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Antoine Zongo, petit frère de Norbert Zongo : "Je n’ai pas peur de la mort"

Publié le samedi 9 décembre 2006 à 08h49min

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Le ranch créé par Norbert Zongo, le Safari Sissili, est confronté à certaines difficultés. Campagne de désinformation pour dissuader les chasseurs et les touristes de s’y rendre, manque de soutien. Mais les gestionnaires du Safari Sissili n’entendent pas céder au désespoir.

L’un des frères de Norbert Zongo, Antoine Zongo, responsable du ranch, est formel : « Je ne baisserai pas les bras. » Il évoque aussi le non-lieu prononcé par la justice en faveur de Marcel Kafando suite au drame de Sapouy et bien d’autres sujets. Nous l’avons rencontré du 2 au 4 décembre 2006 au ranch.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans ce ranch depuis 1998 ?

Antoine Zongo : Après la mort de Norbert Zongo, nous avons tenté d’abonder dans le même sens que lui. Certes, nous avons des moyens humains mais les moyens financiers nous manquent. Cependant, chaque jour, nous oeuvrons pour que la situation s’améliore. Nous avons renové plusieurs infrastructures, notamment le bar, le restaurant, la cuisine, le château, etc.

Nous avons construit d’autres cases et des bungalows. Norbert avait construit plusieurs habitations pour accueillir les visiteurs, mais suite à sa disparition, certaines sont tombées en désuétude par manque de moyens. Nous avons donc supprimé certains bungalows.

Au départ, nous avons eu quelques petites difficultés au niveau de la gestion, certainement parce que nous n’avions pas la même expérience et les mêmes qualités que Norbert. Mais au fil du temps, nous nous améliorons.

Quels sont vos projets ?

Nous envisageons de construire un autre campement doté peut-être de cinq bungalows, d’un bar, d’un restaurant, etc. Nous allons développer ce deuxième campement pour le tourisme de vision.

Rencontrez-vous des difficultés particulières, liées notamment à la politique ?

Depuis que j’ai voté en 1991 pour le référendum, je n’ai plus voté si ce n’est à la présidentielle de 2005. Je sais quel sort les politiciens réservent aux populations après les élections. Je me suis donc dit, après 1991, que je ne voterais pas quelqu’un qui viendrait narguer les paysans et repartir. Ici, nous subissons négativement les conséquences politiques. Les gens ne viennent pas directement à nous mais ils travaillent dans l’ombre...

C’est-à-dire...

Il y a plusieurs ONG qui travaillent dans le domaine de l’environnement mais aucune ne nous a soutenu depuis que nous sommes là.

Et l’Etat ?

Nous n’avons pas reçu un seul franc de l’Etat.

Il semble pourtant que d’autres ranchs ont du soutien...

Il y a effectivement d’autres ranchs qui sont très soutenus. Des gens plus riches que nous gagnent des projets de construction de retenues d’eau, de pistes, etc. Mais nous n’avons reçu aucun kopeck.

En avez-vous fait la demande ?

J’ai évoqué ces problèmes plusieurs fois lors de nos rencontres. Mais il n’y a pas eu de suite favorable.

Qu’est-ce qui justifie le fait que ni les ONG, ni l’Etat ne vous soutiennent ?

En réalité, après les événements de 1998, très peu de gens osaient venir au ranch de peur d’être étiquetés par le pouvoir. Cela pouvait leur créer des problèmes. En plus de cela, il y a eu de la désinformation sur le ranch, tant au Burkina qu’à l’extérieur, pour éviter qu’il y ait des visiteurs.

En 1999, par exemple, il y a eu un accrochage malheureux entre mes pisteurs et un braconnier. J’ai été convoqué à la gendarmerie où mes pisteurs ont été entendus. A 12h30, les gendarmes m’ont dit que je serais auditionné à 15h. Vers 14h, j’ai appelé la famille à Ouaga pour lui dire comment la situation évoluait. Mais certains m’ont dit qu’ils ont entendu à la télé que j’avais déjà été auditionné à la gendarmerie dans le cadre de l’enquête préliminaire.

