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Ambassades du Burkina : Lieux de sinécure ou postes de combat ?

Publié le mardi 19 décembre 2006 à 08h50min

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Quelle meilleure opportunité le Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères (SAMAE) pouvait-il trouver que la conférence des ambassadeurs et consuls généraux qui se tient du 18 au 20 décembre, pour égrener les problèmes du département ? En tant qu’organisation corporatiste, le SAMAE a, évidemment, défendu la nécessité de nommer des diplomates de carrière aux postes d’ambassadeurs.

S’il est vrai, comme l’indique le syndicat, que seul 6% des ambassadeurs sont de purs produits du ministère des Affaires étrangères, il s’avère impératif d’opérer un rééquilibrage pour éviter des frustrations qui pourraient porter préjudice à l’action de notre diplomatie. Il faudrait certainement, dans cette optique, aller de plus en plus vers un choix rigoureux d’ambassadeurs où les compétences techniques et les qualités de négociateur sont privilégiées.

Si le SAMAE, de par ses objectifs, fait à juste titre une fixation sur le fonctionnement interne de la maison, le commun des Burkinabè, lui, a d’autres préoccupations liées surtout à la qualité des prestations de nos ambassades, qu’elles soient dirigées par des professionnels ou pas.
Car, c’est par le degré d’écoute de nos concitoyens vivant sur leur espace de compétence que les ambassadeurs burkinabè effaceront peu à peu cette image d’"exil doré" collée à leur fonction.

Si les représentants du Burkina font souvent l’objet de critiques, c’est parce qu’ils ne laissent pas toujours percevoir qu’ils sont à des postes de combat qui exigent d’eux de grandes responsabilités.

A leur décharge, il faut reconnaître aux diplomates du Burkina les conditions difficiles dans lesquelles il leur arrive de travailler, en raison de la maigreur des ressources qui leur sont allouées. Mais le pays lui-même, classé parmi les plus pauvres au monde, peut-il se permettre les fastes d’un émirat pétrolier ?

Les conditions de pauvreté du Burkina appellent à une autre méthode d’action de ses diplomates qui ne soit pas essentiellement basée sur le niveau des ressources allouées. L’attention qui doit être accordée aux ressortissants vivant à l’extérieur dépend surtout du dynamisme de l’ambassadeur et de son sens de l’écoute.

Certes, l’ambassadeur est avant tout chargé d’entretenir des relations entre deux pays. Mais il ne peut ignorer le sort de ses compatriotes de passage ou vivant dans son pays de résidence. Cette tâche doit être plus visible et efficace car touchant à la sécurité et au bien-être de fils de la nation qui contribuent, à leur manière et de façon appréciable, au développement de la mère-patrie.

Qui ignore aujourd’hui l’apport des Burkinabè d’Italie à la construction de leur pays d’origine ? Parlons justement de l’Italie, ce pays qui abrite la plus forte communauté burkinabè en Europe. Alors que le nombre élevé de nos ressortissants aurait pu constituer un casse-tête et une source de problèmes pour notre pays, à l’instar d’autres communautés africaines en Europe, par l’action très inspirée de notre ambassadeur, il est devenu une source d’enrichissement mutuel entre les peuples italien et burkinabè.

C’est dire qu’un ambassadeur doit être le moteur de l’unité et du dynamisme de ses concitoyens plutôt que de les fuir comme la peste et de toujours invoquer leur ignorance de la législation du pays d’accueil en matière d’immigration. Ce discours, qui cache mal une fuite de responsabilité, n’a plus de sens dès lors que le compatriote a les pieds à l’extérieur. Les mises en garde sur les dangers de l’immigration illégale n’ont de signification que si elles s’inscrivent dans une démarche préventive dans le pays d’origine.

Pourquoi d’ailleurs nos ambassadeurs ne mettraient-ils pas à profit leur conférence biennale pour échanger avec le public à fort potentiel d’émigration sur les meilleures conditions pour une expatriation réussie ? Ce volet, normalement dévolu au Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger, est à l’abandon en raison même de la léthargie que connaît le Conseil. Or il faudra y penser, en raison de la présence de plus en plus importante de Burkinabè en Europe et surtout en Amérique.

Comment capitaliser cette nouvelle forme d’immigration ? C’est la question que devrait se poser chaque ambassadeur. Autant dire que nos représentants à l’extérieur doivent travailler à corriger leur image pour ne plus passer aux yeux de l’opinion pour des garçons de course de l’establishment politique national de passage ou des dignitaires politiques à qui on a offert un exil doré. Ils ont le devoir, dans cette nouvelle donne, d’être davantage à l’écoute de leurs compatriotes qui, soit dit en passant, leur facilitent la vie à travers un comportement généralement irréprochable.

Par ailleurs, et dans la même lancée, nos diplomates prouveraient qu’ils n’attendent pas que les Burkinabè de l’extérieur deviennent un enjeu électoral pour enfin s’occuper d’eux comme il se doit. Ne disposant pas du droit de vote, ils n’intéressent le pouvoir central que par le fruit de leur labeur. Les choses doivent changer et on verra si, avec le droit de vote, ils seront toujours considérés comme des citoyens de seconde zone.

Le Pays

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