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POUVOIR A VIE : Mode d’emploi

Publié le vendredi 16 avril 2004 à 07h19min

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C’est le sport favori de plusieurs chefs d’Etat africains : profiter
pleinement des délices du pouvoir et manoeuvrer contre vents et
marées, pour s’éterniser au trône. Pour y parvenir, ils ne
manquent pas d’imagination. L’une des règles d’or en la
matière, c’est de tripatouiller les textes fondamentaux de l’Etat.

Ouvrant ainsi la voie au pouvoir à vie. Dans un tel contexte, la
transparence dans la gestion des affaires publiques vole en
éclats, laissant libre cours à des pratiques obscènes. Les
espoirs de développement sont ainsi pris en otage par une
minorité agrippée au pouvoir. Il suffit de porter un regard
rétrospectif sur le parcours de l’Afrique pour s’en convaincre. A
plusieurs reprises, le continent a pataugé dans les eaux sales
de la malgouvernance qui l’empêche réellement de s’émanciper
afin de faire face aux grands défis de l’humanité. Certes, il y a
des exceptions. Certains chefs d’Etat se sont pleinement
dévoués pour la cause de l’Afrique. Mais très vite, ils ont été
réduits au silence par ceux qui se considèrent comme étant les
puissants parrains du jour. Très souvent, leurs détracteurs
bénéficient des bénédictions de certaines puissances
occidentales. Ces dernières font et défont les pouvoirs africains
en fonction de leurs intérêts stratégiques et économiques.
Sinon, comment comprendre que la France par exemple donne
sa caution à des régimes dictatoriaux ? Soit par une approbation
officielle, soit par un silence coupable. Du coup, l’on a le
sentiment que le fameux discours de la Baule dont Paris s’en
orgueillissait était simplement distillé pour se donner bonne
conscience. Pauvre françafrique ! Que de rapports d’intérêts
entre des clubs d’amis ou des groupes claniques . Et ce sont
les populations qui ploient finalement sous le lourd fardeau de
ces pratiques malsaines. Conséquence : les cumuls de
frustrations entraînent des réactions souvent virulentes. Dans le
cas extrême, ce sont des coups d’Etat avec leurs lots de
désolation.
Quarante ans après les indépendances officiellement
proclamées, l’Afrique continue d’être à la périphérie des grandes
décisions mondiales. Comme si les Africains eux-mêmes
étaient incapables d’inventer leur avenir. Pourtant, cela est
possible. A condition que les pouvoirs africains s’inscrivent dans
cette logique. Quelques chefs d’Etat ont réussi le pari même si,
il faut le reconnaître, le processus démocratique a besoin
davantage de sève nourricière. On avait cru que le vent de la
démocratie des années 1990 ouvrirait la voie à un réel contrat
social entre gouvernants et gouvernés. Mais cette dynamique
tant espérée s’est vite réduite en chimère. Par la faute des
Africains mais aussi par celle de leurs puissances tutrices. La
France, à l’origine de cet élan de démocratie dans les pays
francophones, semble jouer un double jeu, créant ainsi des
foyers de tension dans certains pays africains. Comme si les
Etats sont des "machins" qu’on peut manipuler à sa guise sans
être inquiété outre mesure. L’Afrique se retrouve ainsi dans une
zone de turbulence permanente sans jamais cerner les
conséquences de ses inconséquences.
La France est souvent retombée dans ses travers
colonialistes. A ce sujet, l’Afrique anglophone fait plus preuve de
dynamisme et de refus de cette "fatalité" par rapport à celle
francophone. Déjà pendant la période coloniale, les rapports
des colonisateurs français et anglais avec leurs colonies étaient
différents. Au moment où les premiers donnaient du poisson à
leurs "sujets", les seconds apprenaient aux leurs à pêcher. Les
modèles de développement en Afrique francophone et
anglophone semblent être calqués sur cette image historique.
Si à la proclamation des indépendances dans les années 1960,
on pouvait supposer que l’Afrique n’était pas encore apte à
s’inscrire dans la dynamique démocratique, il est révoltant de
constater que quarante ans après, le continent est toujours à la
traîne. Il est enfin temps que le continent noir mette... en branle
un dispositif de transparence et d’efficacité dans la gestion des
affaires publiques. En clair, il faut un réel contrat social entre
gouvernants et gouvernés. Et cela n’ est possible que dans un
contexte permanent de bonne gouvernance, d’ élections justes
et transparentes, de la culture démocratique. Au temps colonial,
les élections et autres référenda étaient transparents, soucieux
du choix politique de l’électeur. En témoignent les élections
territoriales où ceux qui étaient élus n’étaient pas toujours, loin
s’en faut, les chouchous du colonisateur. En témoignait
également le référendum de 1958 en Guinée où le peuple
guinéen avait rejeté la communauté. Il est dommage que nous
n’ayons pas gardé comme legs colonial cette transparence.
Faut-il se résoudre à admettre qu’après le colonisateur, les
Africains ont signé un pacte avec les fraudes électorales, le
tripatouillage des constitutions, la mal gouvernance, toutes
choses qui font le malheur de ce continent, berceau de
l’humanité ?

"Le Pays"

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