblématiques.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 26 juillet 2007 à 05:06, par Paul Isidore En réponse à : > Assassinat de Jean Hélène de RFI :la main tueuse est-elle le cerveau tueur ?

    A mon Avis quand on veut bien apprécier on le fait à sa juste valeur.
    Lorsque Canal+ a diffusé le film des attaques françaises en Côte d’Ivoire dans son emission "90 mn",
    Qui a Interdit sa rédiffusion ??? Pourquoi l’a t’on sensuré ???? n’est ce pas pour cacher des vérités ?
    Alors, dans ce cas il n’y pas que le regime africain de laurent Gbagbo qui a des choses à cacher mon frère.
    La mort de jean hélène profite bien aussi à la france comme à l’ONU vue qu’en tant que journaliste il pourrait aussi dénoncé
    n’importe quel organisme,parti,régime etc.
    Toi mon frère du Faso, veux tu me dire que tous les élément des forces de sécurité du FASO exerce uniquement sur ordre de leurs supérieur hiérachique ?
    Sais-tu que les anciens élèves militaires de St Sir sont presque tous aujourdhuit des espions en afriques au sevices de la france ???
    En période de crise, comme en guerre, peux tu controler à 100% une armée ??? la preuve le contiguent marocain employé par l’onu en CI viens d’être cantoné pour abus sexuel.
    Sinsinrement, je pense qu’en tant qu’afriquain tu devrais penser à solidariser tes freres en écrivant une bonne analyse.
    Jean Hélène est décédé par assinat, beaucoups d’autres personnes comme tes parents sont décédées par assinat et dont les auteurs sont connues (Rebelle du MPCI) et qu’aucun de tes puissances n’a voullus arrêter (France,ONU,CDEAO).
    Se focaliser sur qui as tué Jean Hélène en pointant du doigt un régime serait un crime humanitaire si l’on oublit et accepte que des rebelles ont attaqués la Côte d’Ivoire un 19 Septembre entrainant la mort de plusieurs millier d’innocents.
    NB : Tu devrais plutôt écrire que si Le mouvement de Soro guillaume n’avait pas pris les armes, Jean Hélène serai encore vivant.
    Si donc tu cherche un coupable, c’est bien ceux qui ont plonger toutes la Côte d’Ivoire dans cette crise meutrière.

    Paul Isidore

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