Le 1er sommet d’Abuja, qui a réuni dans la capitale nigériane une quarantaine de chefs d’Etat africains et sud-américains, les 28 et 29 novembre 2006, représente, sans conteste, un événement très important, celui de l’avènement fort probable d’un nouvel axe de la coopération internationale : l’axe Sud-Sud.

Bien qu’une telle initiative ait été initiée et souhaité depuis une décennie, rien ne permet, malgré des indices fort éloquents, d’affirmer qu’il s’agit là de consacrer à la mode, au regard notamment des multiples recompositions du paysage international en regroupements plus ou moins logiques d’Etats souverains, d’appellations diverses mais orientés tous vers la coopération internationale pour le développement. Le récent sommet sino-africain s’inscrit dans cette mouvance qui semble s’imposer depuis la chute du Mur de Berlin marquant la fin de la Guerre froide, des rivalités idéologiques... et faisant place aux considérations purement économiques.

Le sommet d’Abuja qui se tient actuellement au Nigeria verra naître, en effet, un nouvel axe de coopération Sud-Sud. Cet axe, expression d’une nouvelle volonté, d’une prise de conscience nouvelle de la part des autorités africaines et latino-américaines, traduit, d’une certaine manière, l’urgence et la nécessité d’un changement structurel dans la coopération internationale.

La coopération Nord-Sud, la seule qui ait prévalu jusque-là, montre chaque jour ses limites, surtout pour les pays du Sud, tandis que son efficacité controversée est de plus en plus dénoncée : l’échec des négociations au sein de l’OMC, la détérioration continue des termes de l’échange, la paupérisation croissante des peuples du Sud malgré les déclarations officielles ici et là... sont les manifestations les plus visibles d’une politique internationale qui peine à être juste et équitable.

L’Afrique noire, en particulier, est en permanence "sous perfusion" tandis que d’autres pays du Sud, pour avoir osé exprimer plus courageusement leur désir d’émancipation et d’innovation par rapport aux schémas classiques (Inde, Corée du Sud, Brésil), connaissent un sort différent qui inspire respect de la part des pays du Nord. Sont de ceux-là l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil, etc., classés dans la catégorie enviée des pays émergents.

C’est dans ce large contexte qu’il faut comprendre l’importance de l’événement et le fait que le Brésil de Luis Ignacio Lula Da Silva soit la locomotive du nouvel axe naissant. Et effet, on ne peut faire l’économie de certaines réalités objectives ayant présidé à la conception et à la réalisation de ce nouvel ordre économique mondial qui pointe à l’horizon.

La personnalité du président Brésilien, la situation politique au Venezuela et au Nicaragua, de Cuba et du Pérou, du Nigeria et de l’Afrique du Sud, ... l’état de grandes turbulences que connaissent les pôles de gouvernance internationale de notre époque y sont grandement pour quelque chose.

De ce point de vue, le Mouvement des pays non alignés se doit aussi de concevoir et de négocier un nouveau virage, après avoir été longtemps le lieu d’expression de l’identité et des besoins de développement des pays du Tiers-monde.

Le nouvel axe Sud-Sud en gestation représente, dans ce contexte de faux libéralisme (en réalité le sacre de l’hégémonie du Nord sur le Sud), un espoir certain pour le développement, la lutte contre la pauvreté et le Sida, la sauvegarde de l’environnement, dans les pays du Sud. Par cet axe, ces derniers s’engagent à unir leurs forces politiques et économiques pour s’affranchir de la dépendance vis-à-vis des riches puissances du Nord.

Les pays du Sud sont conscients qu’ils détiennent l’essentiel des ressources naturelles et minières dont l’exploitation inique et injuste fonde la richesse du Nord et justifie le fait qu’ils se trouvent au centre des contradictions qui opposent régulièrement les pays du Nord les uns aux autres dans des "guerres" de positionnement et de leadership.

C’est dire que l’enfant qui est en train de naître ne bénéficiera certainement pas, de la part de tous, du chaleureux accueil escompté. L’Afrique est à la croisée des chemins, une nouvelle fois. Lula Da Silva pour le Brésil, Hugo Chavez pour le Venezuela sont connus pour leur engagement et leur confiance en l’importance stratégique d’un renforcement des relations Sud-Sud.

On se rappelle du reste les résistances fortes déployées par le Nord, en l’occurrence les USA, contre le retour de Daniel Ortega aux affaires politiques de son pays, ainsi que des mobiles plus ou moins avoués des guerres, qui, comme par hasard, se concentrent principalement dans les pays du Sud. Les Africains, à leur tour, se doivent de tirer les enseignements des décennies de politiques de coopération qu’ils ont entretenues jusque-là avec leurs anciennes métropoles, en toute lucidité et avec courage et détermination.

L’axe Sud-Sud se fera et se consolidera en tant qu’issue heureuse d’une lutte héroïque sans merci. Pour cela, les sommets, à eux seuls, ne suffiront certainement pas. Les sociétés civiles et les peuples du Sud doivent jouer en toute responsabilité leur partition, ce qui suppose, notamment en Afrique, un profond assainissement des politiques intérieures. Rien de beau et de véritablement profitable aux peuples ne peut s’acquérir dans la douceur, en particulier dans ce contexte international que nous vivons.

Le Pays