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Techniciens de laboratoire : "Ne sommes-nous pas dans le même Burkina" ?

Publié le mercredi 29 novembre 2006 à 07h24min

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Dans l’écrit suivant, Sibiri Nana (technicien de laboratoire au Centre national de transfusion sanguine) dénonce des situations au sein du ministère de la Santé. Pour l’auteur, il y a eu injustice envers la promotion 2000-2003.

Le ministère de la Santé interpellé doit aussi répondre à certaines questions et enfin c’est un véritable S.O.S. qu’il lance à plusieurs organisations pour une résolution définitive du problème.

Dans la chaîne de prise en charge thérapeutique et préventive des patients, il existe, à côté d’autres emplois, celui de technicien de laboratoire médical. Le technicien de laboratoire est celui qui réalise les examens et participe ainsi au diagnostic, à la surveillance épidémiologique, au contrôle et au suivi du traitement de bon nombre de pathologies.

Vu l’importance d’un tel emploi, il a été ouvert, pour la première fois dans notre pays, un concours pour l’emploi d’agent technique (actuel technicien de laboratoire) en son temps par arrêté n°800/MISSFP/DGRH/DEC du 08/05/1985. Les agents de cet emploi formaient une même division (division des agents spécialistes, devenue aujourd’hui division des auxiliaires médicaux) avec les préparateurs en pharmacie et les manipulateurs d’Etat en radiologie. Ils étaient tous les trois (3) types d’agent recrutés sur la hase du BEPC + l’attestation de la classe de seconde avec trois (3) ans de formation à l’ENSP et pour classification catégorielle B3 (2C).

En 1994, les deux autres emplois (manipulateurs en radiologie et préparateurs en pharmacie) virent leur niveau de recrutement passer à BAC avec toujours le même nombre d’années de formation et un classement en A3. Cela eut pour effet direct le retour de tous les anciens à l’école pour un reclassement après neuf mois de formation complémentaire qui eut lieu de 1995 à 1999. Pourquoi le laboratoire a-t-il été laissé pour compte à ce moment ? Grande interrogation.

Cette discrimination à l’égard de l’emploi de technicien fut l’objet d’abord d’une discussion syndicat/gouvernement en 1997 et ensuite d’une ETUDE dont le rapport fut déposé le 22/03/99 au secrétariat général du ministère de la Santé. Dans ce rapport, il fut décidé le recrutement avec BAC en lieu et place du BEPC afin d’adapter le niveau de recrutement au contenu du programme enseigné. Aujourd’hui, tout le personnel de laboratoire est dans la consternation totale.

En effet, cet emploi, depuis sa création (deux décennies), est resté bloqué « prophase » sans le moindre concours professionnel , alors que tout agent de la fonction publique a droit à au moins une promotion dans sa carrière (pour ceux qui ne sont pas au plafond), laquelle promotion est source de motivation et moyen de reconnaissance des efforts consentis.

Ce blocage, on le rappelle, avait fait l’objet d’un des points clés d’une plate-forme du SYNTSHA en 1997, un problème plus ancien que la réforme globale de l’administration publique et très bien connu des ministères de la Fonction publique et de la Santé.

Le concours de niveau BAC qui devait être lancé en 1999 n’eut pas lieu sous prétexte que le rapport est parvenu tardivement (lettres n°99-0902/MS/SAB/SG/DFP du 28/04/99 et n°99-259/MFPDI/SG/DGFP/DR du ministère de la Fonction publique du 08 juin 1999 réponse).

Injustice envers la promotion 2000-2003

A notre grande surprise, le concours fut lancé, du niveau BEPC+ attestation de la classe terminale en 2000 par arrêté n°2001-1032 MFPDI/SG/DGFP/DR. Actuellement, cette promotion (2000-2003), après sa sortie, subit une grande injustice par rapport à sa classification catégorielle (ils doivent être en B1(2A), mais ils ont été rétrogrades en B3(2C) (cf. décision n°2003- 06860/MFPRE/SG/DGFP/DPE) et on se demande pourquoi puisque leurs collègues infirmiers et sages-femmes de la même promotion (2000-2003), qui sont du même niveau (BEPC+TL) et totalisent trois (3) ans de formation, ont été, eux, classés en B1(2A). Nous, nous demandons si nous ne sommes pas dans le même Burkina ? Ne sommes-nous pas régis par les mêmes textes ?

