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Obsèqe du Pr Ki-Zerbo : Le fils entre le père et la mère

Publié le mardi 12 décembre 2006 à 07h25min

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Depuis le vendredi 8 novembre, le professeur Joseph Ki-Zerbo repose dans l’enceinte du domicile familial de Toma, entre les deux tombes dans lesquelles gisent son papa et sa maman. Le moins que l’on puisse dire est que, de par l’affluence monstre, les cérémonies marquant l’inhumation du célèbre historien resteront longtemps dans les esprits des Tomavillois.

En ce début de journée, le petit frère du décédé, Jean Gualbert Ki-Zerbo, énergique vieillard de 72 ans, est occupé à astiquer les marches de l’escalier carrelé qui mène à la tombe où repose le papa. Dans l’enceinte de l’église Sacré-Cœur de Toma, Sœur Noèlie Koussoubé, quant à elle, s’active à mettre des nappes immaculées sur l’hautel de la paroisse.

Au dehors, l’instituteur Sylvain Ramdé a une autre préoccupation : expliquer à une ribambelle d’enfants comment on insuffle de l’air dans de petits ballons multicolores sans les faire éclater. C’était le 7 décembre 2006, la veille de l’enterrement du Pr Joseph Ki-Zerbo ; et le point commun de tous ces travailleurs, c’est l’arrivée du corps de l’historien, prévue pour le soir, et les obsèques, le lendemain.

Et ces trois personnages ne sont pas les seuls à être conscients de l’importance de l’événement. En effet, depuis sa mort, annoncée le 4 décembre 2006, les habitants de cette ville, chef-lieu de la province du Nayala, étaient conscients que leur patelin allait être l’épicentre de manifestations entrant dans le cadre de l’inhumation du premier professeur agrégé d’Histoire de l’Afrique francophone.

Au jour J-1 donc, ça bougeait dans la ville. Il suffisait de constater l’effervescence dans le centre-ville, surtout ce ballet incessant de véhicules qui venaient de Bobo, de Ouahigouya et de la capitale du Pays des hommes intègres qu’est Ouagadougou pour se rendre compte qu’un événement se préparait.

D’ailleurs, l’on ne pouvait se tromper sur le statut de voyageur de ces messieurs et dames qui venaient d’ailleurs. Leur principal signe distinctif étant la poussière sur leur corps. L’affluence était surtout perceptible dans les débits de boissons.

Certainement que Toma doit occuper un rang honorable dans la liste de villes burkinabè qui ont le plus grand nombre de débits de boissons au kilomètre carré. Si fait qu’il y a même des vendeuses de dolo (bière de mil) ambulantes qui évitent au buveur potentiel de raser les murs. En somme, un service de proximité en pleine période de mondialisation.

Le 7 décembre est le jour J. Le cortège accompagnant la dépouille mortelle de celui qui a écrit « A quand l’Afrique ? » était prévu pour entrer dans la ville vers 17 heures.

Conséquence, le comité d’organisation a décidé de son accueil dès l’entrée de Toma, avant le poste de gendarmerie. Une heure avant, élèves du primaire et du secondaire, troupes de danses avaient déjà rejoint le site. A cet endroit, l’ambiance était loin d’être funèbre. Au contraire, elle était aux plaisanteries, à l’image de ce masque qui s’est emparé d’un enfant.

Tant les joueurs d’instruments de musique et les porteurs de masques rivalisaient d’ardeur dans l’animation. Et la présence des élèves, qui étaient pour la plupart dans leurs uniformes, donnait à l’atmosphère une gaieté bon enfant.

Il était prévu qu’à l’entrée de sa ville natale, « le Professeur » ait droit à un bain de foule qui resterait longtemps gravé dans les mémoires. Mais malheureusement, c’était sans compter avec les multiples arrêts, souvent non programmés, du cortège funéraire, de Ouagadougou à Toma.

