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Diplomatie burkinabè : la vision de Blaise Compaoré

Publié le mardi 19 décembre 2006 à 08h53min

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Blaise Compaoré

A l’ouverture de la Xe conférence des ambassadeurs et consuls généraux du Burkina Faso, Blaise Compaoré a rappelé sa vision des relations internationales et les positions du Burkina sur les grandes questions du moment. L’intégralité de son discours.

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Présidents d’institution,

Messieurs les anciens Chefs d’Etat,

Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,

Honorables invités,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Consuls Généraux du Burkina Faso,

Au moment où s’ouvre la Xème Conférence des Ambassadeurs et Consuls Généraux du Burkina Faso, je voudrais accueillir avec fierté les acteurs de la diplomatie burkinabè dont l’œuvre remarquable consolide jour après jour notre réseau d’amitié et de coopération dans le monde.

Notre pays a su édifier, patiemment, tout au long du processus démocratique entamé en 1991, un Etat de droit assis sur des institutions crédibles et stables, et résolument engagé sur les chemins du progrès économique et social. Au cours de la dernière décennie, des réformes vigoureuses ont été engagées en vue de consolider les droits et les libertés démocratiques, et d’améliorer l’environnement économique du Burkina Faso.
Les effets positifs de ces transformations sont perceptibles au niveau des indicateurs économiques et sociaux qui sont en constante progression. Par ailleurs, notre pays se présente aujourd’hui comme une vitrine de l’art et de la culture à travers des manifestations de portée africaine et internationale.

Toutefois, les défis demeurent importants car le Burkina Faso évolue dans un monde en constante mutation, marqué par les effets de la mondialisation, la multiplicité des interdépendances et la persistance des conflits.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

La fin de la guerre froide et de la logique des blocs avait fait naître l’espoir d’une humanité définitivement réconciliée avec elle-même, l’espoir d’un monde de paix et de sécurité collective. Nous avions des raisons de penser que les valeurs communes partagées par tous et les principes fondamentaux gravés dans le marbre de la Charte des Nations Unies, seraient le socle sur lequel nous pourrions dessiner le nouveau paradigme des relations internationales du 21ème siècle. Nous espérions bénéficier des retombées avantageuses des formidables percées de la science et de la technologie, en appui à nos efforts de lutte contre la pauvreté.

Malheureusement, les effets pervers d’une mondialisation sans idéal humain, d’un marché générateur d’aliénations nouvelles, d’un effritement de la solidarité internationale nourri à la source de l’individualisme et de l’égoïsme des Nations, ont semé les germes du doute et parfois le désespoir sur les voies de nos espérances.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Consuls Généraux,

Votre conférence se tient à un moment où la paix et la sécurité internationales sont des sujets de préoccupation au regard de la persistance des foyers de tension qui entravent véritablement le développement de l’Afrique. A ce titre, le Burkina Faso s’est particulièrement investi durant son mandat à la présidence tournante du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, à la recherche de solutions aux conflits majeurs du Darfour, de la Côte d’Ivoire et au contrôle de la circulation des armes légères.

En Côte d’Ivoire, il faut rappeler que la résolution 1721 du Conseil de sécurité de l’ONU a défini un nouveau cadre institutionnel et temporel devant conduire à des élections libres et transparentes avant la fin de l’année 2007. Les parties signataires des différents accords doivent reprendre les concertations aux fins d’aboutir à une identification fiable du corps électoral et un traitement responsable de la délicate question de l’unification de l’armée.

De même, on ne peut raisonnablement abréger les souffrances iniques des populations du Darfour en excluant l’expertise des Nations Unies au traitement conséquent de cette tragédie.
Sur un autre chapitre, nous continuerons d’exercer avec bienveillance, notre mission de facilitateur à la mise en œuvre diligente de l’Accord Politique Global signé le 20 août 2006 à Lomé. Je salue les avancées notables enregistrées depuis lors, qui témoignent de la maturité de la classe politique togolaise pour cette nouvelle chance qu’elle donne à son peuple de se construire un avenir plus serein.

En République Démocratique du Congo, la sagesse qui a prévalu à l’annonce des résultats électoraux nous conforte dans notre conviction que face au péril collectif, les peuples africains sont capables de sursaut salutaire. Je souhaite que la signature du « Pacte de sécurité, de stabilité et de développement dans la région des Grands Lacs » puisse contribuer à ramener durablement la paix et la stabilité en Afrique centrale et orientale.

Au Proche et Moyen-Orient, le peuple palestinien qui doit impérativement reconstruire son unité politique, a le droit de disposer d’un Etat sûr aux frontières internationalement reconnues à côté de l’Etat d’Israël. Notre attachement à la liberté et à l’indépendance du Liban, aujourd’hui meurtri, demeure entier. En Irak, nous déplorons les nombreuses pertes en vies humaines et l’instabilité annoncée de la région. Nous soutenons la volonté du peuple et du gouvernement irakien, de prendre en main leur destinée.