Enfin, en 2001, le concours fut lancé du niveau BAC conformément aux recommandations de l’étude. Cette promotion (2001-2004), depuis sa sortie, a des difficultés à être reclassée dans la catégorie A3 malgré de nombreuses démarches et on en ignore encore les vraies raisons.

Est-ce parce que ce sont des techniciens ? Qu’ont-ils fait à ce cher pays pour mériter un tel sort ? Le laboratoire n’est-il pas important au Faso pour qu’on respecte son personnel ? Aucun élément de réponse.

En rappel, le Burkina Faso compte des techniciens de laboratoire, parmi lesquels des agents B3 (la majorité) et des agents A3 ayant le même diplôme et exécutant les mêmes tâches dans le laboratoire. Quel désordre dans un même emploi ? C’est justement pour la correction de ce désordre, qu’une requête de reclassement de tous les techniciens en catégorie B fut introduite par lettre n°2002- 00655/MS/CAB/SG/DRH du 28/05/02. Mais par lettre n°2002-0750/MS/SG/DRH, le directeur des ressources humaines du ministère da la Santé nous a informés que la Fonction publique nous invite à attendre l’adoption a définitive des textes portant organisation des emplois spécifiques du ministère de la Santé.

Nous avons attendu, et le 26 juillet 2006 lesdits textes ont été adoptés, puis signés le 25/09/06.

On pensait que notre situation, qui n’avait que trop duré, allait enfin être corrigée, mais hélas, au fur et à mesure que le temps passe, notre problème ne fait qu’empirer, créant, en plus, des confusions inquiétantes.

Dans ces textes, en leur article 76, un concours professionnel à titre transitoire de neuf (9) mois est imposé aux techniciens de laboratoire et techniciens supérieurs de laboratoire avec comme condition obligatoire le baccalauréat pour accéder aux fonctions de technologistes biomédicaux (A3), qui remplacent les techniciens de laboratoire et les techniciens supérieurs de laboratoire, en extinction conformément aux articles 62 et 69 des mêmes textes.

Pitié, honorables ministres de la Santé et de la Fonction publique, pour des agents bloqués en « prophase » depuis vingt (20) ans, et qui ont toujours attiré l’attention de l’Administration (à travers de multiples rencontres, les correspondances ci-dessus évoquées et autres) sur leur problème, et qui, pas un seul jour, n’ont fait avec aucun mépris leur tâche quotidienne, mais qui ont peut-être seulement eu la malchance de choisir ce métier combien noble. Beaucoup ont même été malades, certains étant près de la retraite sans le moindre galon sur l’épaule ; exiger d’eux de faire un concours d’où d’emblée ils sont exclus du fait qu’ils n’ont pas le BAC, et des conditions d’âge, c’est leur dire en quelque sorte qu’ils n’auront jamais la promotion dans leur vie.

Pauvres techniciens, qu’avons-nous fait pour mériter un tel sort, un tel traitement ? Ne sommes-nous pas aussi des Burkinabè ? Pourtant si, des Burkinabè nés de Burkinabè.

D’ailleurs, ces mêmes anciens pétris d’expérience qui ont encadré et encadrent toujours les jeunes promotions ont un bon renom sur le terrain. Dans les textes d’organisation des emplois spécifiques (TOES) du ministère de la Santé, même s’il ne faut pas juger sévèrement l’enfant dans le berceau, quelques interrogations méritent d’être faites concernant l’avenir du laboratoire et surtout de son personnel.

Quel est le bien-fondé du retour à l’école pour les neuf mois de recyclage ? Si on veut situer les choses dans leur juste contexte, on doit se recycler par rapport à un certain nombre de modules qu’on n’a pas vus ou étudiés lors de notre passage à l’école. Pourtant, ici, jusqu’à l’heure où nous sommes, de la première promotion BAC (2001) à la promotion 2005, c’est toujours le même programme de formation que leurs aînés, mais ces premiers sont en A3.