Pourtant, il n’en était rien en ce qui me concerne. Un journal a même écrit que dans ce ranch, nous tuons les braconniers et nous les enterrons à la hâte dans les termitières. La DCIR est venue faire 72 heures ici pour nous surveiller. Certaines personnes sont même venues en tant que chasseurs nationaux, mais en réalité, ce n’était pas dans l’objectif de chasser, mais elles étaient là plutôt pour mener des enquêtes.

D’autres sont venues, nous nous sommes très bien occupés d’elles parce que nous estimions que leur simple présence est un signe de soutien. Mais une fois à Ouagadougou, ces personnes se sont livrées à une campagne de désinformation et d’intoxication. Certaines sont même allées dire que le ranch est mort et qu’on y trouve plus rien.

Avez-vous été l’objet de menaces particulières ?

Depuis les événements de 1998, je n’ai confiance en personne. J’ai vu comment Norbert vivait avec ses amis. Mais aujourd’hui, aucun d’entre eux ne fait preuve de franchise et de courage. Quand je suis à Ouaga, je reste généralement à la maison. Si j’ai des courses, je les fais et je retourne immédiatement.

Le pouvoir vous a-t-il déjà contacté après la mort de Norbert Zongo ?

Le pouvoir ne viendra même pas me contacter. Je ne vois pas qui ils vont envoyer. Je ne ferme pas les yeux sur certaines choses. Je n’ai plus rien à perdre ; je n’ai pas peur de la mort. Franchement, je ne crois pas que le pouvoir oserait directement me contacter pour quoi que ce soit. Pendant la journée nationale de pardon qu’ils ont décrétée, j’ai entendu dire qu’une personne est allée rencontrer des membres de la famille pour savoir leur réaction. Elle ne m’a pas directement contacté, mais un jour je l’ai vue et je lui ai dit que si ce qu’on dit qu’elle a fait est avéré, alors qu’elle fasse tout pour que nos chemins ne se rencontrent pas. Elle m’a dit que ses propos avaient été mal interprétés.

Quelles leçons fondamentales avez-vous retenues de Norbert Zongo ?

Norbert Zongo m’a beaucoup transformé. Certes, j’avais du courage pour le travail mais il m’a davantage encouragé. Je m’énervais également vite mais grâce à lui, ce n’est plus le cas.

Comment appréciez-vous le non-lieu prononcé par la justice en faveur de Marcel Kafando, le seul inculpé dans l’affaire Norbert Zongo ?

J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui se tramait. Avant que le non-lieu ne soit prononcé, le film « I comme Icare » est passé à la télé. J’ai alors envoyé des messages à certains membres de la famille et à des amis pour leur dire que je pressentais que quelque chose se passerait. Mais je ne savais pas au juste de quoi il s’agissait. Après le non-lieu, certains m’ont contacté pour me dire que j’avais raison. Ceux qui ont fait cela peuvent continuer de faire ce qu’ils veulent mais je ne baisserai pas les bras.

Qu’allez-vous faire ?

Je lutterai à ma manière pour faire comprendre que je suis mécontent. Je connaissais les personnes assassinées ; c’est moi qui ai identifié les corps, j’ai vu ce qu’il en restait. Je ne peux pas ne pas être indigné. Non, je ne baisserai pas les bras.

En termes de perspectives, comment percevez-vous l’idéal Norbert Zongo ?

Nous ne pouvons pas être comblés mais nous souhaitons que les gens soient vraiment des Burkinabè. Pour terminer, je voudrais dire que j’entends les journalistes parler de Norbert Zongo et du journalisme. Mais beaucoup ne parlent pas de ce qu’il a fait pour la protection de l’environnement. J’ai déjà proposé à certains journalistes qui lui étaient proches d’organiser une journée de recueillement au campement du ranch. Mais jusqu’à présent, c’est le statu quo. Il faut que les journalistes s’arment davantage de courage.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK

Le Pays

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