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Développement du Burkina : Grandes idées, petites réalisations

Publié le lundi 4 décembre 2006 à 07h29min

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Le visiteur qui arrive chez nous doit certainement se demander pourquoi ces micro-réalisations au niveau des infrastructures. Il est vrai que notre pays a des gens aux idées bien nobles, et dont le génie créateur n’a pas fini de surprendre. Mais quelle petitesse, ces ouvrages !

Les exemples foisonnent : l’université de Ouagadougou qui se cherche de l’espace. L’aéroport international de notre chère capitale qui ressemble, à s’y méprendre, à un vulgaire petit aérodrome de brousse. L’épaisseur ridicule du "goudron" qui lèche nos routes. Franchement, la réalité dépasse l’entendement : trop de modestie caractérise la réalisation des ouvrages chez nous. Et pourtant, que d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes compétents !

Les Sud-Africains (les Bafana Bafana), en venant jouer au foot à Ouagadougou, avaient, semble-t-il, demandé à se loger dans le plus grand hôtel de la place : de guerre lasse, ils auraient fini par se contenter d’un de nos fleurons à nous. L’histoire ne dit pas s’ils sont repartis satisfaits, surtout que les Etalons les avaient... étalés.

On se demande parfois si la durée de vie des immeubles est réellement prise en compte chez nous dans la réalisation des bâtiments ? Jour après jour pourtant, des nouvelles nous parviennent du reste du monde : effondrement d’immeubles par suite de mauvaise conception, fissures, absence de sorties en cas d’incendie, etc. Doit-on et peut-on laisser construire n’importe quoi n’importe où ?

Le comble, c’est quand nous revendiquons notre appartenance aux Pays pauvres très endettés (PPTE), tirons des "avantages" que confère ce statut, réalisons des ouvrages peu performants ou d’une durée de vie insignifiante.

Le problème dépasse le cadre d’un seul ministère car, non seulement tous les départements sont concernés, mais aussi il y va de la beauté du paysage, de la respectabilité de notre environnement et, fort malheureusement parfois, de la vie des citoyens.

Nos autorités et nos experts tirent-ils vraiment leçon de leurs sorties à l’extérieur ? Prennent-ils ces problèmes au sérieux ? En tout cas, les choses changent difficilement chez nous.

Les dessous-de-table ne compromettent-ils pas la pleine réalisation des infrastructures ? Il y a vraiment trop de réfections, de replâtrages auxquels on comprend peu de choses.

Plutôt que de sanctionner, comme le prévoient les textes, on semble bien fermer les yeux sur l’incompétence et l’incurie des soi-disant techniciens ou experts. On semble avoir opté de récompenser les mauvais exécutants des marchés en leur accordant gracieusement et rapidement des rallonges sans fin pour leur permettre de "rattraper" le travail ...mal fait.

Pendant ce temps, les bureaux d’études et les entreprises performantes et en règle se meurent d’ennui ou expirent lentement, pour avoir cherché à braver les lois d’un marché qui n’en est vraiment pas un.

Nous l’avons déjà dit : tout le monde est coupable, à commencer par le citoyen qui feint de ne rien voir. Les autorités, à tous les niveaux, pour leur laxisme. Les bailleurs de fonds, pour non-assistance à peuple en détresse et lourdement endetté malgré lui et pour des générations. La société civile qui tend à baisser la garde au lieu d’intensifier la lutte sous de nouvelles formes et avec l’appui, justement, des bailleurs de fonds et des partenaires extérieurs pour exiger le respect des normes et la publication régulière de la liste noire des marchés frauduleux et leurs auteurs. Vivement qu’on fasse un audit de l’exécution des marchés et qu’on apprenne à publier la liste noire des brebis galeuses.

La mauvaise exécution des offres fait des marchés publics le lit privilégié de la corruption : tout au long des procédures, des signataires, des commanditaires amassent des fortunes sur le dos du peuple. En effet, dans l’opération, seul le contribuable perd.

Les marchés publics méritent davantage de contrôle. Des mécanismes indépendants doivent être mis en place sous le contrôle conjugué des structures compétentes.

Trop de questions se posent en effet. Les prévisions tiennent-elles vraiment compte du cycle de vie des infrastructures ? Comment comprendre que de nos jours, avec tout ce qu’engendre le progrès scientifique, avec toutes les technologies disponibles, on soit incapable de faire des réalisations durables, des ouvrages de qualité tant par leur beauté que par leur robustesse ? Si les pyramides d’Égypte pouvaient parler ! Si les temples de la Grèce antique pouvaient juger ! Et si les hauts fourneaux de nos ancêtres pouvaient juger !

Au moment où l’on s’active autour des échangeurs et des autoroutes internationales, il importe de prendre des décisions énergiques pour mettre fin aux dérapages.

C’est pourquoi il faut saluer et soutenir les efforts des organisations du type "Publier ce que vous payez" du Congo Brazzaville. Les bailleurs de fonds ont la responsabilité morale, devant nos populations, d’encourager de telles prises de position, et surtout de défendre leurs auteurs. Leur silence les rend coupables, et leur inertie encore plus. Car les contribuables africains sont au bord de l’asphyxie.

La lutte contre la pauvreté, l’engagement pour un développement humain durable doivent aller au-delà des questions d’endettement ou de financement des opérations de recensement. L’implication dans les questions de bonne gouvernance doit dépasser le stade des discours, du financement et du suivi des opérations d’élections mal gérées, par ailleurs. Elle passe par la lutte contre l’impunité, face à la misère croissante de populations sans défense devant des élites jamais repues et sans aucune pitié.

Le Pays

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