Nous pensons qu’il s’agit normalement d’un reversement automatique en A3 de tous les techniciens B (1985-2000) et non d’un quelconque recyclage qui, à notre avis, est une perte en ressources humaines quand on sait le nombre d’ailleurs insuffisant de ce type de personnel.

Même avec l’entrée en vigueur du nouveau programme cette année, si les techniciens (B3) sont appelés à se recycler pour être reclassés en A3, c’est logique ; mais que fera-t-on de ceux qui sont en A3 (de la promotion de 2001 à celle de 2005) et qui ont été aussi formés au même programme ? Dans la logique des choses, ces derniers doivent aussi être recyclés pendant neuf mois et peuvent par conséquent prétendre avec juste raison à une bonification. Dans ce cas, où est la correction du désordre qui crée déjà des frustrations dans les services ? L’une des particularités de ces textes, c’est qu’ils n’éclairent pas sur les différentes filières de formation, et nous pensons que ces points nécessitent d’être revus quand on sait la lourdeur et la lenteur administratives à solutionner un problème urgent d’une telle envergure.

Le SOS de Sibiri Nana

C’est devant une telle situation qui trouble, inquiète, compromet l’avenir et probablement le devenir de l’emploi de technicien de laboratoire, pourtant émergent et incontournable pour une meilleure prise en charge des patients, que j’en appelle à l’ensemble de la classe politique, de la société civile, des mouvements burkinabé des droits de l’homme et prend à témoin l’Association internationale des technologistes biomédicaux (ASSITES), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’opinion nationale et internationale que le problème du laboratoire au Faso est une question transversale et que si on n’y prend garde, le laboratoire risque de perdre sa valeur, sa crédibilité et peut même s’éteindre (disparition de cet emploi très noble et incontournable), car il n’y aurait plus jamais quelqu’un qui désirerait s’y s’orienter et c’est la population qui récolterait les pots cassés.

Quant à nous, nous sommes de pauvres techniciens demandant un traitement légal et équitable comme tout fonctionnaire de la même Fonction publique. En attendant, nous nous demandons s’il existe une justice équitable comme on nous l’a toujours chanté :

Le reversement en A3, sans condition, de tous les techniciens sans distinction aucune.

L’éclairage des textes concernant le concours professionnel (lieu de formation, branches où se spécialiser), car présentement, nous sommes déçus, abattus, découragés, nous avons même perdu l’amour du travail et l’humour au travail. En espérant que cet historique triste, mais véridique permettra aux personnes en charge du dossier technicien de mieux comprendre combien est notre misère. Je lance un appel à tous mes collègues des quatre coins du Burkina à se tenir sur leurs gardes, dans la solidarité, et au courage.

Sibiri Nana, alias Mathieu Médard

Technicien de laboratoire au CNTS

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 29 novembre 2006 à 11:19, par ELKISKA En réponse à : > Techniciens de laboratoire : "Ne sommes-nous pas dans le même Burkina" ?

    Bonjour Monsieur Nana
    Ta réaction n’est que demande de Justice et c’est à juste raison que les techniciens devront interpeler le Ministre de la Santé et celui de la Fonction publique pour une issue(maintenant) de cette affaire. Je suis technicien comme toi et ne comprends pas pourquoi une telle discrimination à notre égard

  • Le 12 mai 2020 à 16:18, par BANCE Moussa En réponse à : Techniciens de laboratoire : "Ne sommes-nous pas dans le même Burkina" ?

    Peiné par l’injustice inexplicable qu’a mes aîné, jeune technologiste biomédicale. Je me plais de dire qu’une révolution professionnelle sera la bienvenue dans ce métier tant important dans le domaine de la santé. Car pour moi rentré dans la fonction publique et aller à la dans cette même catégorie est inconcevable, l’élargissement des opportunités s’impose à niveau notamment augmentation du cota pour le concours professionnel de biologiste médical puis la création d’un autre niveau supérieur. Ensemble nous devons mener cette lutte.

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