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Afrique : La classe politique refuse la démocratie

Publié le samedi 9 décembre 2006 à 08h51min

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Comme pour paraphraser le titre d’un ouvrage qui n’est plus à présenter : "Et si l’Afrique refusait le développement", on pourrait dire que la classe politique africaine refuse la démocratie. Et ce ne sera pas le spectacle affligeant que nous offrent les partis politiques et les politiciens de nos Etats qui démentira cette réalité, tant la question de l’opposition politique et de l’alternance reste toujours posée.

La République du Sénégal, retenue souvent comme le modèle de la démocratie en Afrique noire, depuis que le mouvement SOPI a porté au pouvoir le président Abdoulaye Wade en 2000, serait-elle en train de décevoir, si l’on pense à la situation que vit actuellement l’opposition dans ce pays ?

En effet, à peine sont-ils arrivés à une espèce de consensus consacré par le "Programme commun", que les leaders politiques sénégalais s’entre-déchirent autour de la personnalité et du parti que le groupe retiendra comme candidat unique de l’opposition pour l’élection présidentielle future, en vue de battre Abdoulaye Wade, si celui-ci venait à briguer un nouveau mandat de 5 ans.
C’est vrai que, quelque part, le président Wade a déçu. En conséquence, c’est légitimement qu’on s’accorde pour exiger son départ du pouvoir, et que le besoin d’alternance, dont il a su profiter hier seulement, se concrétise pour d’autres.

Mais quel sera alors le prix à payer, notamment par les partis qui se sont regroupés pour s’assurer plus de chance de réussir ?

En partant en rangs dispersés, l’opposition sénégalaise programme son échec. Tout comme, pour les mêmes raisons de fond (volonté effrénée de leadership, absence de démocratie à l’intérieur des partis, et entre les partis de l’opposition...), "Alternance 2005" a échoué au Burkina Faso tandis que les exemples du Togo, de la RDC restent encore vivaces dans l’esprit des peuples africains.

Au-delà de la disposition naturelle des partis au pouvoir à travailler systématiquement contre l’union des partis de l’opposition (ce qui est, du reste, de bonne guerre), la question fondamentale demeure de savoir quels sont les fondements des partis politiques dans nos pays. En un mot, quels sont les mobiles qui président à la création d’un parti politique ? Les motivations profondes des créateurs ? Comment comprendre qu’un pays comme le Burkina Faso se retrouve avec une centaine de partis politiques, si l’on admet qu’un parti doit être l’incarnation d’un projet de société qu’on s’engage à réaliser une fois le pouvoir conquis ?

Feu le président Senghor avait retenu pour le Sénégal le principe d’un multipartisme limité à trois partis, correspondant à ce qui représentait, à ses yeux, les trois modèles de société possibles : le communisme, le socialisme et le libéralisme. Il ne s’agit pas ici d’apprécier ce point de vue que d’aucuns ont vite fait de qualifier d’antidémocratique.

Au Faso, sous le régime de feu Sangoulé Lamizana, on avait aussi limité le nombre de partis acceptables "constitutionnellement".

En fait, l’anarchie dans la création des partis politiques ayant conduit à la multiplication exagérée des formations politiques en Afrique contemporaine cache mal l’inspiration individuelle et subjective originelle de leurs promoteurs, et la nature de la vision africaine de la politique en général.

Pour l’essentiel, et au-delà de toute considération idéologique qui sert, sous certains cieux, de justificatif, les partis ou alliances entre partis politiques se créent non pas pour produire un "gâteau" spécifique et original, mais pour le partage du gâteau "traditionnel" en s’efforçant d’être le mieux positionné par rapport au plat. Ce sont des partis "conjoncturels" "circonstanciels", voire "événementiels", "alimentaires", créés parfois sur des sautes d’humeurs, ou des ambitions personnelles qui ont du mal à se concrétiser.

Dans de telles conditions, il est évident que les travers décriés de nos jours, tels que le nomadisme politique, le clientélisme, les retournements de vestes, les alliances contre-nature... sont inévitables, et les chances de l’alternance encore plus lointaines. Le démocratisme, avatar de la démocratie, sert de référence légale à ce foisonnement illogique de partis politiques qui naissent, disparaissent, se compromettent et se prostituent avec la même légèreté et la même désinvolture qui les ont fondés.

Ce démocratisme qui signe le règne de la médiocrité intellectuelle et morale arrange froidement les pouvoirs en place. Les divergences, rarement d’orientations ou de choix de modèles de société à bâtir, mais, souvent, nées du leadership, de considérations ethniques ou régionalistes, empêchent une véritable union des partis de l’opposition pour l’alternance.

En cela, déjà, le démocratisme tue la démocratie et montre que beaucoup de partis politiques africains ne veulent pas, en réalité, de la démocratie véritable. Très peu, y compris leurs promoteurs, y survivraient.

Si seulement, en toute démocratie, on reprenait les conditions imposables à tout candidat à la candidature, un peu comme ce qui se passe en France, par exemple, avec l’obligation de réunir au préalable un certain nombre de signatures de certaines catégories de personnalités !

Cela éviterait, à coup sûr, les candidatures fantaisistes, les partis de circonstances subjectives, tout en facilitant les alliances logiques fondées sur une relative communauté idéologique, de choix de régime social, donc plus durables et, partant, plus efficaces à garantir une alternance positive. Sinon, ce sera "lève-toi pour que je m’installe", "tu as trop bouffé", "laisse-moi maintenant en faire de même à mon tour". Et toutes les fois, sur le dos du peuple.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 9 décembre 2006 à 17:16, par Badnerr AKA Talg-Biga En réponse à : > Afrique : La classe politique refuse la démocratie

    Une analyse digne d’intérêt : La mangécratie a pris le pas sur notre jeune démocratie en Afrique.
    Il faudra aussi pointer du doigt la question des nous autres du peuple et/ou de la société civile... « manipulé, spécialiste des marches de soutien... » (Badnerr, 2005). A tel enseigne qu’au Burkina Faso par exemple, des gens étaient prèts « à vendre du sable pour soutenir la candidature de Blaise COMPAORE » qui selon eux, pourrait se substituer au manque de pétrole dans notre pays... (Je ne sais pas si ces derniers le pensent toujours).

    Bref, faudrait-t-il qu’on donne alors raison au Groupe de RAP Sénégalais Positive Black Soul lorsqu’il disait ceci dans une de leurs chansons (Le bourreau est noir) : « Démocratie c’est pas pour nous pour ce système on est pas mûr...???? »

    L’apprentissage est certes douloureux mais nous devons persévérer et ne pas perdre espoir car « si nous nous couchons, nous sommes morts !!! » (J K ZERBO, rest in peace).

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