Mesdames, Messieurs,

Les questions du nucléaire, du terrorisme et de la criminalité transfrontalière organisée s’imposent depuis quelques années à l’agenda de la communauté internationale. A ce sujet, le Burkina Faso soutient le droit des Etats à disposer de l’énergie nucléaire à des fins civiles mais condamne énergiquement son recours comme arme de destruction. C’est pourquoi, nous militons pour le renforcement des activités de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique dans le contrôle et la supervision des programmes nucléaires des Etats.

Nous rejetons fermement le terrorisme sous toutes ses formes, mais il importe de s’attaquer à ses germes et causes profondes que sont la misère, les inégalités, les exclusions, les déviances éducationnelles, l’intolérance religieuse et les injustices historiques.

La prolifération des armes légères et de petits calibres et la criminalité transfrontalière organisée sont autant de nouveaux défis auxquels nos Etats sont confrontés. C’est pourquoi, nous nous réjouissons de la transformation du moratoire de la CEDEAO en convention sur les armes légères et réaffirmons notre engagement à soutenir l’application des recommandations sur la question.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Les préoccupations de la Communauté Internationale ne se limitent pas au seul domaine de la sécurité et de la paix. La pauvreté, les contraintes de développement économique et social, accentuées par les pandémies, la crise énergétique, l’iniquité dans le commerce international et les défis environnementaux sont autant de problèmes majeurs pour nos Etats. Dans notre plaidoyer pour le commerce équitable, nous réaffirmons notre adhésion à toutes les initiatives visant à instaurer plus d’équilibre aux termes des échanges.

Les récentes journées européennes de développement, tenues à Bruxelles en novembre 2006, et le cinquième Sommet des pays membres du groupe Afrique - Caraïbes - Pacifique qui a eu lieu à Khartoum les 7 et 8 décembre 2006 ont été des occasions fortes, pour discuter de manière approfondie du processus devant conduire à la conclusion des Accords de partenariat économique, appelés à remplacer les différentes Conventions de Lomé et de Cotonou. Je forme l’espoir que ces accords prévus soient des instruments au service du développement et répondent aux intérêts des producteurs africains.

A cet égard, nous souhaitons une reprise rapide des négociations du cycle de Doha dans un esprit de partenariat véritable mutuellement avantageux.

Nous saluons également l’apport des autres mécanismes de promotion économique et commerciale tels que le Millenium Challenge Account et l’AGOA conçus et mis en œuvre par le Gouvernement américain.

S’agissant du problème de l’endettement, en dépit des allègements et annulations dont certains pays ont pu bénéficier notamment dans le cadre du G8, la plupart des pays africains continuent de souffrir du poids de la dette.

La flambée sans précédent des cours du pétrole et les caprices de la pluviométrie représentent pour les populations, des handicaps majeurs dans la conduite des programmes de développement. C’est pourquoi, il nous faut envisager des solutions innovantes à la crise énergétique en associant tous les acteurs pour développer des sources d’énergies durables et renouvelables, et instaurer une solidarité plus agissante entre pays producteurs et non producteurs.

Cette solidarité internationale concertée devrait être aussi forte et concerner les questions spécifiques telles que les migrations, la désertification, la pollution et le réchauffement climatique.

Mesdames, Messieurs,

Le Burkina Faso devrait oeuvrer plus à la promotion du capital humain pour son rayonnement international. La politique de valorisation de l’expertise déjà prise en charge par la Commission de Promotion de l’Expertise Nationale, sera renforcée par la mise en place d’une Agence de coopération technique et culturelle.

En outre, le Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger devrait bénéficier de l’appui de l’Organisation Internationale des Migrations à travers le projet Migration Internationale pour le Développement en Afrique.

Pour notre part, il est heureux de constater que certains engagements pris connaissent déjà un début de concrétisation.
C’est en cela que nous nous réjouissons de l’initiative française de prélèvement des taxes sur les billets d’avion qui a permis la création d’un fonds de lutte contre le VIH-SIDA, la tuberculose et le paludisme.

Nous en appelons à la souscription d’un plus grand nombre d’Etats au regard de l’ampleur des défis à relever.