Las donc d’attendre, surtout en cette période d’harmattan froid, certains accueillants se sont plutôt déportés sur la place centrale de la ville. Le gros de la troupe a préféré rejoindre le domicile familial des « Ki-Zerbo ». Aux environs de 19 heures, un ballet impressionnant de véhicules commence à déferler sur ce qu’il convient d’appeler l’avenue Kwamé N’Krumah de la ville.

Les fusiliers s’en donnaient à cœur joie et du rond-point central au domicile de la famille éplorée, les nombreux marcheurs étaient parfumés par une odeur de poudre piquante. Après de grandes difficultés pour se frayer un chemin, tellement la foule était compacte, l’ambulance qui porte le corps entre dans la cour. Des chants funéraires traditionnels seront scandés tout au long de la nuit.

Le 8 novembre 2006, c’est le jour de l’inhumation. Très tôt le matin, les Tomavillois sont réveillés par les coups de fusils. Dès 8 heures, la cour était bondée de monde et ressemblait à une fourmilière. Aux alentours, c’était une véritable marée humaine. Parmi les arrivées remarquées pour saluer la dépouille, celle de Gérard Kango Ouédraogo.

Pour l’occasion, il était accompagné de la « Troupe Rélwendé » du secteur 6 de Ouahigouya, dont la cantatrice principale s’époumonait à énumérer les ancêtres du « Duc du Yatenga ». Avant le départ du cercueil portant l’illustre disparu pour la paroisse, une prière a été faite à domicile par Mgr Anselme T. Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso.

La messe qui sera officiée par l’évêque de Dédougou-Nouna, Mgr Zéphirin Toé, prendra trois bonnes heures. Et la raison en était toute simple : lLes organisateurs ont préféré que tous les témoignages de parents, amis, collègues historiens et compagnons politiques du regretté se fassent dans l’enceinte de l’église Sacré-Cœur de Toma, construite depuis 1913.

La procédure était aussi stratégique. Parenté à plaisanterie oblige, il ne fallait surtout pas donner le temps et l’occasion « aux ennemis » du jour (leurs parents à plaisanterie mossis pour ne pas les citer) de s’organiser pour faire de la surenchère avant la mise en terre de l’historien samogho.

A l’ensevelissement du corps, l’on aura constaté que cette stratégie s’est révélée payante. Cette fois-ci, les revendications des parents à plaisanterie ont été vite étouffées dans l’œuf, contrairement à ce qui s’est passé sur l’étape Ouaga-Toma.

En effet, des riverains d’ethnie mossi ont arrêté le long cortège, qui n’a pu continuer son chemin qu’après avoir remis de l’argent dont la totalité remonte à 200 000 francs CFA. Ces empêcheurs de tourner en rond d’une matinée se sont aussi payé le luxe de mettre à genoux bien des personnalités, et non des moindres, qu’il serait téméraire d’énumérer de peur des procès pour diffamation. Ces braves sujets ont-ils tout simplement respecté à la lettre le communiqué qui avait été cosigné par les plus hauts dignitaires mossis ?

L’annonce, parue dans notre édition du jeudi dernier, était la suivante : « Autorisation est donnée à toute localité moagha traversée par le cortège funèbre d’exiger et de prélever les droits coutumiers d’usage sous peine de mise en fourrière de la précieuse dépouille du grand Samogho. Le présent communiqué sera publié et affiché partout où Moagha sera. A bons entendeurs, bons Samos ! ».

Depuis le 8 décembre 2006, ce « grand Samo » repose à l’intérieur du domicile familial. Pour le petit constat, il faut reconnaître que le fondateur du MLN, de l’UPV, du FPV et enfin du PDP/PS est bien entouré. Puisqu’il repose entre ses géniteurs : le premier baptisé de Haute-Volta, Alfred Diban, décédé en 1980, et Thérèse Ki, disparue en 1984.

Issa K. Barry

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