Mesdames et Messieurs,

A l’heure de la formation des grands ensembles sous régionaux et régionaux, le Burkina Faso a toujours marqué son attachement à l’accélération des processus d’intégration. Plusieurs actions témoignent de la disponibilité de notre pays :
- la tenue à Ouagadougou les 30 et 31 mars 2006 de la réunion des Ministres africains chargés de l’intégration sur la rationalisation des Communautés économiques régionales ;
- les assemblées annuelles de la Banque Africaine de Développement et de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique tenues à Ouagadougou du 10 au 18 mai 2006 ;
- l’organisation annuelle par la Commission nationale de l’intégration, des Journées des communautés vivant au Burkina Faso ;
- la tenue des Conférences au sommet de la CEDEAO et de l’UEMOA, respectivement les 22 et 23 décembre 2006 à Ouagadougou, à un moment où les réformes institutionnelles dans notre espace communautaire vont entrer dans leur phase opérationnelle.

Je reste convaincu que notre avenir passe nécessairement par une intégration économique et politique renforcée, et une solidarité régionale plus agissante.

De nouveaux horizons de la coopération internationale s’ouvrent à nous de l’Amérique à l’Asie. Le récent sommet Afrique/Amérique du Sud tenu à Abuja le 30 novembre 2006 en est une illustration. Les peuples frères d’Afrique et d’Amérique latine ont jeté ce jour là, les bases d’une coopération assortie d’un projet de partenariat Sud-Sud tel que nous l’avons toujours souhaité.

Mesdames et Messieurs les Ambassdeurs et Consuls Généraux,

Réitérant notre foi au multilatéralisme et à l’universalisme, nous œuvrerons à donner à l’Organisation des Nations Unies, l’efficience attendue face aux nouveaux défis.

Au moment où Monsieur Kofi Annan s’apprête à quitter ses fonctions de Secrétaire Général, je lui réitère mes félicitations pour l’excellent mandat qu’il a accompli au service du développement, de la paix, de la promotion des droits humains et de la justice internationale.

Puisse Monsieur Ban Ki-moon, qui a le redoutable honneur de conduire l’Organisation des Nations Unies, inspirer sagement notre époque historique caractérisée par des attentes immenses.

Le système des Nations Unies est l’expression la plus achevée du multilatéralisme et le fer de lance de cette gouvernance mondiale que nous appelons de tous nos vœux.

Plus que jamais, l’organisation mondiale, ainsi que les institutions financières internationales doivent être réorganisées en se conformant aux évolutions et aux réalités de l’économie mondiale et des relations entre Nations.

Dans le même ordre d’idées, nous estimons à cet égard que la République de Chine (Taiwan), avec ses vingt trois millions d’habitants, doit jouir de ses pleines prérogatives sur la scène internationale. C’est une question de droit et de justice.

Mesdames et Messieurs,

Le Burkina Faso a tissé un important réseau relationnel avec de nombreux pays et organisations à travers le monde. Nous travaillerons au renforcement et à l’élargissement de cette coopération.
Au cours de ces dernières années, la diplomatie burkinabè a remporté des succès qui ont contribué à la consolidation de notre démocratie et au développement de notre pays.

Toutefois, les défis à relever restent nombreux pour assurer le bien-être continu de notre peuple et le rayonnement international de notre pays.

C’est pourquoi, j’ai accepté de conclure le 20 décembre 2005, un nouveau contrat avec la nation sur la base d’un programme “Le progrès continu pour une société d’espérance”. Cet engagement personnel que j’ai pris pour l’avenir, vise à mobiliser tous les Burkinabè sans distinction autour de notre ambition légitime : faire du Burkina Faso, un pays émergent.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Consuls Généraux,

J’attends particulièrement de vous, non seulement une appropriation du programme, mais aussi votre mobilisation indéfectible pour la mise en œuvre de l’axe 6 “le rayonnement international du Burkina Faso”.

Je vous exhorte à poursuivre et à approfondir la réflexion engagée par votre département depuis janvier 2006 en vue de traduire en actions concrètes, les objectifs suivants définis pour promouvoir davantage l’image de notre pays :
- la consolidation de la place du Burkina Faso en Afrique et dans le monde ;
- la contribution à l’intégration sous-régionale et continentale ;
- la promotion de la paix et la sécurité dans le monde.

En tant que représentants du Burkina Faso auprès des autres Nations et peuples frères et amis, vous avez une mission noble et exaltante.
Il vous appartiendra de vous investir dans la prospection et l’aide à la mobilisation des ressources indispensables à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement et du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté .

Le gouvernement a reçu des instructions pour continuer de vous accompagner dans le bon accomplissement de vos missions.

Je vous invite donc à travailler avec abnégation et esprit d’initiative, au développement et au renforcement des relations du Burkina Faso avec les autres Etats et organisations internationales pour un plus grand rayonnement de notre pays.

En souhaitant plein succès à vos travaux, je déclare ouverte la dixième Conférence des Ambassadeurs et Consuls Généraux du Burkina Faso.

Je vous remercie.

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